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Festival Art Rock

Saint-Brieuc, du 17 au 19 mai 2013

Live-report rédigé par Maxime Canneva le 21 mai 2013

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Après un démarrage en mi-teinte vendredi, c’est sous un grand soleil que Saint-Brieuc accueille sa deuxième journée de festival ce samedi.

Arrivé à 18h30 devant la grande scène, la foule est encore très clairsemée lorsque les Maliens de Tinariwen font leur entrée. Et si la température peine encore à monter en cette période de l’année, c’est une énorme bouffée de chaleur que nous apporte cette formation de blues touareg. Face à cette troupe vêtue d'habits traditionnels, à base de turbans et de longs boubous, on se sent tout d’un coup à plusieurs centaines de kilomètres de la Bretagne.
La scène est bien remplie, le groupe étant nombreux, composé de basse, plusieurs guitares et d’un tam-tam venant remplacer la traditionnelle batterie. Considérés par certains comme les porte-paroles de la culture berbère, les Tinariwen sont bien plus qu’un groupe : ils sont un véritable mouvement culturel et politique dont ils viennent transmettre les messages lors de leurs tournées internationales.
Leurs rythmes sont entrainants et envoutants, presque mystiques, venant parfois flirter avec des sonorités plus orientales pouvant faire penser à Ravi Shankar. L’adjonction d’une guitare sèche sur certains morceaux et les chants en berbère nous catapultent dans une autre dimension. Le public, étonné dans un premier temps, accroche très vite et réagit très positivement à cette musique venue d’ailleurs. Les remerciements sont discrets mais chaleureux, le groupe étant visiblement ravi de revenir pour la seconde fois à Art Rock.

C’est ensuite au tour de Féfé de venir agiter la grande scène au son de ses rythmes plus orientés vers le rap. Les balances se font extrêmement tardivement, se terminent cinq minutes avant le début officiel du set et on entend alors Féfé dire au micro : « On va essayer comme ça... ». On sent que quelque chose cloche du côté du groupe.
A son arrivée, Féfé est acclamé par la jeunesse briochine visiblement ravie de l’avoir vu se déplacer jusqu’ici. Il faut dire que l’ancien membre de Saïan Supa Crew a le don pour mettre une ambiance de feu, accompagné d’une formation plutôt rock faite de basse, guitare, batterie et clavier. « Même le vieux au béret au fond il lève les bras ! ». Et effectivement toute la foule semble conquise devant l’interprétation de son premier morceau, se déplaçant à droite, à gauche et sautant dans tous les sens. Mais on sent bien que la voix de notre chanteur est éraillée et celui-ci finit par annoncer : « Je suis malade, j’aurais besoin que vous chantiez avec moi. ». Et la foule de reprendre à tue-tête tous ses morceaux. C’est même agréablement surpris qu’on se laisse prendre au rythme de ses sonorités mélangeant rock, hip-hop et reggae, même si les paroles en français manquent parfois cruellement de profondeur comme sur Un Vilain Petit Canard.
On allait finir par se laisser complètement prendre au jeu lorsqu’au bout de vingt minutes, Féfé n’ayant plus aucune voix, annonce désolé : « C’est mal tombé, je reviendrai à Saint-Brieuc ! ». C’est donc à contrecœur qu’il annonce devoir passer au dernier morceau, son single phare Dans Ma Rue, où toute la place compatissant à ce concert avorté lève les bras et chante en cœur les « pouet, pouet, pouet, pouet ». N’arrivant même plus à tenir la fin de la chanson, ce sera un de ses acolytes musiciens qui viendra à sa rescousse terminer les derniers couplets.
Visiblement dépité, Féfé quitte la scène la gorge serrée. Et on le comprend. Car même s’il est compréhensible de ne pas adhérer à son style de musique, il est toujours écœurant de voir un musicien avec une telle fougue et une telle motivation devoir arrêter si rapidement son concert. L’inter-set sera donc long (plus d’une heure) avant de voir jouer le prochain groupe. Qu’à cela ne tienne, un festival est toujours l’occasion de faire des rencontres incongrues, et c’est donc amusé que j’entends mon voisin m’expliquer : « Ils devraient vendre des huîtres. Moi d'habitude avec mes potes en festival on ramène la bourriche de deux cents huitres. A trois heures du matin t'en prends et t'es reparti, c'est bien mieux que de la Coke ! Fin' tu peux aussi faire huître plus Coke ! ».

