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Transmusicales

Rennes, du 5 au 9 décembre 2012

Live-report rédigé par François Freundlich le 14 décembre 2012

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vendredi 7
Nous débutons ce vendredi des Transmusicales de Rennes dans la salle de la Cité, la meilleure salle de concerts de la ville malgré ses vieilles pierres et son petit coté vintage. Mais n’est-ce pas dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs shows ? La salle risque de fermer ses portes mais nous espérons néanmoins pouvoir pousser sa porte l’an prochain car tant de voix d’ectoplasmes y résonnent encore...

C’est bien ces lieux qui nous intéressaient en priorité puisqu’une bonne partie des artistes britanniques doit s’y succéder pendant le week-end. Malheureusement les places étant limitées et compliquées à obtenir, nous n’avons pu prendre de photographies. La soul girl Lianne La Havas est la première à entrer en scène devant un public clairsemé, attendant certainement la tête d’affiche de la journée pour se montrer. Cette jolie londonienne enveloppe l’audience de sa voix chaude à fleur de peau qui force immédiatement le silence et l’écoute. Quelques notes de piano ou de guitare acoustique se cachent derrière son organe clairement mis en avant. Elle parvient à déployer une certaine puissance, avant de laisser transparaître sa fragilité. On pense forcément à Amy Winehouse qui a laissé orpheline la scène soul du 21ème siècle. Au milieu de titres parfois longuets, on est ému pendant le titre Gone où Lianne La Havas exprime avec passion un amour disparu, accompagné d’un seul piano. Un instant de beauté.

Le jeune Paul Thomas Saunders entre timidement en scène, quelque peu hésitant derrière ses tics lui permettant de remettre sa mèche en place. Toute critique se tait lorsqu’il commence à chanter, avec une voix d’une limpidité à faire pâlir n’importe quel songwriter folk. Les premiers titres sont interprétés avec un effet vocal ne laissant pas transparaître entièrement cette profondeur et cette puissance. Mais on comprend jusqu’où Paul Thomas Saunders peut aller dans la tension vocale lorsque aucun artifice n’interfère. Nous l’avions déjà aperçu seul avec une guitare acoustique mais sa musique prend une toute autre dimension avec son groupe. Des résonances électriques et des échos synthétiques viennent parachever l’expérience, apportant à la douceur des mélodies une force supplémentaire. Car si le pH de sa voix est égal à 7, son groupe n’a de cesse de l’écorcher par ces orchestrations abruptes. Le public est totalement conquis, obtenant un rappel prenant la forme d’une ballade acoustique charmante. Voilà un jeune homme qu’il faudra suivre de près !

Et voilà nous y sommes, on attend l’artiste qui attire tellement sur son nom que la date est complète depuis plusieurs mois : Lou Doillon. Tous les festivals ont déjà repéré le filon mais on ne comprend pas trop ce choix des Transmusicales, étant donné que la française est déjà n°3 des ventes en France avec son album. Peut-être parce qu’il ne s’agit que de son troisième concert et qu'il faut se montrer place de la hype ? Ou qu’elle est fille de ou demi-sœur de ? Admettons.
Alors que la presse est unanime, nous n’y voyons qu’une énième chanteuse de folk, bien moins intéressante que d’autres n’ayant pas la chance de s’appeler Lou Doillon. Il faut admettre que le concert tient la route, la prestation est correcte même si les compositions ne s’envolent pas comme celles de, au hasard, Paul Thomas Saunders. Difficile de passer après lui, surtout en singeant Cat Power de la manière la plus connotée qui soit. On entend bien une reprise de Should I Stay or Should I Go qui tombe à plat mais à part ça, on s’ennuie. La hype Lou Doillon aurait pu s’arrêter là mais on en reprendra bien jusqu’à plus faim toute l’année prochaine. Espérons que certains programmateurs de festival tombent sur des disques, au hasard, de Jessie Ware ou Sharon Van Etten...

