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Festival Art Rock

Saint-Brieuc, du 17 au 19 mai 2013

Live-report rédigé par Maxime Canneva le 22 mai 2013

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Un festival Breton sans pluie n’est pas un vrai festival. Et Art Rock n’échappe pas à la règle ! Car après deux jours de beau temps, la pluie a malheureusement décidé de s’inviter pour le dernier jour du festival.

Mais il en faut plus pour arrêter le public qui est au rendez-vous à l’ouverture des portes et venu accueillir la chanteuse Sallie Ford et son groupe The Sound Outside. Il n’est pas difficile de deviner l’origine géographique du groupe : le look comme la musique sont typiquement américains, et on se croirait plongé en plein cœur du Texas le temps ce show rock teinté de folk old school.
Les airs ne sont d’ailleurs pas sans rappeler un autre groupe du pays, les White Stripes. Mais n’est pas Jack White qui veut. Car même si on accroche légèrement à la première mélodie, l’ensemble est très répétitif et la voix de Sallie Ford se révèle vite extrêmement pauvre, peinant à ne pas saturer dans les aigus. Certains tapent timidement dans les mains pour essayer de se réchauffer, mais la sauce ne prend pas. La très faible interaction avec le public est également regrettable, les morceaux n’étant entrecoupés que de simple « merci » où d’un « good to see you guys » au ton absolument non convaincant, replongeant la foule dans un mutisme le plus complet. On attend désespérément que quelque chose vienne réveiller ce set trop lisse, mais il faudra se contenter de morceaux parfois plus parlés que chantés et d’un guitariste cassant l’une de ses cordes avant la fin de son set.

Heureusement Miles Kane arrive dans la foulée pour ré-hausser le niveau. L’ex-chanteur des Rascals et des Last Shadow Puppets poursuit désormais sa carrière en solo et est venu présenter ce soir quelques morceaux de son nouvel album, dont la sortie est fixée au début du mois de juin.
Le set démarre avec l’inédit You're Gonna Get It, court mais extrêmement efficace. Les choses sont claires, ce concert va être rock’n roll et le public va s’en donner à cœur joie. Les fans ont d’ailleurs fait le déplacement et un drapeau anglais flotte fièrement dans la foule. Malgré la pluie les fans commencent déjà à sauter et pogoter au rythme de Kingcrawler issu de son premier album. Accompagné par une basse, une guitare, une batterie et un clavier, Miles Kane se détache du reste des musiciens, en étant vêtu de blanc cassé. A n’en pas douter, il cherche à montrer que c’est lui le chef. Il est néanmoins à noter qu’il parle à la première personne du pluriel, prouvant ainsi que sa formation est un vrai groupe.
Rearrange est repris en cœur par la fosse et les fans sont toujours aussi motivés, malgré la pluie persistante. Il faut dire que Miles Kane sait mettre l’ambiance et la conserver, ses titres restant dans la tête plusieurs heures durant. On regrette cependant un mauvais réglage des basses, un peu trop présentes et cachant par moment la voix. Mr Kane, souriant et visiblement heureux de jouer ici, remercie le public en français. A côté des titres plus rock s’enchainent également quelques compositions plus calmes, comme My Fantasy, faisant pour un temps retomber la pression. Certains autres morceaux vont même jusqu’à rappeler le 505 des Arctic Monkeys, justement composé par Miles Kane. Les slams quant à eux fleurissent au son des nouveaux titres : Taking Over, pépite de rock au refrain génial, continue à maintenir la fosse en alerte.
Malgré quelques petits passages à vides avec certains titres à l’intérêt limité, Miles Kane bouge frénétiquement, se donne à fond et remercie le public en le taquinant légèrement : « It's very kind of you to stay here in the rain ! ». Les groupies sont déchainées sur son single Give Up. Une adjonction de trompette sur un autre morceau vient également agrémenter et diversifier positivement le set.
Miles parle lui-même d’un « great gig », réclame des remerciements pour ses musiciens et n’hésite pas non plus à rallonger ses morceaux par rapport à son album voulant faire encore plus durer le plaisir. Il fait pousser des « Oh oh oh oh » à son public, en réponse à ses « Ah ah ah ah » de Come Closer, avant de triomphalement quitter la scène. Le public en réclame encore, mais le timing est serré et il n’y aura pas de rappel. Ce concert a néanmoins prouvé que sa carrière solo est aisément d’aussi bonne facture que la formation des Last Shadow Puppets, et que si celle-ci est en pause pour le moment, cela n’est pas bien grave, car Miles tout seul a encore bon nombre d’idées et de l’énergie à revendre.

