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Eurockéennes

Belfort, du 4 au 7 juillet 2013

Live-report rédigé par François Freundlich le 15 juillet 2013

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Le dernier jour tant attendu est finalement arrivé : ce dimanche rêvé et calibré pour tout lecteur de Sound of Violence. Des groupes britanniques à la pelle, jouant même parfois en même temps, du rock indé en veux-tu en voilà, des légendes, des nouveaux : ce 7 juillet s'annonce mémorable.

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Il est à peine 16h lorsque les anglais de Palma Violets, consacrés comme le nouveau groupe en vue par la presse d'outre-manche, se jettent à corps perdu sur la scène Green Room. Ces quatre-là connaissent bien les festivals et savent comment les enflammer puisqu'ils se sont formés alors qu'ils revenaient ensemble du Reading Festival. Un homme hystérique en chemise à fleur entre sur scène pour les annoncer en hurlant avec un accent british très prononcé, ce qui fait son petit effet. Les londoniens entrent directement dans le vif du sujet avec le son brut et direct de Johnny Bagga' Donut, annoncé par Samuel Fryer comme une reprise bien qu'extrait de leur très bon premier album 180. On remarque tout de suite que le bassiste Chilli Jesson est complètement fou, n'ayant cesse de crier, sauter, courir vers les premiers rangs. Ses compagnons le suivent volontiers dans cette attitude fraiche et authentique qui parvient à exciter la foule malgré le soleil brûlant de l'après-midi.
Palma Violets donnent l'impression de simplement vouloir s'amuser avec une musique simple mais efficace faite d'accords saturés rappelant The Libertines et d'un orgue divaguant pour la touche vintage. Leur tube Best Of Friends connait une adaptation accélérée et braillarde lorsque les voix se mélangent sur le refrain. On ne peut évidemment qu'apprécier un groupe avec une chanson nommée Step Up For The Cool Cats qui calme un peu le jeu (mais pas le bassiste qui terminera dans la fosse). On pense souvent à Crimson & Clover pour ce coté 60's arboré par les violets même si leurs titres sont avant tout courts et efficaces, à l'image de cette reprise punk de The Hot Nasties : Invasion Of The Tribbles et ses "ein zwei drei vier" . Le concert se termine dans l'anarchie générale sur Brand New Song, brouillage de guitare, batterie débridée, retour de la chemise à fleur et sauts incessants. Voilà un groupe qui nous met le sourire aux lèvres pour la journée.

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Quoi de plus parfait comme enchainement que The Vaccines pour prolonger la fête ? Malheureusement, les anglais sont toujours bloqués dans leur bus à l'heure prévue de leur concert et n'ont pas pu installer leur matériel. On nous annonce qu'ils joueront tout de même, mais avec les instruments des Palma Violets : pari risqué. Après plus d'une demi-heure d'attente en compagnie d'un public de moins en moins nombreux, le quatuor entre finalement en scène visiblement pressé. Dès l'ouverture sur Blow It Up, la qualité du son n'est pas au rendez-vous, la voix étant masquée par la section rythmique. On a du mal a saisir tout la subtilité propre à leurs morceaux prenant souvent l'allure de parfaites pop-songs. Le barbu Justin Young est obligé de crier plus qu'à son habitude tout en faisant des signes pour se régler. Le bassiste de Palma Violets est quand à lui toujours à fond, sautant avec le premier rang puisque sa basse est sur scène dans les mains de l'islandais Árni Hjörvar. Le tube du deuxième album, Teenage Icon, parvient tout de même à lancer ce concert malgré un groupe qui a découvert les conditions, les instruments et la scène en y entrant. Leurs meilleures chansons sont proposées dans des versions accélérées à l'image de Post Break-Up Sex dont on ne retrouve pas le charme de la version studio avec ce rythme trop saccadé et une voix essoufflée. Nous avons connu The Vaccines bien plus à l'aise à d'autres occasions : ils n'y sont pas vraiment, entrant très progressivement dans leur concert qui sera raccourci à seulement une dizaine morceaux joués à la va-vite. Quel dommage, pour un des groupes les plus attendus du festival ! Wreckin' Bar (Ra Ra Ra) a le mérite d'exciter le groupe ainsi que les premiers rangs arborant des t-shirts imprimés aux pochettes des albums, sautant en décriant le refrain. Justin brandit sa guitare pour If You Wanna jouée en mode sur-vitaminée. Le set fût en demi-teinte mais The Vaccines ont tout de même sauvé les apparences même si le rendu sonore était plus que moyen.

