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Sziget Festival

Budapest, du 5 au 12 août 2013

Live-report rédigé par Olivier Kalousdian le 21 août 2013

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La fenêtre de silence et donc de repos possible pour les campeurs du Sziget, quel que soit leur emplacement sur l'île, est comprise entre cinq heures et dix heures du matin. En cette journée du vendredi 9 août, c'est le groupe Blur qui est attendu en véritable guest star sur la scène principale à 21h30. Arrivés tôt et désirant éviter les plus grosses chaleurs – l'indice UV élevé n'est pas l'ami des Anglais – c'est au son des balances du groupe de Damon Albarn et Graham Coxon que la journée démarre sous les coups de 9h30... Quelques mesures du titre Girls & Boys comme réveil matin, on a connu pire !

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Pour Mystery Jets, groupe londonien formé en 2004, c'est une première venue en Hongrie. Ils entament, sur la grande scène, une journée qui s'annonce particulièrement riche en émotions. La légende urbaine veut que ce groupe s'appelât au départ Misery Jets ; mais une erreur de lettrage sur la batterie leur a rajouté un « t » lors d'un premier concert ; jamais effacé depuis. Blaine Harrison, leur leader, est un des rares handicapés de la scène rock internationale. La malformation dont il souffre, nommée spina bifida, le condamne à se déplacer et à jouer dans une chaise roulante. Le chanteur country américain Hank Williams souffrait de la même infection, et c'est sous d'étranges tenues country d'ailleurs que les Mystery Jets jouent en ce début d'après-midi au Sziget. Pete Cochrane, le bassiste, arbore une chemise aux couleurs du drapeau des USA ! Avec des airs légèrement new folk, le groupe déroule les titres Serotonin, Radlands et l'inévitable reprise des Wings, Jet, qui, du fait de sa quasi-éponymie, laissera le public se questionner en vain sur l'origine de leur nom ! Sur des bases tout à fait honorables pour un début de journée, le public, comme le groupe, goûte le plaisir d'un après-midi d'été rendu un peu plus doux et acidulé par l'intelligente construction de mélodies qui doivent autant aux Beach Boys (The Hale Bop) qu'aux Pink Floyd (Radlands).

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Avec la fin du set des Skip&Die qui s'étaient produits à Solidays fin juin à Paris, la scène A38 prend la mesure d'une journée qui ira jusqu'à 5h du matin avec les sets techno de Isu & Dork. Les Dry The River, quant à eux, sont cinq sur scène : Will Harvey, Peter Liddle, Scott Miller, Matt Taylor et Jon Warren. C'est en Islande qu'ils viennent d'enregistrer leur deuxième album qui sortira à la fin de l'année en cours. Leur premier opus, Shallow Bed lequel contient les titres History Book, Family ou No Rest joués ce soir, est un mélange de folk rêveuse, aidée par l'apport d'un violon (New Ceremony) et de rock indie parfois proche de dEUS ; le talent mélodique en moins. Avec New Cross, extrait de leur album à venir, les Dry The River ne révolutionneront pas la scène rock, cette fois encore. Comme quelques autres groupes programmés au Sziget cette année, ils font partie des formations que l'on peut se permettre de rater pour aller, par exemple, prendre en cours de route la performance toujours surréaliste des américains de !!! (chk chk chk qui se prononce tchik tchik tchik) sur la grande scène, au même moment.

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Car, depuis 1995, ce groupe qui a remis le disco funk au goût du jour en ironisant sur des rythmes où la charleston est reine et les lignes de basses slappées fait le bonheur des amateurs de rock décalé et officie en tant que groupe anti-mode de référence au même titre que Philippe Katerine en France (la ressemblance de look et de jeu de scène entre ce dernier et Nic Offer, chanteur du groupe, est frappante sur la scène du Sziget !). Ne portant qu'un unique caleçon imprimé « The Rolling Stones » surmonté d'un tee shirt noir, ce dernier aime, lui aussi, jouer avec son public de manière très intimiste. Avec des titres comme Me And Giuliani Down By The Schoolyard (A True Story) ou Californiyeah chantés directement dans ce public qui ira jusqu'à lui faire prendre une douche d'eau minérale pour rafraîchir ses ardeurs et sa température corporelle (« I want to kiss eveybody ! »), on ne peut s'empêcher de penser, musicalement, à d'autres américains, maîtres incontestés de l'électro clash pendant dix ans, et dont !!! partagent d'ailleurs un des musiciens, Tyler Pop (guitare, machines électroniques) : il y a dans !!! l'inventivité et la sur-orchestration (huit musiciens) d'un LCD Soundsystem qui aurait ingéré les Bee Gees !