Encore peu connus du grand public il y a deux ans, c’est au tour des français de Skip The Use de venir prendre possession de la grande scène à 21h. La formation est rock, les rythmiques imparables, et le groupe (du moins son leader) survolté. « Rien à foutre de la pluie, est-ce que vous êtes prêts ? », car en effet l’indésirable invitée s’abat toujours sur la grande scène. Mais il en faut plus pour décourager nos cinq garçons originaires du Nord Pas de Calais. « A chaque fois qu’on vient en Bretagne on se sent à la maison. Il y a quelque chose qu’on nous répète depuis qu’on est tout petit dans le Nord Pas de Calais... » un de mes voisins, d’humeur taquine de répondre : « ...on n’est pas consanguins ! ». Mais la vraie réponse est que le soleil est dans leur cœur. Admettons.
Et leur passion est contagieuse car tout le public se trémousse au rythme de leurs hymnes, saute dans tous les sens et se prête volontiers au jeu lorsqu’il s’agit de faire se déplacer les 20 000 personnes en même temps de droite à gauche. Le public est d’ailleurs caressé dans le sens du poil, qualifié de « meilleur public de France ». Peut-être en font-ils de trop ? Peu importe car le dit public est extrêmement réactif, chante, slam et pogote comme jamais depuis le début du festival. Il faut dire que la recette est efficace : les guitares sont puissantes, la voix oscillant sur toutes les gammes, les refrains imparables et les sonorités électro viennent subtilement agrémenter l’ensemble. Si l’on rajoute un chanteur complètement barré et branché sur du 220V, le set ne peut que s’avérer explosif. Seul petit bémol, le reste de la formation fait preuve d’un statisme assez persistant. Le set en tout cas est millimétré, comme le prouve les interventions vidéos où les compte à rebours sont calqués sur les décomptes du chanteur, Mat Bastard. Mais qu’importe, car l’efficacité est au rendez-vous.
« Est-ce que vous voulez du rock’n roll là dedans ? » s’époumone Mat sur scène face à un public en demandant toujours plus. Et celui-ci va être servi. La reprise survoltée de Song 2 de Blur achève de retourner la grande scène. Enfin, le groupe n’est pas avare en remerciements vis-à-vis de l’organisation du festival qui lui avait déjà donné une chance de se produire à Saint-Brieuc il y a trois ans alors que peu de gens leurs tendaient la main à ce moment. Ils n’hésitent pas non plus à faire venir saluer leur équipe technique sur la scène, beau geste rappelant que des tels moments ne seraient pas possibles sans toutes les petites mains travaillant dans l’ombre.

Il pleut toujours et le prochain groupe à passer est Sexion D’Assaut. Voici donc deux excellentes raisons de prendre ses jambes à son cou et de fuir la grande scène envahie par la jeunesse briochine. On se dit qu'il est d’ailleurs bien dommage qu’un groupe ayant tant créé la polémique sur plusieurs sujets de société et doté d’une pauvresse musicale aussi affolante ait le privilège de clôturer un aussi respectable festival.

Mais ce n’est pas pour autant qu’Art Rock a dit son dernier mot, car la scène du Forum de la Passerelle a encore plus d’un groupe dans son sac, à l’abri de la pluie et des fans de Sexion d’Assaut. Les nantais de Von Pariahs remplacent UME qui a annulé sa venue à Saint-Brieuc il y a quelques jours. En cette fin de festival, seuls les plus courageux sont encore présents et la salle du forum a déjà été plus remplie.
L’ambiance s’assombrit, le chanteur paraît possédé bougeant de façon erratique sur la scène à l’image des festivaliers ivres morts jonchant les rues de Saint Brieuc à cette heure tardive. Il parle peu et les morceaux de rock s’enchainent. L’univers des Von Pariahs est assez éclectique : si sur certaines introductions très froides on sent des influences à la Joy Division, les refrains sont plus rock et renvoient plus aux Ramones ou aux Clash. Des membres du groupe chantent a capella sur certains titres, rajoutant un aspect vif et tranchant au set. L’ensemble est efficace et les applaudissements fusent même si la fatigue commence à se faire sentir : « je vous sens un peu mous » déclare le chanteur. Ce n’est pas totalement faux, car même si certains festivaliers semblent avoir encore de l’énergie à revendre et s’agitent pour dix dans la fosse, la voix de notre chanteur manque cruellement de profondeur pour réveiller l’assemblée en cette fin de festival. L’interaction quasi-nulle avec le public (bien que certainement voulue) et le manque d’identité d’une majorité de titres font que les Von Pariahs, sans avoir raté leur venue à Saint-Brieuc, se contenteront de ne pas laisser de souvenir impérissable.