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Oublions ce malaise pour repartir tout de go vers le Parc des Expositions de Saint-Jacques-de-la-Lande. On file vers le Hall 4 où Petite Noir arrive directement de Cape Town pour démarrer la soirée avec son african post-punk. Petite Noir est bien un homme malgré la faute : il n’a pourtant pas d’excuse puisqu’il a grandi à Bruxelles. Arborant une chatoyante chemise fleurie, Yannick Ilunga fait vrombir une voix sombre rappelant Paul Banks, prenant le pas sur toute autre instrumentation. Sa présence en impose et les atmosphères planantes de synthé pop se font parfois imperceptibles. Les éléments cold wave sont astucieusement mélangés à des soupçons de musique africaine, comme Retro Stefson a pu le faire pour la musique électronique. Les deux groupes ont d’ailleurs des origines angolaises et sud-africaines, signe d’une bonne espérance musicale dans ce coin de la planète. Si les instrumentaux sont parfois redondants, la voix fait presque tout le travail et on peut considérer Petite Noir comme l’un des artistes les plus originaux de cette scène revival post-punk new wave.

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Nous avions placé de grands espoirs dans le duo New-Yorkais MS MR, étant donné que les groupes sans voyelles ne nous déçoivent généralement pas. Cela n'est toujours pas le cas cette fois puisque de graves nappes de synthé à tendance 80’s nous enveloppent agréablement. On pense à MGMT, sans être réellement sûr du pourquoi. La voix de la chanteuse est néanmoins un peu plus essoufflée et parfois mal assurée mais leur glitch pop ne nécessite pas une performance d’anthologie. L’accent est mis sur la rythmique d’un batteur parvenant à faire danser l’assistance alors que les ambiances électroniques prennent l’avantage. On se fera plaisir sur une reprise de Time Of My Life de Patrick Wolf, exercice difficile étant donné l’aura du monsieur, mais réussi. Leur tube Hurricane est interprété en dernier, prenant la forme d’un parfait morceau de synth-pop laid back. C’est ce que l’on appelle un début de soirée prometteur.

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Tout a une fin sauf la galette saucisse, puisque Rachid Taha est déjà en scène dans le grand hall 9. Après avoir passé des croix et des barrières pour y entrer, on espère y mettre les pieds le moins possible tant on s’y sent perdu dans le gigantisme et agressé par un son d’une qualité médiocre. Difficile d'entendre quoique ce soit du show de Rachid Taha qui semble être le même que celui donné dans d’autres festivals comme Art Rock. Difficile également de trouver un intérêt à sa présence, à part une tête d’affiche moyenne et la présence de Mick Jones pour reprendre Rock The Casbah et (encore) Should I Stay Or Should I Go. On est déjà partis.

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Le meilleur concert de la soirée nous attend avec Phoebe Jean & The Air Force. La demoiselle est survoltée et communique une joie de vivre qui fait réellement plaisir à voir. Après des débuts en retenue, elle se livre complètement de sa voix entre chant et rap terriblement percutant. Elle est accompagnée par son groupe et deux danseurs hip-hop avec lesquels elle nous gratifie de quelques chorégraphies endiablées. Avec sa coiffure de Sue Ellen, elle fait tout sauf pleurer JR et blague sur le fait d’avoir laissé ouvert son pantalon.
Elle monte subitement sur un promontoire, surplombant la foule en faisant raisonner une voix noire et chamanique. Après un saut de l’ange, elle parcourt la scène en alternant passages rappés et chantés avec une voix fragile et pop, comme si PJ Harvey et M.I.A avaient fusionné. Elle laisse finalement tomber son gilet pour laisser apercevoir son collier bling bling en or. Voilà qui complète bien une certaine auto-dérision présente dans sa musique, comme lorsqu’elle frappe son clavier avec son micro. Les danseurs Super Mario et Pacman s’enflamment sur des rythmes épileptiques, pendant que Phoebe les filme avec son téléphone. Elle entame finalement son tube Day Is Gone, génialement efficace et entrainant. Pour la citer : The Shit.

