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Eurockéennes

Belfort, du 4 au 7 juillet 2013

Live-report rédigé par François Freundlich le 11 juillet 2013

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Pour sa 25ème édition, les Eurockéennes de Belfort ont vu les choses en grand puisque le festival s’étend sur quatre jours avec une programmation riche de quelques uns des meilleurs performeurs live actuels. Blur, Phoenix ou encore Alt-J sont à l’affiche des quatre scènes de la presqu’île du Malsaucy. L’apothéose viendra dimanche pour le visiteur moyen de Sound Of Violence puisque les meilleurs groupes de rock et pop britanniques vont s’enchainer : de The Vaccines à My Bloody Valentine, de Palma Violets à CHVRCHES. Mais avant cela, on s’économise avec une journée de jeudi qui sera bien plus qu’un simple amuse bouche.

Oubliée la météo apocalyptique de l’an dernier, c’est sous le soleil que s’ouvre le festival belfortain. La tourangelle au nom de moineau Mesparrow a la lourde tâche d’ouvrir le festival sur la petite scène de la Loggia. Seule avec ses pédales d’effets, la demoiselle sample sa voix mêlant envolées lyriques et influences hip-hop, doublée par une boîte à rythme plutôt discrète. La performance est avant tout vocale, toute en légèreté, comme une dernière touche de douceur avant la folie qui va s’emparer du festival. Le chant en anglais de Mesparrow apporte un onirisme que ses titres en français ne parviennent pas à recréer, mais nous devons déjà la quitter pour se rapprocher de la scène Green Room.
Les New-Yorkais de Skaters déboulent sans roulettes mais avec des casquettes de base-ball bien vissées et des imperméables kaki pour des looks de jeunes sauvageons. L’attitude de bad-boy suit puisque le chanteur Michael Ian Cummings a des airs de Liam Gallagher dans la voix ainsi que dans l’attitude. Il est néanmoins plus compliqué pour lui de terminer une chanson sans faire tomber le micro au sol. Leur rock est brut et incisif comme à la sortie du garage, la simplicité de quelques accords qui font le job comme sur leur titre I Wanna Dance (But I Don’t Know How) qui envoie valser les festivaliers des premiers rangs, sachant eux très bien comment faire. La batterie punk double de grasses guitares bouclées alors que la voix est bien plus subtile que le reste de l’orchestration. On obtient au final un bon concert de début de festival ensoleillé.

Premier détour par la Grande Scène qui a fait peau neuve cette année avec de nouvelles installations de lumières ainsi qu’une avancée vers le public. Le bluesman Gary Clarke Jr. est le premier à en profiter, déployant ses solos de guitares malicieux faisant résonner l’âme du Texas jusqu’en haut de la butte qui sépare le festival en deux parties. Le mini ballon d'Alsace à peine franchi, on est immédiatement saisi par l’ambiance Hendrixienne qui se dégage, ainsi que par la classe du costume du chanteur guitariste. Ça transpire le blues par tous les pores, ça accélère, tournoie, ralentit, avant qu’une voix sensuelle et rocailleuse rappelant Marvin Gaye ne nous enveloppe. Certains passages trop langoureux font parfois penser à Ben Harper, ce qui freine quelque peu l’enthousiasme provoqué par le rythme effréné d’un blues rock revenu à la mode avec The Black Keys. Mais si on savait toujours jouer comme Hendrix en 2013, nous serions déjà au courant.
Prenons la direction de la magnifique scène de la Plage, toujours montée sur pilotis sur le lac du Malsaucy depuis l’an dernier. Même le Primavera Festival n’a pas osé la scène flottante et on a peut-être ici l’une des plus belles scènes tous festivals confondus. Ce sont les rennais de Juveniles qui sont les premiers à s’y produire. Nous les retrouvons en groupe hype du moment, après les avoir suivis dans les bars de la capitale bretonne jusqu’à ce passage aux Transmusicales de Rennes 2011 qui les a lancés. Nos protégés ont pris de l’assurance, le chanteur ayant même des allures de Yanis Philiappakis en plus frenchie. On y croit moins lorsqu’il annonce leur reprise de Yuksek, Truth. L’influence de Depeche Mode se fait de plus en plus ressentir avec de nouveaux titres aux synthés mis en avant d’une voix grave toujours aussi surprenante. Juveniles lorgnent également du coté de l’électro à l’image de leur premier album sorti il ya peu. On préférera néanmoins leurs premières livraisons comme ce We Are Young qui fait toujours mouche. Les jeunes se sont fait plaisir, quittant la scène comme si ils venaient de gravir les Monts d’Arrée en bâton à ressort.

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La petite scène de la Loggia accueille le groupe de rock indé américain qui monte : les New-Yorkais de Parquet Courts. Malheureusement, l’effet Asaf Avidan, qui joue en même temps, semble avoir opéré et très peu de festivaliers se sont déplacés. Les quatre garçons ne se découragent pas et entament l’hymne américain façon Hendrix, encore, pour célébrer ce 4 juillet comme il se doit. L’Independance Day n’aura peut-être pas été célébré de manière optimale, car l'hymne est accueilli par les beuglements de quelques alcooliques en bob Cochonou, typique aux Eurockéennes. La vision est quelque peu burlesque.
La dissonance de leur version fait néanmoins plaisir à entendre et ils peuvent libérer leurs assauts électriques rappelant l’âge d’or lo-fi des 90’s avec des groupes comme Pavement. Les guitares croisent le fer, pour se rejoindre, se séparer et repartir sur mille idées dont les morceaux de Parquet Courts fourmillent. On sent la fraîcheur du jeune groupe qui attaque la scène avec une cohésion qui leur promet un bel avenir. La voix parlée se fait accessoire pour laisser place à de longs passages psychédéliques marqués par une distorsion dissonante assez jouissive. Le public ne peut être qu’attiré, se laissant entrainer dans la danse sur le tube Borrowed Time d’une redoutable efficacité. Cekui-ci pourrait symboliser un été de festival à lui tout seul et on tient là le premier grand moment des ces Eurocks.

