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Maifeld Derby Festival

Mannheim, du 31 mai au 2 juin 2013

Live-report rédigé par François Freundlich le 6 juin 2013

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vendredi 31
Face aux mastodontes habituels, de petits festivals à taille humaine naissent toujours, attirant une programmation des plus intéressantes. Alléchés par les pointures britanniques et internationales, nous arrivons au Maifeld Derby Festival qui propose sa troisième édition dans la ville allemande de Mannheim. Autour de quelques tentes, une tribune de stade et une petite scène extérieure, un grand chapiteau abrite la scène principale qui accueillera pendant trois jours des groupes comme The Notwist, Daughter, Dry The River ou We Were Promised Jetpacks.

Nous faisons nos premiers pas sur ce terrain un peu boueux suite aux récentes averses alors que le premier groupe a entamé son concert sur la scène Open Air. Il s'agit des locaux de Waterford qui proposent un rock dansant et plutôt idéal pour débuter un festival en visitant les lieux. On se dirige ensuite vers le Parcours d'Amour via un petit chemin qui aboutit à la tribune d'un stade de polo ou se produiront quelques groupes folk dans cet espace réduit.

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On s'assoit pour assister au set solo du chanteur du groupe irlandais Herons!, qui arrive en fait de l'ouest de l'Angleterre. L'air charmeur de Ben Kritikos fait mouche dans l'assistance, d'autant plus que le guitariste raconte ses histoires rigolotes, entre deux morceaux d'inspiration folk rock. On pense fortement à The Tallest Man On Earth lorsqu'il se plie en deux en malmenant son instrument et en accélérant le tempo avec beaucoup d'énergie. Son chant rocailleux se fait poignant lorsqu'il dédie un morceau à son meilleur ami décédé l'an dernier : un solitaire pour qui être gay été inconcevable car sa famille faisait partie de ces fondamentalistes chrétiens qui prêchent sur Youtube. Mais la vision de ce british en bottes de pluie sur un tapis persan, reprenant Girls Just Wanna Have Fun en acoustique devant des cœurs suspendus dans un stade de polo allemand restera comme l'un des spectacles les plus surprenenants jamais vu.

Nous découvrons ensuite la grande scène du festival, placée sous un chapiteau étant donné que la fameuse pluie du Bade-Würtemberg n'est jamais bien loin. Les norvégiens de Young Dreams s'installent pour un show électro-pop qui parvient à remuer le public en cette froide fin d'après-midi. Le quintet mélange des rythmes africains rappelant Vampire Weekend à quelques beats bien placés pour des morceaux estivaux et entrainants. Quelques nappes de synthé font planer des guitares poppy qui peuvent parfois s'énerver pour emplir la salle d'un son ample. Si les sonorités électroniques peuvent parfois prendre un coté 90's un peu daté, on placera Young Dreams dans la suite de cette vague pop norvégienne allant de Team Me à Kakkmaddafakka.

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On poursuit avec un dernier passage express dans cette tribune de stade pour la fin du set acoustique du canadien Paper Beat Scissors. Armé de sa seule guitare sèche, Tim Crabtree place une voix aérienne d'une intense profondeur sur des compositions indie folk mélancoliques. Le songwriter d'Halifax impressionne par sa maîtrise et sa dévotion dans l'interprétation assez parfaite. On le quitte à regret pour rejoindre la scène Open Air.

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L'anglaise exilée aux États-Unis Scout Niblett joue la première date de sa nouvelle tournée à Mannheim ce soir. On sent le visage de la demoiselle un peu fatigué mais elle donne l'impression que son concert n'en sera que meilleur. La prestation se fera en trio avec un second guitariste et un batteur qui parvient à fumer tout en frappant ses fûts. Scout Niblett n'est pas du genre des douces folkeuses aux jolies ballades, même si sa musique s'inspire de ce courant. Ses riffs sont plutôt acérés et bien plus grunge dans l'âme. On pense parfois à Shannon Wright dans cette tension qu'elle parvient à délivrer, tout en conservant cet air impassible, comme si elle se trouvait dans une autre dimension pendant ses chansons. Mais dès leur fin, on la retrouve souriante et timide. Sa voix haut perchée se fait parfois sucrée et dissonante jusqu'à ce que les guitares et la batterie s'énervent subitement et qu'elle joue sa Kim Gordon version poupée, libérant ses mèches revêches sur son front. On est alors diablement emporté dans un tourbillon électrique qui attirera la seule grosse averse de la soirée. Scout Niblett parvient à nous faire oublier la pluie pour nous faire s'échouer avec elle sur ses récifs lancinants et brumeux. Une prestation mémorable qui a marqué nos tripes.

Pas de temps à perdre puisque l'un des groupes ayant signé l'un des meilleurs albums de ce début d'année s'installe dans la Palastzelt (le chapiteau) : Daughter. Une semaine après sa prestation au Primavera Sound Festival, voilà le trio (transformé en quatuor) londonien à Mannheim où ils sont très attendus par le public allemand, comme ils l'étaient par l'espagnol. Le concert débute de la même manière que If You Leave, avec la douce voix d'Elena Tonra sur Winter. Le temps s'arrête immédiatement alors que l'atmosphère se fait vaporeuse et que le public est suspendu à chaque syllabe expirée par la chanteuse, placée dans l'ombre de gigantesques spots lumineux. Igor Haefeli fait crisser sa guitare électrique avec un archet contrecarrant la voluptueuse sérénité ambiante. On reste sous le charme et le souffle coupé lorsque Elena fredonne Amsterdam en toute simplicité.
Plus la prestation avance et plus on se persuade que ce groupe a un grand avenir qui l'attend, créant un chainon manquant entre The XX et Portishead avec quelques passages shoegaze planants. La fragile voix se fait sublime sur Tomorrow ou plus rythmée sur Humans ou on prend conscience de sa puissance émotionnelle : « Underneath the skin there's a human ». Ses textes si touchants restent en mémoire à l'image de « If you're still breathing, you're the lucky ones » sur la très belle Youth. Tous ces mots raisonnent encore dans la tête bien après le show. On essaye de revenir sur terre après ce final aux résonances électroniques pendant Home, extrait de leur premier EP. Elena s'approchera ensuite souriante du premier rang pour distribuer des setlists. Ce groupe a décidément tout pour lui.