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L’heure est aux groupes britanniques dans les trois halls du parc des expositions et nous commençons la série avec les nouveaux venus de Thumpers. Si ils n’ont donné leur premier concert qu’en septembre dernier, deux de leurs membres évoluaient précédemment au sein de Pull Tiger Tail, qui avait cédé au revival 80’s avant les autres. Ils reviennent cette fois avec un projet bien plus joyeux et pop teinté de singles entrainants et immédiats. On pourrait penser que l’adaptation à un concert dans un hall géant serait compliqué pour un groupe de deux mois d’existence mais les Thumpers sont à l’aise, proposant des morceaux rafraichissants et estivaux. La voix aiguë du chanteur est prolongée par les chœurs d’une chanteuse soul, des guitares légères et quelques blips de synthés. Tous les membres y vont de leurs voix se mélangeant sur des refrains accrocheurs. On pense à la pop bricolée de The Unicorns pour un concert entrainant et gentillet.

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Petit détour par le Hall 9 pour s’apercevoir que la soirée électro a bien débuté avec la londonienne Maya Jane Coles. La house et la techno font vibrer les murs avec des rythmes rapides et bruts manquant d’une subtilité que l’on attendait à tort. La DJ est à peine perceptible derrière une nuée de lasers qui n’ont pas fini d’éblouir l’assistance.

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Nous quittons les lieux pour nous diriger vers le concert de O.Children. Dernière sensation anglaise du revival post-punk à voix caverneuse, le quatuor est porté par son charismatique leader chapeauté à la présence scénique indéniable. Ce dernier aime d’ailleurs à diriger ses troupes comme il l’entend, oubliant parfois qu’il n’est pas seul sur scène. Les guitares se font sombres et puissantes alors que quelques nappes de synthé apportent la touche new wave aux étincelles électriques délurées. On pense évidemment à Joy Division mais avec un son bien plus lourd et angoissant : la bande son idéale pour une nuit d’halloween réussie. On s’attend à un remake de Thriller pendant Dead Disco Dancer alors que les guitares se mettent à dérailler dans une distorsion tourbillonnante sans fin au milieu d’une lumière bleutée. Les synthés vintage prennent leur envol sur Ruins : “a song about killing people“. On s'éloigne un peu de l'avant de la fosse pour le coup. Leur tube Hollywood conclue le set en rappel, lugubre à souhait, on n’a même pas eu peur.

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L’instant critique que l’on avait prévu à juste titre est arrivé : il faut maintenant entrer dans le Hall 9 en plein milieu de la prestation de Vitalic. Depuis l’émeute au concert de M.I.A., l’accès est sous bonne garde alors qu’une longue file d’attente s’est formée et que certains commencent à s’énerver. On parvient néanmoins à entrer par des voies détournées en ayant le bon badge et surtout en connaissant les bonnes personnes. Nous voilà cramponnés dans les gradins pour en prendre plein la vue lors de la première représentation en France du nouveau show VTLZR Live. Disons le tout de suite, le lightshow fait parti des meilleurs visuels jamais vus pour un concert d’électro. Cela ne surpasse pas encore Daft Punk ou Aphex Twin mais on est dans le haut du panier à pique-nique. Ça rayonne dans tous les sens, ça stroboscopise à outrance sur toute la façade du hall alors que les lasers viennent de devant, de derrière, de la droite et de la gauche. Le son est vaste et fort, mélangeant des mélodies dance à tendance mainstream avec des beats technoïdes à en dés-onduler la tôle du hall. Un écran LED géant est installé à l’arrière du groupe projetant des visuels psychédéliques. Le DJ est placé sur un promontoire de gourou alors qu’un batteur et un claviériste apportent la touche organique au show. On regrettera de ne pas avoir pu s’enflammer sur Pony Part 1 même si on a pu le faire sur La Rock 01, en compensation. Le show se termine au son de la voix de la chanteuse de Sexy Sushi sur le titre La Mort Sur Le Dancefloor. Ces extraits du dernier album ne sont pas vraiment la plus grande réussite de la prestation. Le public s’est bien décrassé les oreilles dans un concert qui ne révolutionne pas le genre, mais qui fera la joie de tous les festivals de 2013.

