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Festival Musilac

Aix-Les-Bains, du 12 au 14 juillet 2013

Live-report rédigé par Julien Soullière le 23 juillet 2013

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Le soleil frappe fort et bien en ce deuxième jour de festival. L’enflure ne compte pas nous laisser souffler du week-end, et devoir débarquer au-devant des scènes en plein milieu de l’après-midi tient franchement de la corvée. Allergique à l’effort, je prends bien soin de m’abstenir d’un quelconque labeur de ce type, et préfère filer en direction du lac pour lézarder sous la toile protectrice d’une ombrelle. Un verre d’eau glacée à la main, je récupère de la soirée précédente tout en pensant à celle qui s’annonce.

« Elle m'a dit qu'elle voulait, si je le permettais, déjeuner en paix […] ». Je n’en connais qu’une de lui, une seule, mais c’est là un morceau qui jamais ne perdra le chemin qui mène à ma mémoire, qui jamais ne s’égarera de celui qui mène à la conscience collective, du moins, tant que le karaoké existera. Déjeuner en paix, c’est en fait un morceau aussi intemporel que l’individu étrange qui l’a écrit et composé. Un flibustier de la musique, à la chemise blanche impeccable et légèrement bouffante, au veston aussi sombre que sa chevelure longue et parsemée de boucles, à la moustache jamais orpheline de sa mouche, et qui, comme Cabrel l’Aquitain, est un amateur averti de Dylan et autre Lou Reed, des influences qui expliquent sûrement mon profond respect pour ces deux artistes.
Respectueux de la musique et de l’instrument, Stephan Eicher n’est pourtant pas que l’homme d’un titre, et il va donner aux Musilaciens l’occasion de s’en rendre compte : accompagné de musiciens appliqués et que l’on suppose être ses fidèles, le Suisse est venu nous présenter quelques titres issus de son dernier opus en date, L’Envolée, un album intimiste rempli de morceaux d’inspiration classique, mâtinés de blues et de folk, et qui vont pendant plusieurs minutes durant faire la joie des doux-rêveurs réunis devant la Scène du Lac. Le set est du genre charmeur, et avec le recul, je dois dire que c’est toujours stimulant de redécouvrir ce type d’artiste, que certains imaginent ringards, au détour d’un festival.

Mais la première sensation de la journée, c’est à n’en pas douter Asaf Avidan, le phénomène folk-rock du moment. Israélien d’origine, le jeune homme s’est vu littéralement catapulter sous le feu des projecteurs à l’occasion d’une diablerie marketing (pléonasme?), l’un de ses titres ayant subi quelques savantes retouches pour mieux convenir à un spot publicitaire développé par le géant coréen Samsung. L’artiste, s’il ne cautionne pas totalement l’exercice, ne peut en renier les substantifiques bénéfices : sorti du bois, le bonhomme peut désormais battre le pavé avec ses fidèles Mojos (ses musiciens), et planter les graines de sa douce musique à travers le monde.
Vocalement impressionnant, maîtrisant à la perfection sa voix éraillée et délicieusement androgyne, Avidan semble faire l’unanimité. Néanmoins, il en faudra plus à mes yeux pour les détourner de la tireuse à bière. Comme la veille, j’éprouve quelques difficultés à rentrer dans la danse si tôt, et deviens subitement nostalgique : il y a deux ans, alors que la nuit n’était pas encore tombée sur le lac, dEUS étaient sur scène, et faisaient bouger les foules à coups de riffs ravageurs, imposant avec une aisance folle le rock belge en terres savoyardes.