C’est enfin que déboule à 21h30 sur scène Emir Kusturica suivi de son No Smocking Orchestra. Et lorsque le Serbe se déplace, c’est toute une organisation ! Car la formation complète relève bien de l’orchestre : composé de saxophone, cor, batterie, clavier, accordéon, violon, les rythmes tziganes font bouger la foule visiblement ravie. Et pourtant, avec sa grosse barbe, ses cheveux en bataille et ses yeux fatigués, on ne croirait pas qu’Emir Kusturica serait capable d’insuffler un tel feu au sein de la grande scène !
En bon réalisateur, Emir Kusturica est un maître de la mise en scène : en sortant sa baguette de chef d’orchestre par moments pour diriger ses musiciens, en faisant jouer l’introduction de la panthère rose entre chaque morceau, ou encore en communiquant avec son public. « Is there anyone who likes MTV ? » demande-t-il avant de recevoir comme réponse des huées et plusieurs majeurs levés. Visiblement content de son effet, il demande à la foule de crier « Fuck you MTV ! » à chaque fois qu’au cours du prochain morceau il demandera « Do you agree ? ». La foule est alors électrisée, se déhanche sur ses rythmes endiablés et s’en donne à cœur joie pour insulter la fameuse chaîne de télévision.
C’est alors qu’Emir invite une vingtaine de personnes à monter sur scène (pour la plupart composés de la jeunesse locale) qui se déchainent sur les riffs endiablés. Le violoniste vêtu de noir et rouge, dont la tenue rappelle étrangement celle d’un ecclésiastique, entame un solo à la voix puissante pendant que nos ados dansent partout sur la scène. Emir invite alors les adolescents de type mâle à s’éclipser (certains ayant visiblement du mal à le comprendre) pour former un « Women Orchestra ». La scène est alors irréelle : une ribambelle de jeunes filles en fleur trottine sur scène derrière Emir qui commence alors à faire des pompes pendant que la musique continue quant à elle à décoiffer la fosse. Un rythme plus tropical à base de trompette vient calmer le jeu alors que les adolescentes en transe viennent réclamer une bise à Emir avant de quitter la scène.
Un solo de trompette ouvre Le Temps de Gitans alors que la nuit tombe sur la grande scène. Emir agrémente le morceau à l’aide d’un kazoo, ce qui rend le morceau particulièrement savoureux, avant d’entamer White Cat, Black Cat (en hommage à son film) où il annonce « I get very emotionnal on this song ! » faisant effectivement semblant de pleurer pendant l’introduction. Emir annonce alors « We need Julietta on the stage » et fait monter une nouvelle jeune fille en fleur sur scène, qui explose les tympans de l’assemblée lorsqu’elle crie « Are you ready ? » dans le micro, mais se rattrape dans une valse endiablée avec l’un des musiciens, sur un rythme tout aussi brûlant. On comprend que l’on vient d’assister à un grand moment de musique : Emir Kusturica détient à coup sûr la technique pour réussir un excellent concert.