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Avec ce retard, The Black Angels ont déjà débuté leur concert sur la Grande Scène. On ramasse les premiers assauts lourds et lancinant en pleine figure dès le haut de la butte franchie. Le barbu à casquette Alex Maas tempère sa voix planante et lointaine aux échos multiples et tortueux. Elle possède ce calme oriental tout en conservant une force s'accordant parfaitement avec l'étrangeté qui ressort de l'ambiance imposée par les américains. Les guitares dissonantes se répètent dans des boucles angoissantes pour se perdre dans un psychédélisme qui téléporte le Velvet Underground au troisième millénaire. On ne peux que planer complètement et surfer sur ces vagues stridentes ou ces embruns de basses terrifiantes qui s'échouent sans cesse dans nos oreilles.
L'accent est mis sur de nombreux titres de leur nouvel album Indigo Meadow même si leurs classiques jubilatoires comme Telephone sont de la partie, permettant aux fans de sortir de l'état contemplatif proche de la transe. Ce parfait morceau de rock'n'roll nous libère tandis que les cris accompagnent les sauts en rythme. Il fallait néanmoins avoir écouté leur dernier album car sa quasi-totalité est interprétée. The Black Angels reviendront à leurs pépites sur les trois derniers morceaux avec notamment le premier titre de leur précédent album, Young Dead Men, joué tout en puissance, pour l'enchainer idéalement avec Bad Vibrations. Ce dernier s'étend comme un véritable marathon de psychédélisme azimuté. Le crescendo s'élève peu à peu pour s'achever dans un déferlement de décibels qui nous secoue de l'intérieur. L'OVNI de la soirée était bien cette prestation, confirmant tout le bien que l'on pensait des live des texans chatoyants.

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Après un tel coup de massue, il nous faut de la fraicheur. On se rapproche donc de la Loggia pour le premier concert en France d'un groupe écossais dont on parle beaucoup dans la catégorie petits nouveaux à suivre de très près : CHVRCHES. Le trio n'a pas encore vraiment l'habitude de jouer en festival devant autant de monde et la jolie Lauren Mayberry l'avoue : "je suis à peine sortie d'Ecosse, tout cela est très nouveaux pour nous"... On les connait très peu à part quelques morceaux postés sur le net et quelques passages remarqués à la télévision américaine mais on a déjà quelques unes de leurs ritournelles redoutablement efficaces bien en tête. Lauren donne l'impression d'être trop petite pour atteindre son micro mais sa voix est emplie d'une candeur et d'une vivacité faisait réellement plaisir à voir et entendre. Elle est mise très en avant d'un habillage électro-pop synthétique donnant envie de danser sans s'arrêter.
On pense à l'évidence des compositions de Robyn avec un coté brit-pop plus affirmé comme peut le proposer Hot Chip. Les deux garçons sont placés à l'abri derrière leurs machines, concentrés sur leur MPC ou leurs synthés. Ils servent un rythme spacieux entrecoupé de bruitages vocaux samplés comme sur le titre Lies, déjà un premier tube. On ne peut que se plier devant l'évidence de chacun des morceaux en se disant que leur compilation accouchera forcément d'un album fantastique dans les prochains mois. On se souviendra de cette version de Recover où la voix juvénile pleine d'espoir s'exprime pleinement entre les saccades aériennes des synthétiseurs. Le concert se termine sur The Mother We Share, mêlant mélancolie et effervescence avec ces samples nerveux. Nous avons eu la chance d'assister à la naissance d'un groupe à l'avenir qui sera à coup sûr brillant, CHVRCHES n'ont certainement pas fini de faire danser des foules de plus en plus nombreuses.

