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Festival des Artefacts

Strasbourg, du 10 au 28 avril 2013

Live-report rédigé par François Freundlich le 4 mai 2013

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dimanche 28
Après une journée de samedi consacrée au hip-hop, au turntablism et au cyclisme, le Festival des Artefacts se clôture avec un dimanche un peu plus calme, accueillant plusieurs artistes de la scène française ainsi que le groupe anglais Archive. Le public est un peu moins nombreux que les premiers jours, le Zénith Europe s’en trouve en capacité d’accueil minimale. Il est également bien différent puisque la jeunesse est cette fois restée chez elle.

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Nous entrons dans ce bâtiment en forme de lampion orange alors que La Femme achève son concert et que Lescop s’apprête à entrer en scène. L’ex-chanteur du groupe Asyl, désormais en solo, introduit des sonorités post-punk avec comme point de mire, les pointures du genre de la fin des années 70. Le mimétisme avec Ian Curtis de Joy Division est poussé au point d’adopter la même voix, le même jeu de scène, le même look, la même musique. Lescop aurait-il abusé des rediffusions du film Control d'Anton Corbijn ? Il y a bien pire comme référence, on tente donc de passer outre la ressemblance pour se concentrer sur ce qu’il lui reste d’original. Ses chansons sont efficaces et dansantes, on se prend facilement au jeu en se décrassant les articulations.
Les guitares sombres rejoignent une basse profonde et puissante alors que les quelques blips de synthé nous rappellent la musique du regretté Daniel Darc. Sa voix grave est plutôt maitrisée, tout comme son levé de bras ainsi que son regard fougueux. Il esquisse quelques pas de danse sur La Nuit Américaine qui reste son meilleur morceau, entrecoupé d’un instrumental planant. On a néanmoins l’impression que ses autres titres sont dérivés de son single La Forêt, tout ça n’étant d’une variété mélodique folle. Ce titre fait son petit effet, s’incrustant bien dans la tête comme une vraie pop song. Malgré les réticences dues à sa couverture médiatique, Lescop nous a surpris avec un concert plutôt réussi.

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Restons sur notre lancée « Victoires de la musique » avec la nouvelle égérie médiatique de la chanson française : Lou Doillon. La demoiselle et ses musiciens sont installés à l’abri de grandes arches arrondies surplombées de lampes insufflant une ambiance aussi intimiste que possible dans un tel lieu géant. De lents pianos prennent les devants, ralentissant l’ambiance naissante du début d’après-midi. Le public reste attentif mais l’ennui commence à poindre le bout de son nez. Si les morceaux se ressemblent autant que ceux de Lescop, on ne peut cette fois pas se rattraper sur la danse. La voix pourtant suave de l’ex-mannequin est monotone, voir soporifique lorsqu’elle avale les mots avec un phrasé maniéré. Même sur I.C.U, on reste de marbre face à un manque flagrant d’intensité : il ne se passe pas grand chose sur la scène du Zénith et ce n’est pas les quelques envolées de guitares lointaines qui y changeront quelque chose. La reprise de Should I Stay or Should I Go ne nous clashe pas vraiment les cervicales, se voyant transformée en une légère ritournelle jazzy. Il en est de même pour celle de I Go To Sleep des Pretenders dont le titre est néanmoins en adéquation. Encore un festival qui est tombé dans ce piège, il ne sera pas le premier ni le dernier.

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Pour relever le niveau, c’est le dandy Benjamin Biolay qui est appelé à enflammer cette salle qui en a bien besoin. Après une introduction sur des synthétiseurs planants, le parisien entame Sous Le Lac Gelé de sa voix puissante et intense. Les adaptations live de ses morceaux sont résolument rock alors que les guitares incisives sont déployées à l’avant de nappes de claviers divagants. L’introduction dramatique des violons de La Superbe nous fait frissonner dès les premiers accords, on sent Biolay bouillir de l’intérieur, tremblant et récitant d’un phrasé parlé à la Gainsbourg des textes fascinants. On sent le songwriter au sommet de son art en le voyant crier ces deux mots « la superbe » en empoignant son pied de micro.
Le concert passe de la chanson écorchée à la pop de stade avec Rendez-Vous Qui Sait et ses boucles électriques que des groupes de brit-pop actuels comme Coldplay n’aurait pas renié. Le morceau se voit prolongé par une reprise de The Smiths : Heaven Knows I’m Miserable Now. Les “Mademoiselle rit, Mademoiselle pleure“ de Dans Mon Dos revêtent cette fois les habits du grand Alain Bashung, avec ce piano mélancolique. C’est bien là la force de Biolay, avoir digéré les influences de ses glorieux ainés pour en faire une musique populaire, actuelle et personnelle.
Le summum de l’intensité est atteint pendant À l’Origine et son crescendo en rimes si bien choisies. Tous ces morceaux sont réarrangés du tout au tout pour le live. Mais À l’Origine revêt une force à part, débutant sur un léger piano pour s’enflammer dans un déferlement de guitares électriques alors que la voix passe du fredonnement au cri de gorge d’une puissance folle. Le final se fait même apocalyptique avec un violoncelle malmené et des lumières stroboscopiques. Padam termine le show avec sa guitare funk, prolongée par une reprise de Clint Eastwood de Gorillaz. Benjamin Biolay assume son statut de figure de proue de la chanson française avec quelques textes mégalo “que le monde entier m’acclame“ et il l'a bien prouvé ce soir.