Alors que le décor de scène change du tout au tout, ce sont les deux sœurs de Cocorosie qui entrent en scène toutes en exubérance. Elles arborent un look particulier avec un combo pyjama / robe de chambre / bonzaï en perle sur la tête, particulièrement flamboyant. Si les américaines sont connues pour leur folk bricolé et insolite, leur set est ici beaucoup plus carré, mêlant douce mélopée à la harpe et beats électroniques impromptus. Les voix criardes sont toutefois difficilement supportables sur la durée, un peu comme si on se forçait à ingurgiter une brouette de bonbons hyper-acides sans eau minérale ni bière allemande. On repousse nos limites jusqu'au passage beatboxing qui, s'il a le mérite de faire taire les demoiselles, n'en sera pas moins impressionnant. Le set se fait de plus en plus électronique alors qu'une des sœurs grimpe sur les barrières pour haranguer la foule. C'est le bon moment pour aller prendre l'air sur la scène Open Air.

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Les londoniens de Dry The River sont en train d'y faire leurs balances dans la bonne humeur. S'ils pouvaient assécher autre chose que des rivières, nous leur en serions reconnaissants. On s'aperçoit dès les premières notes que cette voix hésitant entre force et fragilité de Peter Liddle est encore plus poignante en live qu'elle ne l'est sur leur génial premier album Shallow Bed. Elle nous arrache immédiatement du sol pour ne jamais nous lâcher pendant cette heure. Les chœurs du bassiste et du guitariste prolongent l'harmonie dans un mélange divin rappelant parfois Fleet Foxes, alors que le violoniste apporte une dose de mélancolie supplémentaire. La température n'est pas si élevée mais on aurait frémit même si il avait fait 35°C.
Dry The River alternent des déferlements électriques en mur sonore jubilatoire avec des passages acoustiques plus calmes faisant honneur à la réédition de leur disque. Un nouveau titre assez réussi est interprété, ce qui nous rassure sur la qualité des futures livraisons du groupe. Certains passages seront même interprétés a capella à trois voix, comme l'émouvante introduction de Weights & Mesures s'élevant dans un silence religieux jusqu'à l'explosion du refrain et la libération de la voix de Liddle sur « I was prepared to love you ». Elle est enchainée avec le tube No Rest qui fait littéralement décoller la scène sur ce cri transperçant la foule : « I loved you in the best way possible ». On ne peut que les suivre dans cette excitation. C'est sur ce final rageur que Dry The River quittent Mannheim devant un public conquis.

Il est l'heure de rejoindre la Palastzelt pour la tête d'affiche de la soirée : les allemands de The Notwist, jouant donc à domicile devant un public très connaisseur. Le quintet propose un set bien plus rock shoegaze qu'électronique, malgré les nappes synthétiques et les beats masqué par d'amples guitares électriques. Ils s'excitent dans l'ombre de spots lumineux les masquant la plupart du temps. La part-belle est faite à leur titres les plus récents, démarrant avec un aspect pop porté par la voix caressante de Markus Acher (rappelant parfois Kevin Shields) mais étendus dans des finaux apocalyptiques parfois improvisés, comme sur Gloomy Planets.
Le groupe se réunit subitement et exulte en libérant les décibels pour sortir des sentiers battus de la chanson et en extraire des riffs salvateurs diablement efficaces et dansant. Le tube Pick Up The Phone n'est pas oublié et connaît une adaptation planante assez réussie, preuve que leur période électronica n'est pas oubliée. The Notwist nous gratifieront de morceaux purement électroniques avec notamment Pilot, extrait de l'EP Different Cars & Trains, qui se voit remixé en version dancefloor sous des lumières stroboscopiques. Le groupe va même offrir un rappel à un public qui n'en aura jamais assez pour un concert qui aura frôlé l'heure et demie, chose rare en festival. La touche finale noisy y est prolongée pendant plusieurs minutes. The Notwist tiennent la forme et peuvent continuer leur tournée allemande en ayant la certitude que leur public les attend toujours.

Notre escapade au Maifeld Derby s'achève ici, nous avons passé de très bons moments dans ce petit festival qui vaut largement le détour de par sa programmation ou son organisation. Daughter et Dry The River nous ont réellement éblouis, tandis que Scout Niblett aura marqué les esprits. Cette fin de soirée avec The Notwist devant leur public restera certainement comme l'une des plus dansantes de l'année.
artistes
    Cocorosie
    Daughter
    Dry The River
    Enno Burger
    Fuck Art, Let’s Dance
    Garda
    Gold Panda
    Herons!
    Kadaver
    Kat Frankie
    Les Trucs
    Messer
    The Notwist
    Paper Beat Scissors
    Reptile Youth
    Scout Niblett
    The Alicka Problem
    Trottoir
    Waterford
    Young Dreams
photos du festival