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Après ce vent de fraicheur, la fin de la soirée va voir s'enchainer trois groupes qui ont marqué les années 80s ou 90s chacun à leur manière pour une clôture de festival prenant la forme d'un revival. La Grande Scène voit débarquer Skunk Anansie avec, à sa tête, la tigresse Skin et ses cheveux blonds en pétard et peroxydés, ce qui casse légèrement le mythe dans notre esprit. Dès l'ouverture sur The Skank Heads, on sent qu'on assistera au show d'une grosse machine faite de riffs bien huilés, lourds et graves. La basse rejoint peu à peu la guitare, tranchant avec la voix hyper aigüe de la leader, véritable pile électrique. Skin ne tient pas en place, brandissant son instrument comme une guitare-heroïne, hurlant la gorge ouverte avec un charisme faisant de l'ombre à toute la presqu'île. On est en plein dans le son rock alternatif, post-grunge qui ont fait les beaux jours de MTV dans les années 90.
Skunk Anansie ne font clairement pas dans le détail et envoient tous les décibels qu'ils parviennent à envoyer en répétant ces mêmes accords entêtant en boucle pour exciter un public qui ne demandait que ça. A la moitié du show, les deux tubes du groupe sont enchainés avec tout d'abord Weak et ses cris "Weak as I am" qui transpercent la foule. Le lightshow rayonne, Skin se plie sur elle même dans sa combinaison rouge, se retrouvant plus souvent dans les airs que sur la terre ferme. Elle termine la chanson dans le public ou elle parvient à se hisser debout au dessus de la foule : la prêtresse Skin marche sur les Eurocks. L'hymne Hedonism se fait finalement entendre avec cette introduction qui calme le jeu et ce "Just because you feel good" repris par l'ensemble de l'audience. On ne peut s'ennuyer avec une telle showgirl mais la fin du concert se fera redondante avec des morceaux moins originaux. La chanteuse descendra une dernière fois au milieu des festivaliers sur Little Baby Swastikka, appelant le public à s'asseoir autour d'elle puis à se relever sur le refrain. Après Jamiroquai et The Smashing Pumpkins, nous voilà en pleine régression adolescente, l'organisation a-t-elle prévu des séances de psy pour trentenaires désabusés ?

Nous marchons vers la scène Green Room pour retrouver les mythiques shoegazers de My Bloody Valentine. Évoluant dans l'ombre d'un écran géant aux images psychédéliques, les nord-irlandais dispersent leurs assauts électriques lancinants et sans fin. Nous retrouvons avec joie les précurseurs de ce genre musical avec un rythme calme et de nombreuses guitares se mélangeant, évoluant lentement vers un crescendo psychédélique aux multiples facettes. My Bloody Valentine ne jouent toutefois plus aussi fort qu'en 2009 par exemple, avec ce concert à la Route du Rock qui avait réveillé les parcs à huitre jusqu'à Cancale. Le groupe se fait plus mélodique, abandonnant peu à peu le mur de guitare massif, même si la légende perdure : le mur est en verre et plus en brique. Malheureusement, les voix peinent à se faire entendre et la moitié du concert est quasi uniquement instrumentale, ce que le public remarque, réclamant l'allumage des microphones.
Bien sûr il est normal que ces voix soient lointaines et mises en retrait mais la sonorisation de la prestation du Primavera Sound Festival en mai dernier était clairement meilleure, la présence du chant apportant une toute autre ambiance bien plus magique. La douce voix de Bilinda Butcher se fera finalement entendre à peine plus sur certains titres calmes comme Cigarette In Your Bed et durant la deuxième moitié du concert. Kevin Shields y saisit une guitare acoustique et revêt une allure de Emmett Brown avec sa chevelure ébouriffée. Très peu de morceaux du nouvel album m b v sont proposés alors que la part belle est faite à leur album culte Loveless. Nous retrouvons avec joie le tube I Only Sleep, sur lequel les réglages sonores ne sont pas encore optimaux. Le sextet décolle sur Only Shallows, l'espace s'emplit de plus en plus d'échos vastes et terrifiants, même si le tout reste d'une redoutable précision. Les membres du groupe restent imperturbable, concentrés sur leurs instruments et leurs pédales d'effets. La prestation fût dantesque mais le rendu en-deçà des espérances. Pendant tout le week-end, le son n'était pas d'une qualité parfaite et le compte n'y était vraiment pas pour ce type de concert nécessitant une précision d'horloge atomique.