L’heure tourne et la fin d’Art Rock approche, mais la salle de la passerelle ne se vide pas pour autant, car le dernier groupe du soir sont les anglais de The Struts, et l’organisation a promis un véritable moment de rock’n roll. Les petits jeunots originaires de Derby ont déjà été programmés aux Transmusicales de Rennes cette année, bien connues pour savoir flairer les nouveaux talents ; on s’attend donc à un show décoiffant.
Il y a néanmoins deux aspects bien distincts à différencier chez les Struts : D’une part leur musique. Celle-ci est assurément rock et efficace. Les petits gars ayant bien retenu les leçons de leurs aînés, ils livrent un set efficace, arrivant à faire pogoter et même slamer plusieurs personnes dans la salle de la passerelle. Leur single mis en ligne sur le web, I Just Know, présente tout ce qu’on attend d’un groupe de rock actuellement : une batterie puissante, des riffs de guitare acérés et qui restent en tête, une voix un minimum atypique, quelques notes de clavier venant rythmer l’ensemble et enfin une basse bien cadencée pour lier le tout. Et leur inteprétation live et toute aussi réussie que leur enregistrement. Leur reprise de Rebel Rebel de David Bowie est également un succès, le titre est réinventé mais non dénaturé, le côté rock étant accentué. Les Struts font certes dans le déjà vu, mais cela reste terriblement efficace et le public semble ravi. Rien à redire là-dessus.
Mais d’autre part, il faut aussi parler de leur attitude sur scène. Et cela commence par leur look. Raillés dès le début de leur balance par un public taquin : « Il ressemble à Pete Doherty ! Vas-y Pete ! », car c’est effectivement leur code vestimentaire qui attire l’œil. Le bassiste est muni d’une veste à fleurs vertes et d’un chapeau noir alors que le chanteur est affublé de paillettes vertes sur le visage, et de rouges sur sa veste. L’ensemble apparaît comme un croisement raté entre les Stones, Bowie et Queen. Mais leur mauvais goût ne s’arrête pas là. Triomphant telles des rock stars, les interventions du chanteur sont pour le moins déconcertantes : « Ladies & Gentlemen, we are... The Struts », ceux-ci se contrefoutant apparemment de la ville dans laquelle ils se trouvent, ils ordonnent tout simplement : « Sing France ! » en entonnant le début de la Marseillaise. On croit avoir tout vu et entendu lorsque le chanteur se met à épeler l’adresse Facebook de la page du groupe en demandant à la salle d’aller « liker » leur page. Insistant lourdement à base de « Are you gonna like our page ? » à répétitions, le public hurle que oui, aidé par l’alcool et ne devant plus être en état de comprendre un traitre mot de ce que racontent nos anglais. Pour la troisième fois en deux jours (les meilleures choses lassant rapidement), et dans un élan d’originalité démentiel, il est demandé à la salle de s’asseoir pour ensuite sauter tous ensemble. Mais cela marche toujours auprès du public qui en redemande et ne cesse de s’agiter, de pogoter et d’enlever les t-shirts. The Struts, groupe à double face donc, dont on aimerait bien qu’ils ne conservent que le côté positif.

C’est ainsi que se referme cette trentième édition d’Art Rock. Certains groupes attendus au tournant auront su assurer un set digne de ce nom alors que d’autres seront à placer illico aux oubliettes. Le bilan reste néanmoins très positif et c’est avec joie qu’on espère revenir l’an prochain dans la petite ville de Saint-Brieuc, qui va devoir se remettre de toutes ses émotions d’ici là.
artistes
    SALLIE FORD AND THE SOUND OUTSIDE
    MILES KANE
    SKIP THE USE
    SEXION D'ASSAUT
    MESPARROW
    AGNES OBEL
    GUILLAUME PERRET AND THE ELECTRIC EPIC
    VON PARIAHS
    THE STRUTS