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Festival Art Rock

Saint-Brieuc, du 17 au 19 mai 2013

Live-report rédigé par Maxime Canneva le 19 mai 2013

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La Bretagne, terre de rock ? Plus une affirmation qu’une question, la région où le cidre coule à flots voit fleurir depuis de nombreuses années un grand nombre de festivals à la programmation toujours aussi alléchante. Et lorsqu’il s’agit de fêter ses trente ans, Art Rock, festival pluridisciplinaire, n’est pas en reste et choisit la voie de l’éclectisme pour animer le temps d’un week-end la petite ville de Saint-Brieuc.

Ce week-end, le centre-ville historique a été entièrement transformé pour accueillir l’évènement : entre autres, la chapelle Lamennais est métamorphosée en accueil pour la presse et la place Poulain-Corbion, l’une des places centrales usuellement utilisée comme parking, a été réquisitionnée pour accueillir la grande scène. C’est à la fois étonné et ravi qu’une fois passé les contrôles de sécurité, on déambule au travers des immeubles de la vieille ville. Et puisqu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, la météo, dans sa grande clémence, autorisera quelques rayons de soleils. Le seul point noir dans cette organisation étant qu’aucun hébergement de type camping n’étant prévu, Saint-Brieuc doit faire face à une crise du logement sans précédent pour pouvoir accueillir ses festivaliers.

C’est donc à 18h30 devant la grande scène que Lescop donne le coup d’envoi de cette édition 2013, devant une foule pour le moins parsemée. L’ex-chanteur d’Asyl a décidé de continuer sa carrière en solo et se voit accompagné pour l’occasion d’une formation contenant guitare, basse, batterie et synthé. Après un engouement médiatique impressionnant, c’est donc avec curiosité que la question de son rendu en live se pose. C’est avec l’air sombre et le regard fixe, pointé vers le fond de la place, que le Lescop entre en scène et débute son set. Son air froid, ses habits sombres et sa voix pénétrante sont en accord avec la température bretonne. Il faudra attendre deux morceaux pour que Lescop salue le public et appelle à réchauffer l’atmosphère, devant la grande scène qui commence à se remplir. Proclamé nouveau roi de la cold wave, on reste cependant parfois dubitatif : les morceaux s’enchainent sans que l’on arrive parfois à vraiment les distinguer et on est bien loin de l’engouement que provoquait en son temps Joy Division ou encore plus récemment Interpol.
Étonnement, la comparaison la plus frappante s’établis avec Nicolas Sirkis dont on croirait entendre surgir sa voix hors du corps de Lescop. Le jeu de scène est également très travaillé : de très rares sourires s’inscrivent sur le visage de notre chanteur, des gestes saccadés viennent ponctuer le set. Les rares échanges avec le public laissent perplexe : « Combien y a-t-il de Lescop dans la salle ? Toi je sais que tu t’appelles Lescop ! Saint-Brieuc, capitale des Lescop ». Pourquoi pas. Certains tapotent du pied, des bras se lèvent sur les titres phares tels que La Nuit Américaine ou La Forêt, mais on sent que la sauce a du mal à prendre et que l’attitude un peu surfaite lasse rapidement. La jeunesse briochine locale n’hésitant d’ailleurs pas à railler les mimiques de Lescop. Certains rythmes électro ou des interventions de batterie plus puissantes sauvent le set et laissent sur une impression plutôt positive.

Le temps d’aller se réchauffer l’âme et le corps autour d’un sandwich et d’un cidre local, voilà que Lou Doillon arrive sur scène. Et lorsque la biographie de quelqu’un commence par « fille de... », on sait qu’il va falloir rester sur ses gardes face à la prestation à venir. Et l’on fait bien. Accompagnée à la guitare, basse, batterie et au clavier sa voix rocailleuse prend possession de la place qui commence à être remplie. Même si tous ses morceaux semblent pour la plupart n’être la déclinaison que d’un même et unique air, celui-ci intéresse dans un premier temps pour ne laisser place qu’à une extrême lassitude dans la suite.
Mais le plus énervant dans ce set reste malheureusement les interventions de Lou Douillon elle-même entre les morceaux, laquelle s’émerveille la plupart du temps de jouer encore de jour et en plein air. Celle-ci s’excuse de sa tenue, sa valise ayant été perdue à l’aéroport, son look basketteur tranchant effectivement étrangement avec le reste de la mise en scène. Si l’annonce de « la ballade pour les filles trompées » donne envie de fuir à grands pas, on reste surtout médusés lorsque celle-ci hèle la foule en expliquant sa théorie de la vie : « On se retrouve quand on est minable […] Je suis assez souvent minable et pitoyable […] Je suis ivre morte tard dans la nuit et me trouve super intelligente, et le regrette ensuite. ». Ce que nous, nous regretterons le plus, est la reprise sirupeuse de Should I Stay Or Should I Go des Clash, faisant se retourner Joe Strummer dans sa tombe lorsque Lou appelle d’un ton de Bisounours à chanter « tous ensemble ! ». Le set se termine sur un fracas assourdissant et dépareillé à la batterie, laissant l’assemblée de marbre d’où ne fusent que de rares applaudissements.

