C’est après une nuit courte mais confortable à l’intérieur d’une Festihut (Eh oui, ce concept de cabanes dédiées aux trentenaires souhaitant être éloignés du bordel du camping tentes !) que nous nous rendons de bonne heure sur le site du festival pour une journée chargée dédiée aux grosses guitares. En effet, plus de quinze groupes sont à notre programme du jour avec beaucoup de choix cornéliens (La Coka Nostra ou Skindred, Danko Jones ou Pelican, Dan Deacon ou Torche, Hatebreed ou Amenra, The Vaccines ou Converge...). Nous avons fait le choix de couvrir un maximum de concerts, quitte à ne suivre que des moitiés de certains.
Suite aux déboires techniques de la veille, c’est encore grâce à l’aide d’Olivier Bourgi, que nous récupérons un appareil nous permettant de couvrir cette journée d'un point de vue photographique. Après avoir rapidement pris possession de notre nouvel équipement, nous nous rendons sur l’une des formations pop made in France les plus intéressantes du moment, à savoir
Exsonvaldès. Et là, je n’ai rarement eu autant de peine pour un groupe. En effet, pour la première fois, malgré une quinzaine de photographes, les parisiens commencent devant un public composé de trois personnes ! Le groupe, dépité, débute donc totalement dépité avec une setlist plutôt en anglais afin de pouvoir toucher les non francophones. Malgré tout leur talent, et même si l’audience augmente légèrement, il nous est difficile d’apprécier ces quarante minutes. Cette désertion de début de journée n’est pas due à l’horaire mais plutôt à un manque d’intérêt du public pour le pop/rock, car dans le même temps les chapiteaux électro sont déjà bien garnis. Triste jeunesse...
Heureusement pour nous, les amateurs de grosses guitares semblent un peu plus présents sous la tente dédiée au métal, la Cannibal Stage. En effet, pour
Maybeshewill et son post-rock à la sauce britannique, l’audience est un peu plus importante, même si cela n’atteint pas encore des sommets. Et là, autant le dire tout de suite, nous avons pris une des principales claques du festival. Dés le titre d'ouverture, des ambiances aériennes se mettent en place et nous transportent immédiatement dans une atmosphère proche de celle d’Explosions In The Sky. A la différence des américains, leur sont se fait beaucoup plus dansant et énergique, avec l’apport d’un clavier utilisé comme un véritable instrument et non pas en fond comme la plupart de leurs compères. Chaque titre, d’un format assez court pour ce style de musique, possède son propre univers. Le troisième album est particulièrement mis en avant des petites bombes telles que
Critical Distance et
Red Paper Lanterns qui nous font immédiatement penser à God Is An Astronaut. Le post-rock made in UK possède une touche bien à lui et commence à surpasser en qualité celui venant d'Amérique. Plus le set avance, plus nous tombons dans nos pensées les plus mélancoliques, totalement emportés par la richesse sonore de ce qui nous est proposé. La tension monte au fur et à mesure jusqu’à l’explosion totale de
Not For Want A Trying et
He Films The Cloud, part two, où l’ombre de Pelican plane fortement.
Ces quarante minutes m’ont tellement transporté qu’il m’est difficile de retomber sur terre et rejoindre l’extérieur du chapiteau pour subir le son Drum&Bass des autres scènes. Après avoir profité de l’un des seuls temps morts de la journée, il est l’heure d’affronter le cagnard pour assister à la prestation Gansta Rap de
La Coka Nostra, supergroupe composé notamment de DJ Lethal et Danny Boy (ex House Of Pain). Etant un grand nostalgique du Cypress Hill de la grande époque, j’avais placé beaucoup d’attente dans cette formation. Même si les gaillards maîtrisent parfaitement la scène et savent jouer avec leur public à grands coups de "Hey ho, Fuck, Cokaaa", le son fait trop la part belle aux voix et masque totalement les samples, comme pour le Wu Tang Clan la veille. Il faut attendre les deux reprises de House Of Pain pour que la sauce prenne vraiment et que la plaine prenne des airs de grande kermesse sur
Jump Around.