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Le groupe suédois bizarre du soir s’installe sur la scène du Hall 4 : c’est la synth-pop indus de Agent Side Grinder. De ce concert, on ne peut que retenir le déhanché chaloupé du chanteur hurleur. Ces pas de danse épileptiques seront les plus renversants du festival, voire de l’année : Thom Yorke peut aller se rhabiller. Un sosie de Martin Gore au clavier enchaine les assauts hypnotiques et scabreux. Entre rythmique industrielle et punk dépressif, les boucles sont enregistrées sur de veilles cassettes analogiques des années 70. La voix de zombie est encore au rendez-vous ; mais où sont donc passées les voix de fausset qui faisaient les beaux jours du rock ? Non, en fait on ne veut pas le savoir. On hésite à changer de lieu sous peine de rater une dernière danse du ventre, pour finalement ressortir dans le froid glacial vers le Hall 3.

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Les hollandais de Birth Of Joy sont déjà installés et envoient sans prévenir un rock furieux aux allures de Queens Of The Stone Age. Le batteur frappe sur ses futs comme si sa vie en dépendait et les guitares sont malmenées dans de lancinants riffs à distorsion prolongée. Cette soirée manquait d’un bon concert de rock’n’roll bien gras et Birth Of Joy sont là pour ça. Le chanteur se fait plaisir sur chaque hurlement guttural mais sait aussi prendre une voix plus apaisée sur les couplets. Ces défoulements électriques font autant plaisir qu’un bon titre de Rage Against The Machine alors que le public un peu fou à cette heure avancée de la nuit ne s’y trompe pas. Voilà un groupe qui porte vraiment bien son nom.

On commence à fatiguer du genou mais on essaye de tenir pour les parisiens de Sarah W. Papsun. Dans la lignée de Foals, le groupe distille un math-rock enflammé porté par des mélanges de guitares oniriques. Le rythme est des plus rapides mais interrompu par quelques passages synthétiques aériens. Le chanteur s’excite à l’avant de la scène pour ajouter une voix pop à des envolées dance punk méticuleuses. Car les français sont également influencés par l’indie rock dansant d’outre manche, de Friendly Fires à Two Door Cinema Club avec des incursions électroniques remuantes. Sarah W. Papsun, ce n’était pas à coté. Pour terminer dans l’électro-rock survolté, aux alentours de 4h30 du matin, les canadiens de Doldrums offrent un dernier sursaut au public des Transmusicales. Récemment aperçu en première partie de Grimes, le trio de Montréal est certainement l’un des meilleurs groupes électroniques live du moment. Les samples sont libérés à une vitesse folle, s’entrecroisant sans que l’on ne sache plus où donner de l’oreille. C’est terriblement efficace et on n’a qu’un regret : que le concert ait eu lieu trop tard dans la soirée pour en profiter réellement. Ces chenapans indé ont livré une prestation folle et pleine d’énergie.

Ce vendredi soir, ou ce samedi matin, s’achève sur un lot de très bons moments avec un son très 80's en fil rouge. Nous retiendrons la géniale Phoebe Jean & The Air Force mais également Doldrums, Birth Of Joy, Paul Thomas Saunders ou MS MR. Il est temps de rentrer au bercail non sans avoir pataugé dans les flaques d’eau géantes qui se sont formées à l’extérieur du parc des Expositions. Il fallait bien un dernier frisson.
artistes
    Agent Side Grinder
    Astrodynamics
    BARNT
    Birth of Joy
    Black Belt Andersen
    Budju
    Doldrums
    First Lady
    Jupiter
    Kosmo Pilot
    Lianne La Havas
    Licornia
    Little Trouble Kids
    Lou Doillon
    Maya Jane Coles
    MS MR
    Nick Waterhouse
    O.Children
    O Safari
    Ondatrópica
    Paul Thomas Saunders
    Pegase
    Petit Fantome
    Petite Noir
    Phoebe Jean & The Air Force
    Rachid Taha
    Sarah W Papsun
    Sinjin Hawke
    Strasbourg
    The Miracles Club
    The Right Ons
    Thumpers
    Villanova
    Vitalic
    Von Pariahs
    Wanted Posse
    We Are Van Peebles