Soirée 100% franco-française oblige, la scène est ensuite transformée pour accueillir le fer de lance de la chanson française, Benjamin Biolay, venu présenter son sixième album Vengeance. A grands renforts de musiciens (une batterie, un clavier, deux guitares et une basse), on n’attend qu’une seule chose : que la soirée démarre vraiment et que l’on puisse se réchauffer, car la nuit venant à Saint-Brieuc, le thermomètre chute.
C’est un univers très sombre dans lequel évolue Biolay, sa voix glaçant le sang et les rythmes le plus souvent trainant, économisant ses échanges avec le public et fumant entre les sets, on comprend d’où lui vient sa réputation de « bad boy de la chanson française ».
Le problème avec la chanson française étant que certains y sont beaucoup plus sensibles que d’autres, il est là matière difficile de donner un avis se voulant le plus objectif possible. On approuvera les mélodies souvent poétiques et une mise en scène minimaliste basée sur un jeu de lumières bien pensé en arrière fond, mais on regrettera la monotonie du set, chaque morceau ayant certes une identité propre mais dont on aura parfois du mal à le distinguer de son prédécesseur.
Benjamin Biolay entraîne même son auditoire sur une pente aux rythmes presque psychédéliques sur des morceaux comme A l’Origine qui s’étend sur la durée à renfort d’effets de claviers intéressants. On saluera également l’originalité de Biolay lors de la reprise partielle de certains titres à la fin de ses propres morceaux comme le Clint Eastwood de Gorillaz venant parfaitement s’insérer. Un rappel et une heure vingt de concert plus tard, Benjamin Biolay quitte la scène sous les applaudissements du public.

Nous ne sommes pas en Bretagne pour rien, et lorsque les écrans géants annoncent que Guingamp a gagné le match du soir, les applaudissements fusent également. L’organisation semble également spécialement addict de l’album First Impressions Of Earth des Strokes qui passe pendant chaque inter-set.

La nuit est complètement tombée, la foule devient compacte et la tension commence à monter. Car la star du soir va bientôt faire son entrée. Woodkid est en effet attendu de pied ferme par la majorité du public, malheureusement composé pour la plupart d’adolescents et d’adolescentes dans la fleur de l’âge, effectuant euphoriquement leurs premiers slams, appareil dentaire en bouche.
Acclamé par une foule en furie lors de son arrivée sur scène, Woodkid visiblement ravi de l’accueil qui lui est réservé, annonce qu’il jouera une grande partie de son album sorti en mars dernier et ayant rencontré un succès retentissant. Ne reniant pas ses origines de vidéaste, le set est agrémenté d’un mix vidéo un peu répétitif mais collant parfaitement à son univers envolé. Le français est également accompagné sur scène de tout un orchestre ou presque : plusieurs claviers, des cuivres et deux batteries placées debout et dos à dos, se voulant le plus imposant possible. L’aspect visuel est donc très recherché chez Woodkid, et c’est pourquoi on s’étonne que lui-même soit vêtu d’un vieux jean, d’un pull trop large et d’une casquette. Surement pour briser le côté trop sérieux de son apparition.
La foule s’en donne en tout cas à cœur joie, en sautant dans tous les sens face à des titres qu’elle connaît déjà par cœur, et l’on ne peut que reconnaître le brio avec lequel sont joués des titres comme The Golden Age ou Iron, capables de rester dans la tête pour de nombreuses heures. « J’ai quelque chose à vous annoncer. I Love You. » Il n’en faut pas plus pour que le public explose de joie face au titre phare, récemment adoubé par Michel Gondry dans L’Ecume des jours. Seule petite déception du set, que Woodkid ne fasse pas preuve d'un esprit d’innovation face au live, l’interprétation de ses titres étant identique aux versions studio. Mais on ne peut pas vraiment lui en vouloir vu l’ambiance qu’il a ce soir réussi à insuffler au cœur de Saint-Brieuc, jusqu’au dernier morceau ne cessant de demander au public s’il en « veut encore ? ».

Lors d’un festival il y a parfois des choix à faire. Et celui qui se pose en fin de soirée à une heure du matin n’est pas toujours des plus simples : quitter la grande scène pour aller voir La Femme sur la plus petite scène du forum, groupe encensé par la critique ces derniers temps, ou bien rester pour voir Kavinsky, désormais célèbre grâce à sa présence sur la bande originale de Drive, dont l’excellence proclamée reste néanmoins extrêmement discutable.
Et parfois, lorsqu’il faut faire un choix dans un festival, on fait le mauvais choix. Le mien ayant été de vouloir rester voir celui dont tout le monde parle et ses mix électroniques. Car que retenir du set de Kavinsky ? Assez peu ! Prenez des basses et mettez-les à plein volume. Ajoutez une animation visuelle faite de pixels colorées et un DJ portant des lunettes de soleil en pleine nuit. Pour un soupçon de non-originalité, remixez le dernier titre de Daft Punk. Pour faire croire à de l’éclectisme, amusez-vous à reprendre Rage Against The Machine et enfin pour faire plaisir à tout le monde, appuyez sur « Play » pour jouer votre titre phare, Nightcall, en fin de set. Néanmoins la foule encore présente semble ravi de ce mix, certains à coup sûr aidés par un petit peu trop d’alcool dans le sang.

Bilan donc assez mitigé pour cette première journée de festival, Lescop ne convaincant que moyennement, Lou Doillon et Kavinsky à placer aux oubliettes. Benjamin Biolay reste fidèle à lui-même et Woodkid manquant d’un grain d’originalité sur scène. On attend donc de pied ferme la seconde journée du festival qui devrait s’avérer riche en surprises !
artistes
    LESCOP
    LOU DOILLON
    BENJAMIN BIOLAY
    WOODKID
    KAVINSKY
    OWLLE
    LA FEMME
    ST.LO