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Le concert qui aura finalement attiré le plus de monde massé dans la fosse est celui du Lyonnais expatrié à Brooklyn : Woodkid. Après une tournée européenne bien remplie, la sensation french touch du moment revient enfin au bercail pour une première date française suite à la sortie de son album The Golden Age. Il n’est pas venu seul puisqu’une installation visuelle plutôt impressionnante l’accompagne ainsi qu’un trio de cuivres, deux percussionnistes ainsi que des synthés. Un écran géant diffuse à l’arrière de la scène les vidéos très épurées du réalisateur compositeur, basées sur des symétries en noir et blanc.
Dès l’introduction, on vit ce concert un peu comme une bande originale grandiloquente de film d’action. La voix folk et caressante de Yoann Lemoine résonne finalement, accompagnée d’une légère boucle de piano. Ce dernier ne restera jamais seul bien longtemps puisqu’il sera toujours surmonté de montées épiques ou de grondements de percussions métronomiques, quasi-militaires. L’homme a l’air sympathique et admet aimer les spaetzle, ce qui oblige tout alsacien qui se respecte à ne pas le critiquer. Il n’empêche qu’il manque une certaine humanité à ses chansons, basées uniquement sur des boucles rythmiques pour masquer un manque évident dans la composition. Les deux tambours à l’arrière de la scène ont beau résonner de plus en plus fort, tout cela sonne bien creux. Woodkid se voit obligé de haranguer et faire chanter le public sur I Love You pour qu’une énergie se dégage de quelque part, si ce n’est de la musique. On pourrait alors le surnommer « the french Moby », essayant de faire remuer les gens dans un ascenseur. Iron et ses cuivres à sonorités russes soulèvent le public tout comme le chanteur intenable sur scène, il n’empêche qu’on aurait compris la chanson au bout de trente secondes, sans avoir a subir le solo de tambour final. Au final, il en reste le souvenir du concert de percussions le plus grandiloquent de l’histoire des percussions.

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En clôture du festival, c’est le collectif anglais Archive qui revient, trois ans après son dernier passage sur cette même scène. Installés à l’avant d’un mur lumineux géant et surplombés par un lightshow ne laissant transparaître que l’ombre les musiciens, Archive vont proposer à un public moins nombreux son mélange d’électro et de rock progressif. Le set est d’ailleurs bien plus électronique qu’auparavant, faisant la part belles aux rythmiques sur-vitaminées des deux derniers albums pour oublier, à de rares exceptions, leur période trip-hop. Les deux cerveaux du groupe Darius Keeler et Danny Griffiths énervent des guitares lancinantes et des nappes de synthé planantes pour remplir la salle d’un son ample et incisif.
Les différents chanteurs se partagent les chansons même si la voix grave (et parfois fausse) de Dave Penn sera la plus présente. Pollard Berrier apporte un chant plus frais et cassé à une musique parfois trop sérieuse et convenue. Si l’on repense à leur concert il y a presque dix ans à l’Olympia de Paris, on se trouve clairement dans un autre registre basé sur l’énergie plus que sur cette puissante émotion que procurait leurs premiers albums. Et surtout, il manque Craig Walker. La chanteuse Maria Q fait son apparition sur le titre Hatchet pour apporter le troisième souffle dont Archive avaient besoin. Les adaptations de ces titres du nouvel album sont assez réussies sans toutefois parvenir à faire remuer un public attentif. L’orgue métronomique de Sit Back Down nous laisse entrevoir la face plus aérienne du groupe avec ce duo vocal tout en urgence. Mais l’instant clé restera cette version de Fuck U, que l’on avait connue jadis mieux interprétée, mais toujours aussi intense. Si leur titre majeur Again a malheureusement disparu des setlists, Archive terminent sur leurs derniers succès comme l’envoutante Bullets. Ce dernier concert nous aura proposé de bons passages, d’autres moins, mais laissera un meilleur souvenir que celui de leur dernière tournée.

Cette édition du Festival des Artefacts s’achève ici, elle aura connu des moments forts pour cette dernière journée comme la prestation mémorable de Benjamin Biolay. Il aura su apporter cette profondeur qui a cruellement manqué à Woodkid. Lescop sera parvenu à nous faire danser bien plus qu’Archive qui auront pourtant tout tenté.
artistes
    Archive
    Benjamin Biolay
    La Femme
    Lescop
    Lou Doillon
    Woodkid