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Retour sur la scène A38 pour confirmer, ou pas, les espoirs mis en Victoria Christina Hesketh, plus connue sous le nom de Little Boots. Cette Anglaise native de Blackpool officie dans le nu disco qui a tendance, ces derniers temps, et paradoxalement sous l'égide du label Parisien Born Bad, à retrouver des racines italo disco qu'on espérait bel et bien enterrées sous des tonnes de polyacétate de vinyle.
Seulement, Little Boots ne se contente pas, à l'instar d'autres artistes du moment, de ressusciter les recettes italiennes un peu lourdes à digérer de la fin des années 70. Avec un honorable passé de DJ ou avec sa première formation, Dead Disco. Little Boots a acquis la maîtrise du dancefloor et celle des machines de notre époque : du synthétiseur aux loop machines en passant les instruments les plus avant-gardistes comme le stylophone – qui même s'il n'est pas récent, propose un son larmoyant peu commun – jusqu'à la futuriste harpe laser, qu'elle a vu et entendu pour la première fois chez Jean Michel Jarre et pour leaquelle elle voue une admiration sans bornes.
Grande amatrice de stylisme et de mode, elle apporte une attention particulière à ses tenues vestimentaires sur scène. Tenues qu'elle désigne souvent elle-même. Eloignée, tant que faire se peu d'une autre égérie dance portée sur et par la mode, Lady Gaga, Little Boots crée des titres dont David Guetta pourrait faire son quatre heures et New Order revendiquer la paternité – et pas seulement pour cause de titre éponyme. Avec Motorway et Confusion, titres qui font la part-belle aux percussions et joués en ouverture de set, Little Boots semble avoir totalement digéré les critiques mitigées liées à son deuxième album, Nocturnes, sorti début 2013. Affectionnant les titres très modernes et urbains (Headphone, Earthquake, Satellite...) elle se produit pour la première fois avec un batteur et deux claviers ; ajouté au sien, on atteint presque la configuration des Kraftwerk. Plus deep, le titre Shake qui ferme le show ramène Little Boots à des débuts très électro disco dont elle entend s'éloigner dorénavant. Reste à savoir si ses fans suivront le mouvement ?

Calexico est un groupe mythique issu de la scène du latino-américaine et dont on pourrait aisément transposer le style musical dans la bande son d'un film de Quentin Tarantino. Nom d'une ville située à la frontière américano-mexicaine, Calexico fait le plein sur la scène world music (on aurait pu les imaginer sur une autre scène) et attire autant les membres de l'organisation, amateurs de belles musiques, que les festivaliers les plus avertis. Depuis 1996, ce groupe à part donne ses lettres de noblesse aux influences culturelles mexicaine qui baignent tout le sud du bassin californien des Etats-Unis. Sous un soleil couchant rasant le coin de la colline du camping Français situé non loin de cette scène très intimiste, le lieu semble néanmoins idéal pour ce set en forme de showcase proche du public très nombreux qui, assis ou debout une pinte à la main, goûte la fraîcheur relative de ce début de soirée. De quoi se dandiner sur des titres comme Dead Moon et Puerto dont les cuivres et les cordes, tantôt joyeux tantôt plaintifs, téléportent, pour une heure, l'assistance sur plages d'un Cabo San Lucas à l'extrême pointe de la basse Californie...

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Mais il est déjà temps de quitter les déserts de Baja pour retrouver l'ambiance plus pesante des cieux britanniques et de prendre place dans les faubourgs maintenant sombres et encombrés qui jouxtent la scène principale. A 21h30 et en invités de choix de la journée, si ce n'est du festival lui-même, la bande originelle de Damon Albarn va prendre possession des lieux et des âmes de trente mille festivaliers. Récemment récompensé d'un Brit Award pour l'œuvre d'une vie, le groupe Blur est en tournée européenne cet été. La première depuis 2009 et leur reformation tant espérée. Un passage que Damon qualifiera parmi les plus chauds, météorologiquement parlant, de toute sa carrière !
C'est donc avec une joie toute anglaise que le groupe démarre son set sous la menace, très sérieuse, d'une tempête d'été comme il n'en arrive que dans les terres éloignées des océans, après des semaines de canicule : « Ils annoncent du vent et de la pluie pour cette nuit ; c'est une putain de bonne nouvelle ! » Si la setlist est une des plus connues du monde rock (la même qu'en 2009, Blur n'existent plus que sur scène) avec Girls & Boys en ouverture et Song 2 en fermeture – et au milieu, excusez du peu, une profusion de hits internationaux ! – la teneur du set d'une heure et demie qu'offrent les comparses de Damon, le studieux Graham Coxon, le facétieux Alex James – short et cigarette au bec – et l'appliqué Dave Rowntree est à la hauteur de la réputation d'un des groupes inventeurs de la britpop. Blur est désormais l'un des seuls groupes des années 90 à avoir traversé le temps en proposant, vingt années durant, une créativité et un talent essaimés par quasi chacun de ses membres. Damon Albarn montre une envie rageuse et un visage tempétueux en cette soirée enfin rafraîchie où les techniciens inquiets du bulletin météo de la nuit qui annonce des vents de 100 km/h démontent les tentures des structures de la grande scène, histoire qu'elle ne finissent pas en Roumanie, le groupe roulé à l'intérieur ! À l'inverse d'un Liam Gallagher, neurasthénique derrière son microphone, Damon Albarn court d'un bout à l'autre de la scène et s'offre, à califourchon sur les rambardes de sécurité, à un public trop heureux de pouvoir toucher une icône et, pour les plus effrontés de balancer bières, bouteilles d'eau et autres liquidités – en attendant un orage qui ne viendra que le lendemain – sur l'Anglais surchauffé.

Quittant la scène en attendant l'inévitable rappel, Blur préparent la salve finale et l'inévitable secousse sismique du titre Song 2 que toutes et tous réclament pour étancher une soif de rock pur et dur – les deux têtes d'affiche du week-end à venir en étant totalement dépourvus.
Dés les premières mesures du tempo déclenchées par Dave Rowntree, le sol est secoué, les balustrades poussés et le coin VIP rebondit quand son plancher éphémère encaisse les sauts de centaines de Hongrois inaugurant la première venue de Blur dans leur pays et au Sziget Festival. Elle restera longtemps gravée dans leurs mémoires, neuronales et électromagnétiques.
artistes
    !!!
    Blur
    Booka Shade Live
    Calexico
    Dakha Brakha
    Dry The River
    Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra
    Monophona
    Mystery Jets
    Left Boy
    Little Boots
    Peter Bjorn & John
    Rangleklods Live
    Sebastian Ingrosso
    Seeed
    Shutka Roma Rap
    Skip&Die
    Woodkid
photos du festival