Malheureusement pour moi, les choses ne vont guère s’arranger. Il est maintenant venu le temps de Ben Howard, et je dois avouer qu’il m’embête bien le blondinet. Enfin, lui et tous ses petits camarades : Jamie Cullum, Jake Bugg... Pour vous la faire simple, je les confonds tous, il n’y a rien à faire, quand bien même ils n’aient pas le même timbre de voix, que certains aient les cheveux bruns plutôt que blonds, qu’il y en ait un plus doué que les autres, je n’arrive pas à faire la différence. J’ai conscience que j’exagère peut-être un peu, mais que voulez-vous. En tout cas, je m’en vais vaquer à d’autres occupations le temps du concert, et reviens aux affaires un peu avant la fin du set pour m’approcher au plus près de la Scène de Lac. Phoenix sont les prochains sur la liste, et eux, je n’ai pas l’intention de les louper.

Ca pourra paraitre incroyable dit comme ça, mais je ne les ai jamais vus en concert. Jamais. Pour autant, on ne m’en a toujours dit que du bien, j’ai même eu des retours positifs de gens qu’on ne pourrait de loin pas considérer comme étant des grands supporters du groupe, c’est pour dire. Et puis, si Phoenix sont de tous les festivals cette année, ôtant tout caractère exceptionnel à leur présence en Savoie, ils n’en restent pas moins l’une des attractions phares de cette seconde journée, et à n’en pas douter de la cuvée 2013 de Musilac.
Il est un peu plus de 22h30, et c’est sur une scène sur-éclairée pour l’occasion que Thomas Mars et ses compères entrent en piste, mitraillés par les ovations d’un public qui semble fin prêt à en découdre. D’une seule et même voix, ce dernier interpelle orageusement les héros de la prochaine heure, leur indiquant par la même occasion sa volonté d’assister à un set dantesque, à même de véritablement lancer une journée qui peine à se montrer festive. Joie : à bien observer les deux batteries installées en fond de scène, je me dis que tout ceci sent bon le concert qui déboite, et je vais très rapidement en avoir la confirmation, puisque le clavier japonisant introduisant le dernier single en date du groupe (Entertainment) ne tarde pas à résonner dans la plaine, donnant le coup d’envoi à de bien savoureuses hostilités, riches en gros son et en pop songs parfaitement exécutées (It’s Never Been Like That, Lisztomania, Run Run Run...).
Et s’il y en a un qui m’épate ce soir, c’est bien le sieur Mars : à l’aise dans ses baskets de meneur de jeu, le français se donne sans trop compter à son public, tentant même un petit bain de foule à mi-parcours, comme ça, pour la forme, mais avec un recul assez salvateur, une sorte de second degré teinté d’humilité qui jamais ne le pousse à trop en faire, ou à devenir grassement antipathique. La classe.

Là, je suis sur une pente ascendante, et le concert de Klaxons devrait m’aider à ne pas redescendre de sitôt, de mon drôle de nuage. Jamie Reynolds et ses boys arrivent, c’est parti pour une nouvelle heure de fun, et la tension monte encore d’un cran à l’entente des sirènes annonçant la géniale Atlantis To Interzone.
Les minutes passent, passent encore, et je suis là, je danse, mais il y a un truc qui cloche : les nouvelles compositions. Elles sont étranges. Enfin, non, pas étranges, elles envoient d’ailleurs pas mal, mais elles donnent l’impression d’être des reprises. Elles ne sonnent pas comme du Klaxons, elles ne sont rien de plus, rien de moins, que des titres d’electro-pop assez basiques, exsangues de ce grain de folie qui caractérise le groupe anglais. Sincèrement, c'est rude, mais je ne suis pas loin de me dire que David Guetta a du aider nos loulous à pondre leurs nouveaux morceaux. A cette heure tardive, soyons francs, tout ceci fait le boulot, mais cela n'augure rien de bon pour le prochain opus du groupe.

Lorsque Paul Kalkbrenner entre en scène, je suis déjà loin, très loin. Tout n'est plus que sons et lumières. Mon corps tangue, mais pas plus que mon esprit. Il faudra bien rentrer. D'une manière ou d'une autre.
artistes
    Shake Shake Go
    Studio Paradise
    Mark Lanegan
    The Vaccines
    Stephan Eicher
    Asaf Avidan
    Ben Howard
    Phoenix
    Klaxons
    Paul Kalkbrenner