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Le soleil commence à s’éclipser, se reflétant sur la Plage du Malsaucy où Alt-J entrent en scène sous les acclamations d’un public nombreux et venu en masse. On peut se rendre compte de l’ampleur du phénomène qui a grandi depuis un an et ce concert de La Route du Rock ou seuls quelques fans anglais joignaient avec leurs doigts en triangle. Le groupe a depuis explosé au point que leur public reprenne leurs refrains comme des tubes générationnels à l’image de ce “This is from Matilda“ à l’unisson. Avec ses titres planants et très calmes, Alt-J n’est clairement pas un groupe de festival comme pouvait l’être Parquet Courts. On sent un public bien plus excité que ne l’est la musique, malgré des basses mises en avant. Le piano de Tessellate sur fond de soleil couchant fait néanmoins son effet : son adaptation est certainement l’une des plus marquantes, dénotant d’une setlist assez semblable aux versions de l’album. Pour y remédier, les Loiners proposent deux reprises dont Slow Dre de Kylie Minogue en version marimba et A Real Hero de College durant laquelle la voiture de Ryan Gosling serait plutôt en slow motion et a capella. Breezeblocks est avec Matilda l’autre titre repris en chœurs par des fans bien plus remuants qu’un groupe statique dont les chaussures semblent collées au sol. Alt-J terminent le set sur la très belle Taro, aux onomatopées dédiées aux photographes Gerda Taro et Robert Capa, seuls présents en 1944 lors du débarquement en Normandie et dont les photos ont été détruites par erreur au développement. Ce concert d’Alt-J nous a reposé les oreilles avec les sucres d’orge dont sont composés leur répertoire. On peut toutefois se demander s’ils ne sont pas simplement le groupe du moment et que la suite de leur carrière risque d’être plus compliquée.

Faisons un détour par la Grande Scène pour apercevoir la fin du concert de -M-. Mathieu Chedid et ses lunettes de soudeur revient aux Eurockéennes, treize ans après les avoir découvertes sous l’ancienne scène du chapiteau pour un concert tout en fougue et en énergie. On tombe plutôt bien puisque l’homme aux cheveux dressés enchaine des morceaux de ses deux premiers albums dont Je Dis Aime dédicacé à sa grand-mère récemment décédée et qui a écrit les textes du titre. Les marionnettes africaines géantes des Grandes Personnes de Boromo l’accompagnent pendant Mama Sam où le public est appelé à participer au show. La fameuse danse du Machistador suit avec une version électro emmenée par Brad Thomas Ackley et son instrument lui permettant de jouer et sampler sur une même guitare. Un spectacle de -M- est toujours plaisant même si la formule est connue et que ses dernières livraisons convainquent beaucoup moins.

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Nous passons devant le concert de Chapelier Fou qui propose une électro minimaliste, précise et touche à tout, bercée par son violon samplé à tout va. Mais il faut déjà se placer pour la tête d’affiche de la soirée : Jamiroquai. Jay Kay entame son enchainement de tubes dès le premier morceau avec Allright : le roi du funk s’empare du Malsaucy et va imposer la loi de la danse pendant la prochaine heure et demi. Son chapeau vert fait plus St Patrick’s Day que Independance Day mais ses pas de danse provoquent l’engouement à chaque déhanché, même s'ils sont parfois plus rouillés que dans ses clips des années 90. Un orchestre complet l’accompagne, composé d’un percussionniste, de cuivres, de choristes pour reproduire à la perfection le son du Space Cowboy en veste à franges et aux articulations élastiques. La voix, quant à elle, n’a rien perdu de sa soul, les syllabes glissent sur des airs entendus mille fois mais qui sonnent comme si c’était la première. Virtual Insanity provoque l’émoi dans l’assistance qui reprend le titre en chœurs : les trois notes de piano, les pas de skater, la grande classe. Le titre n’a jamais été autant d’actualité avec ces festivaliers qui passent leur temps à filmer en se perdant dans le virtuel de téléphone. Jay Kay tient les quarante-mille festivaliers dans sa main, prolongeant et remixant ses titres par des instrumentaux qui transpirent le funk. Ses clips si marquants sont projetés sur l’écran à l’arrière de la scène, alors qu’il annonce un morceau de son premier album qu’il n’avait plus joué depuis quelques années : Too Young To Die. Les onomatopées du refrain sont bien entendu chantées par l’audience qui ne manque pas une miette de cette setlist en forme de Best Of. C’est finalement Cosmic Girl qui ponctue la fin du set avec un jam from another galaxy qui prolonge le morceau de plusieurs minutes.

Nos genoux sont bien moins souples que ceux de Jay Kay et il est temps de lever les voiles après une première journée des Eurockéennes plutôt réussie. On retiendra la fougue de Parquet Courts et la tranquillité d’Alt-J ainsi que ce final funky avec un Jamiroquai poussant toujours plus loin la recherche au sein ses propres compositions. Le public a en tout cas répondu présent en très grand nombre pour un jeudi soir : le pari est largement réussi.
artistes
    Alt-J
    Asaf Avidan
    Boys Noize
    Chapelier Fou
    Gary Clarke Jr.
    Jamiroquai
    Joey Bada$$
    Juveniles
    La Femme
    M
    Major Lazer
    Mesparrow
    Parquet Courts
    Skaters
    Wax Tailor
photos du festival