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Ces 25èmes Eurockéennes de Belfort sont prêtes à se conclure dans la fête : il ne manque que la tête d'affiche ultime pour parfaire le tableau. Les quatre héros de la brit-pop débarquent en trombe sur la Grande Scène : Blur entament Girls & Boys, lançant immédiatement la célébration avec ces quelques notes de synthé ultra-dansantes. Le public saute comme un seul homme tandis que Damon Albarn s'envole dans les aigües. Le front-man s'excite à l'avant de la scène, dansant et chauffant le public les bras levés. Graham Coxon est plus concentré, penché sur sa guitare comme à son habitude tandis que Alex James a sorti son short. Popscene et son riff épique s'enchaine, enveloppant le festival d'une palpable électricité. Les trois notes du tube de leur premier album There's No Other Way résonnent, nous persuadant que Blur proposeront bien une setlist de leurs meilleures chansons ce soir. Le groupe se calme avec Beetlebum et son intro lourde suivi du pont "And when she lets me slip away" en lévitation, qu'on ne peut que reprendre en regardant les étoiles filer. Le moment de grâce d'un show de Blur reste sans conteste Out Of Time : la voix de Damon Albarn se fait nébuleuse et tendre, les Eurocks se détachent de l'espace temps avec ces textes universels. Deux morceaux de leur album 13 plus confidentiels pour le grand public mais essentiels pour les fans sont ensuite enchainés. Trimm Trabb débute toute en douceur avec sa guitare acoustique sur une voix caressante, pour se libérer avec ce refrain infini se terminant dans une distorsion électrique fulgurante et un cri de Damon s'échappant du chaos crée par un Graham déchainé sur son instrument. La chair de poule nous prend pendant la flottante Caramel où Damon murmure ces textes poignants installé devant son orgue. Les choristes prennent les devants tandis que le trio de cuivres se fait psychédélique. Graham Coxon s'approche du micro pour sa chanson : la géniale Coffee & TV, idéale pour nous coller un sourire jusqu'aux oreilles avec son midtempo en boucle, prolongé pendant plusieurs minutes dans un crescendo de "we could start over again"... and again. Les cinq notes de guitare déglinguée de Tender sont accueillies par les hourras, ce gospel pop remplit les corps de douceur avec ces multiples refrains d'une délicatesse frôlant la perfection. Des "come on, come on, come on" entonnés par les choeurs aux "oh my baby" de Graham, on se prosterne et on profite.
Country House voit Damon Albarn se dresser sur la barrière du premier rang avec des lunettes incrustées de spirales en hologramme empruntées (et rendues) à un festivalier. Et le moment de pur défoulement arrive : Parklife en version accélérée nous oblige à bondir du sol pendant toute sa durée. Nous reprenons à l'unisson le titre de leur troisième album et ses "all the people...". Damon est un peu moins à l'aise que ne pourrait l'être Phil Daniels pour les couplets mais qui d'autre pour entonner ces textes aussi rapidement que lui ? Le fin de la première partie est plus calme, heureusement car on a frôlé l'attaque cardiaque. End Of A Century puis la cosmique This is a Low concluent en toute quiétude.

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Le début du rappel ne sera pas différent puisque Damon s'installe au piano pour leur dernier single : la très belle Under The Westway, symbole que Blur peuvent toujours composer de fantastiques morceaux aujourd'hui. On se régale sur les "lalala" au ralenti de For Tomorrow qui reste l'un des meilleurs titres du groupe. Les violons de The Universal s'élèvent dans le ciel pour nous rapprocher encore plus de la stratosphère : "it really really could happen". Arrive l'instant que tout le monde attendait pour conclure le festival dans la jubilation et la folie : la batterie de Song 2 accélère lentement tandis que les premiers "Woo hoo" se font entendre. Le génial riff qui semble accéléré dix fois s'échappe de la guitare de Graham Coxon et les trente mille festivaliers bondissent comme un seul homme. Le volume sonore semble avoir été doublé pour l'occasion. Les deux minutes filent comme deux secondes, nous jetons nos dernières forces dans ce tube interplanétaire, un des seuls qui parviendrait à nous faire battre un record de saut en hauteur après quatre jours intensifs d'Eurockéeennes. C'était Blur, c'était grand.

Cette journée des Eurockéennes restera comme la meilleure toutes éditions du festival confondues, tout était réuni pour en faire un grand moment de fête. Avec Blur, on n'avait pas autant vibré sur la Grande Scène depuis ce concert de Daft Punk en 2006. Nous retiendrons les performances de The Black Angels, ou Palma Violets ainsi que The Vaccines et My Bloody Valentine qui ont tout deux connu de sérieux problèmes de son. Nous retiendrons le nom de CHVRCHES dont le futur s'annonce radieux. Les Eurockéennes ont logiquement battu un record de fréquentation avec 127 000 personnes en ayant réussi leur pari du jeudi soir ou le public a répondu présent. Les 25èmes furent plus que réussies, on ne peut que que dire bravo à un festival qui attire une telle programmation dans une petite ville comme Belfort.
artistes
    Blur
    CHVRCHES
    Da Octopusss
    Disclosure
    Graveyard
    Hyphen Hyphen
    Keny Arkana
    Kvelertak
    Mass Hysteria
    My Bloody Valentine
    Neurosis
    Palma Violets
    Red Fang
    Skunk Anansie
    Tame Impala
    The Black Angels
    The Vaccines
photos du festival