Il est alors temps de quitter la grande scène pour se rendre dans la petite salle du Forum de la Passerelle afin de voir jouer l’un des meilleurs groupes de rock français du moment : The Popopopops. La salle réquisitionnée pour le festival présente un cadre beaucoup plus intimistes et il fait bon de s’y abriter vu la température extérieure. Les rennais remplacent ce soir Willy Moon, contraint d'annuler sa venue il y a peu de temps, et cela pour notre plus grand bonheur. Après une date remarquée à l’occasion de la sortie de leur premier album à l’Ubu de Rennes le mois dernier, les quatre garçons semblent plus motivés que jamais pour mettre le feu.
La salle se remplit rapidement, et les groupies qui ont fait le déplacement sont présentes dans les premiers rangs. Une ambiance de folie se dégage de la fosse dès l’annonce du second morceau, Sign, véritable pépite de rock'n'roll. Les riffs sont efficaces, la batterie puissante et la voix du chanteur reste dans la tête pour de nombreuses heures. Même si le fond de la salle semble assez perplexe, les corps commencent à bouger en rythme face à cette grande bouffée d’air frais.
Le chanteur, dans sa fougue, invite à de nombreuses reprises à « foutre le bordel » avant d’entonner leurs excellents R'n'R et Dance Tonight. La bonne humeur et l’entrain du groupe sont contagieux et le public entier semble apprécier ce set rafraichissant aux rythmes ravageurs. La température grimpe et le groupe en profite pour remercier l’organisation du festival avant de faire retomber la pression avec un titre beaucoup plus aérien mais toujours agrémenté d’une voix puissante. C’est carrément sur un rythme beaucoup plus estival que démarre Cross The Line, où on nous invite à s’imaginer « sur les plages de Saint-Brieuc en août », les quelques notes de synthé rappelant ici le dernier single en date d'Is Tropical. « Das nächstes Lied heisst Pure » annonce le chanteur présentant sa nouvelle pépite au refrain entêtant. My Mind Is Old présente quant à lui un rythme beaucoup plus calme, en invite certains à danser une petite valse.
On sent dans les regards de la salle que l’assemblée a compris qu’un nouveau excellent groupe de rock français est né. Leurs sonorités ne sont d’ailleurs pas sans rappeler celles de Phoenix, et on leur souhaite vivement le même succès. Réclamé à la fin de leur set, les Popopopops honorent leur rappel avec notamment Hypnotise Me qui porte bien son nom et finit de charmer le public.

Le temps de retourner sur la grande scène, Wax Tailor achève son set. Le vidéaste a mis les petits plats dans les grands et projette en arrière-fond ses vidéos. Il invite également sur certains morceaux des formations classiques à base (entre autres) de flute. Sur d’autres, il s’agit plus de rap. Quoi qu’il en soit, on me confie à deux reprises que l’ensemble du set s’est révélé plutôt plat, la foule s’étant montrée moyennement réactive et seuls les fans de toujours ayant vraiment pu apprécier le concert.

C’est enfin au tour de Breakbot de venir clôturer cette deuxième journée. Surplombant la fosse avec une énorme bouche rouge en plastique installée sur la scène, le DJ enchaîne en live ses mix aux airs discos, accompagnés d’un mix vidéo kitschissime à base d’étoiles.
Mais ce n’est pas pour autant que la prestation est ratée. Au contraire, là où Kavinsky hier lassait rapidement, Breakbot ce soir sait varier les plaisirs en alternant beats électro, interventions live de musiciens au chant, à la guitare et à la basse ou encore rythmes plus tout terrain comme son hit Baby I'm Yours qui clôturera son set. On a ici l’impression d’avoir vécu un vrai show et non un simple mix électro dénué de tout intérêt.

C’est ainsi que se referme la deuxième journée d’Art Rock, avec un sentiment de réussite bien plus grand que celui de la veille. On retiendra notamment l’intervention mémorable d’Emir Kusturica qui a véritablement su retourner la foule ainsi que les très prometteurs Popopopops.
artistes
    TINARIWEN
    FEFE
    EMIR KUSTURICA AND THE NO SMOKING ORCHESTRA
    WAX TAILOR AND THE DUSTY RAINBOW EXPERIENCE
    BREAKBOT
    THE POPOPOPOPS
    YAN WAGNER
    SKIP&DIE