Nous filons alors en toute vitesse assister aux deux derniers morceaux de
Skindred et son néo métal sauce ragga. S'il faut reconnaître l’énorme charisme de Benji Webbe et sa voix totalement modulable, il est assez difficile de trouver encore beaucoup d’intérêt à ce style musical ayant malheureusement très ma vieilli. On retiendra cependant l’énergie déployée par le chanteur qui aura réussi à remuer les plus jeunes à grands coups de sauts.
A peine le temps de profiter de la première bière de la journée, que nous allons devoir affronter notre plus grand conflit de la journée : Danko Jones ou
Pelican. Même si le canadien est un vrai showman, il m’est impossible de ne pas aller reprendre ma dose annuelle de post-hardcore made in Chicago. Comme à leur habitude, les trois gaillards n’ont besoin d’aucun accessoire ni artifice pour nous mettre à tous une énorme claque, et donner un peu plus d’ampleur à mon acouphène.
Positionné juste devant les basses, mon corps entier vit une expérience d’une grande intensité. Jamais une heure ne sera passée à une telle vitesse et aura été si dure physiquement uniquement à coups de headbang. On peut seulement regretter encore une fois le manque de public pour célébrer ce groupe unique qui sait retourner une scène sans chant ni aucune mélodie. Passé ce grand moment, nous assistons rapidement au dernier titre d’un Danko Jones toujours aussi joueur.
Je pique alors un grand sprint digne de Christophe Lemaître, pour assister à la fin du show foldingue du génial bidouilleur
Dan Deacon. Ayant hésité à attendre Torche, la raison l’aura emporté et je l’en remercie. J'assiste à trente minutes de n’importe quoi digne des plus belles fêtes des écoles. Entre chaque titre d’une électro pop accompagnée de deux batteries et entrecoupée de bidouillages électroniques, le charismatique geek se mue en animateur made in Club Med. Il passe son temps à électriser la foule et à inciter le public à foutre le bordel de leur vie. Jusqu'à cette scène surréaliste : il parvient à faire réaliser une farandole géante comme l’on n’en voit que dans les mariages, à tel point que les trois quarts du chapiteau jouent le jeu de ce grand délire que seul Dan Deacon sait engendrer.
Dans cette journée marathon où les grands moments s’enchaînent les uns après les autres, nous n’avons pas le temps de reprendre nos esprits, que nous devons déjà traverser tout le festival pour ne pas rater la fin de
Torche. Les ayant vu à de nombreuses reprises, leur set ne m’a rien appris de nouveau. Ils nous ont envoyé leur stoner métal des plus agréables mais par rapport aux autres fois, l’ensemble manquait aujourd’hui un peu d’energie. La raison se trouve certainement dans la chaleur de la Cannibal stage et aussi dans le manque de ferveur du public. Ceci-dit, leur musique fait toujours autant de bien à nos oreilles, même en ayant manqué le morceau phare de leur set :
Healer.
Impossible de prendre la moindre pause dans cette folle journée, puisque
Hatebreed nous attendent déjà sur la scène principale avec leur hardcore US capable de réveiller les morts. Grâce à la puissance de frappe dégagée, la plaine s’embrase complètement, faisant place à de nombreux circle pits soulevant la poussière qui envahit nos narines. La Machine à Feu qui était en place depuis toujours sur ce festival a disparu cette année. En lieu et place, on peut considérer que les ricains ont totalement embrasé la foule réunie en nombre. Grâce à la présence de leur frontman Jamie Jasta, le rock a enfin eu la place qu’il mérite ce soir en réussissant à faire de nombreux adeptes, malgré un son assez difficile d’accès pour les néophytes.
Passé ce grand coup de poing, la pause boisson n’est toujours pas possible, puisque que
Amenra ont déjà entamé leur set pour une des expériences les plus éprouvantes du festival. En effet, aucun éclairage n’accompagne leur live, juste un écran géant diffusant des images en noir et blanc assez malsaines éclaire légèrement le chapiteau. Le chanteur nous tournant également le dos, l’ambiance qui règne ici est assez déroutante. Il est impossible de ne pas rentrer dans cet univers fait de glace et de pénombres, le tout accompagné par une musique des plus envoûtantes. Pour la première fois en deux jours, aucun sourire ne se lit sur le visage des festivaliers, chacun étant à 100% dans le live des belges. Chaque hurlement du chanteur se ressent tel un coup de poignard qui pénètre votre corps. Sur le dernier morceau de plus de huit minutes,
Silver Needle.Golden Nail, le son se fait encore plus tranchant jusqu’à l’explosion finale. Après cette grande expérience sensorielle, j’ai tellement besoin de reprendre mes esprits que je fais une croix sur les vingt minutes restantes du concert de Mark Lanegan, préférant recharger les batteries pour être en forme pour The Vaccines. Les concerts s’étant enchaînés non stop depuis plus de cinq heures, il est nécessaire de pouvoir enfin se désaltérer et récupérer un peu de jambes pour la fin de soirée qui s’annonce des plus difficiles.
Après un début de journée consacré aux guitares lourdes et sombres (Pelican, Amenra...), la présence de
The Vaccines en tête d’affiche est pour nous un grand bol d’air frais et de douceur dans ce monde de brutes. Pour preuve, l’ambiance qui règne ce soir devant la grande scène aura rarement été aussi bon enfant : lancers de confettis, minis farandoles, prises d’épaules... Le début du set accompagné de ses nombreux refrains accrocheurs (
Blow It Up, Teenage Icon, Lack Of Undestranding...) met tout le monde dans le bain. Même si Justin Young ne se fait pas très causant, il dégage des ondes positives et fait tout son possible pour nous faire rentrer certaines phrases dans la tête : plus efficace qu’un prof d’anglais. Pour preuve nous aurons passé le reste du festival à scander : "But you don't understand or you won’t understand" ! Même si le son de voix pouvait laisser à désirer sur les premiers titres, tout s’arrange au fur et à mesure. L’ensemble s’avère être d’une incroyable efficacité et donne une bonne leçon à grand nombre de ses compatriotes. Rarement un groupe de Britpop ne m’aura autant attiré en live ces dernières années.
Même avec un léger trou au milieu du set, les dix-huit titres défilent à toute vitesse et les jeunes demoiselles de la fosse se lâchent totalement sur le classique mais non moins dansant dernier morceau
Norgaard. Comme Yeah Yeah Yeahs la veille, The Vaccines auront réussi leur mission : Faire danser des fans de musique électronique sur du rock.
Les prestations rock étant pour ainsi dire achevées pour cette fantastique mais très longue journée, il ne nous reste plus qu’à nous laisser entraîner par les sonorités électro des chapiteaux, et ce notamment avec
Four Tet. Nous sommes particulièrement curieux de découvrir ce que vaut en live l’electronica classieuse du rarissime anglais. Est-ce la fatigue de ce premier jour intense, ou le manque de prestance scénique, il nous est très difficile de rentrer dans ce set. Nous étions en effet restés sur les beats envoûtants de son dernier album mais il ne reste en live qu’une électro minimaliste assez classique, qui semble cependant avoir fait son effet auprès du très dense public de ce soir.
Pour ma part, je préfère profiter des dernières guitares de la soirée, avec les quatre barcelonnais de
Mujeres et leur garage rock. Et là, bien plus efficace que tous les stupéfiants du monde, ils parviennent à tenir en éveil la maigre foule grâce à leur live assez kitch mais bougrement dansant, lorgnant régulièrement du côté des Beach Boys. Après trois titres qui auront tenu le rôle de vitamine, me voilà présent en avance pour le seul DJ set qui m’aura vraiment motivé cette année :
Nathan Fake. Et là, encore une déception ! Alors que j’attendais les morceaux ayant fait la réputation de ce britannique (
The Sky Was Pink, Granfathered), il nous offre un set classique dépourvu d’émotion. Nathan semble avoir oublié les synthés si aériens de ces premières années. Ayant attendu jusqu’à la fin du set ce revival, je n’en suis que plus déçu. J’entame alors ma grande randonnée de quarante-cinq minutes vers les cabanes, totalement exténué par les enchaînements effrénés de ce vendredi d’une rare intensité !
Au final, après une première journée assez décevante et sous le signe des machines, c’est par les guitares qu’aura eu lieu la renaissance de Dour, grâce à quelques live mémorables : The Vaccines, Maybeshewill ou Pelican.