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Transmusicales

Rennes, du 4 au 8 décembre 2013

Live-report rédigé par François Freundlich le 18 décembre 2013

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C'est reparti pour un dernier jour aux Transmusicales de Rennes avec un samedi qui s'annonce percutant, particulièrement dans le Hall 3 où se produiront des formations rock très attendues. Mais passons tout d'abord un autre après-midi dans la salle de l'Etage pour assister aux prestations de quatre nouveaux groupes tremplins.

The Travellers est la première formation à se produire, composée d'une chanteuse italienne et d'un guitariste anglo-suédois, tous deux installés à St Malo. Ajoutez-y quelques synthés vintages et un batteur, vous obtenez un groupe aux influences 60's bien marquées. La voix de Gemma possède une face soul lorsqu'elle s'élève dans des aigües et des variations de diva. Leur musique mêle la simplicité des girls bands de cette époque, avec des passages électriques plus percutants. Les guitares groovy se feront néanmoins lassantes et seule la voix nous surprendra vraiment.

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Le meilleur groupe des ces trois jours de tremplins enchaine ensuite, avec Samba de la Muerte. Ce normand, par ailleurs claviériste de Concrete Knives, exprime derrière ce patronyme hispanique une mélancolie folk teintée d'une complexité instrumentale mêlant percussions, lentes guitares subtiles et voix s'élevant dans de divins aigües rappelant Bon Iver ou Fleet Foxes lorsque tout le groupe se lance dans des harmonies en choeur. Les compositions remarquables passent d'une fragilité acoustique à des crescendos rythmiques intenses lorsque le groupe s'unit dans des instrumentaux jubilatoires. Le dernier titre, The End, ramène Adrien Leprêtre vers son groupe d'origine avec une pop légère mais qui s'étend plus en profondeur que Concrete Knives. Nous ne manquerons certainement pas d'y revenir.

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L'Etage affiche complet à chaque concert, encore plus pour l'attraction de l'après-midi nommée Rhume. Ce duo du sud-ouest s'énerve dans un hip-hop rappelant le Klub des Loosers qui auraient fait surchauffer les basses. La voix est juvénile, crachant des textes rageurs dans un flow hyper rapide et monocorde. Ces derniers sont difficilement compréhensibles mais il est impossible de s'approcher près de la scène pour mieux en profiter. On en comprend quelques bribes comme « avec du néo-classicisme ça aurait plus de gueule ». Certes, mais on préfère passer notre tour car l'impression générale de bouillie sonore prédomine tant le son est mauvais.

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Nous terminons l'après-midi avec Dead et ses boucles de basses, s'imposant en avant d'une voix sombre et lancinante. Les rennais évoluent dans l'ombre de spots et stroboscopes géants qui accentuent les ambiances noires de leur post-punk redondant aux accents électroniques. Dead s'exprime dans la puissance synthétique mais leurs saccades omniprésentes d'un titre à l'autre abondent sans nous marquer vraiment. Nous prenons donc la direction du parc des expositions qui affiche complet ce soir encore.

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La jeune anglaise Iva G. Moskovitch s'offre son tout premier concert devant un Hall 3 déjà bien garni. Elle demande de l'indulgence mais admettons que nous n'avons pas besoin de ce conseil pour apprécier sa voix glacée. Habillée en ange et ornée d'un G sur le devant de sa robe, Iva se plaît à tourner le dos au public, peut-être pour lui faire admirer son dos nu. La londonienne a la minauderie facile, mais avouons que l'on se laisse séduire par ses compositions douces-amères entre une voix parlée rappelant The XX parfois en quasi a-capella et un minimalisme instrumental fait de quelques nappes de synthés bizarroïdes, de notes de piano ou de divagations de guitares. La voix se fait plus assurée au fur et à mesure du concert, avouons une certaine maîtrise et des adaptations envoutantes, surtout pour un premier concert. Sa fragilité n'est qu'apparente car Iva G. Moskovitch peut sortir ses griffes sur certaines impulsions où la voix se libère rageusement sur des embrasements des guitares électriques. Elle s'emparera finalement d'une guitare sur la fin du concert, l'empêchant de se perdre dans un jeu de mains trop théâtral ou caricatural pour la rapprocher d'une Sharon Van Etten. Quelques notes d'Oud viendront apporter une touche orientale sur Darkness, concluant idéalement un set qui se sera qu'amélioré dans sa qualité jusqu'à son dénouement. On ne sait pas grand chose sur cet ange tombé du ciel mais on a hâte d'en savoir plus.

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Le tensiomètre va en prendre un coup avec l'arrivée du ténébreux Daughn Gibson. L'américain va prolonger l'ambiance mystérieuse et volubile de Iva G. Moskovitch avec son folk rock d'une profondeur et d'une intensité qui n'auront pas eu d'égal durant le festival. Empoignant son pied de micro avec une attitude sauvage et lascive, la voix parlée et sombre de Daughn Gibson rappelle celle de Nick Cave, de même que ses attitudes provocantes. Les textes parfois crus correspondent bien au manque d'articulation de son phrasé avec cette sonorité particulière qu'il fait prendre aux mots. Sa musique est néanmoins davantage inspirée par un blues mélancolique semblant venir des bords du Mississipi. Les instrumentations sont laissées à un guitariste et un batteur, le chanteur ne s'approchant que très rarement de ses quelques machines pour apporter une légère touche synthétique ou électronique aux compositions. La guitare dévie parfois vers une country-rock fiévreuse, il ne manque que des ballots de paille portés par le vent et un peu de poussière pour s'y croire totalement. Le concert sera court, moins de trente minutes, mais cela aura suffit pour que Daughn Gibson nous embarque très loin tout en faisant passer notre tension de 2 à 12.

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Faisons un léger détour par le Hall 4 pour suivre la prestation des Ukrainiennes de Dakhabrakha mêlant musique traditionnelle, percussions et rock. Leurs couvre-chefs en poils de chameau doivent les maintenir au chaud alors que le trio féminin mélange des voix perçantes et aigües faites d'onomatopée ou de textes qu'on ne traduira pas dans ces pages. Un accordéoniste les accompagne pour ajouter au coté ethnique de cette musique semblant exister sur les bords de la Mer Noire depuis des siècles, mêmes si les membres du groupe sont des universitaires un brin déjantés.
Un groupe anglais nous attend dans le Hall 9, mais un de ceux qu'il ne faut pas prendre au sérieux puisqu'il s'agit d'un groupe de comédie : The Midnight Beast. Ce collectif se permet toutes les fantaisies : des chorégraphies de boys band à la NSYNC, des déguisements de pizzas sur un morceau aux textes parlant de calzone ou encore un titre sur Harry Potter débutant par le thème du film. Débarquant sur la bande son du Harlem Shake dans des déguisements changeant à chaque morceau, les rappeurs se succèdent en remuant à l'avant de la scène et en allant toujours plus loin dans la caricature de la beauferie de certaines musiques actuelles ou passées comme sur Just Another Boys Band. On ne tiendra pas compte de la qualité musicale mais nous restons avant tout pour leur puissance comique et « what the fuck ». Leur reprise de Ke$ha achèvera un peu plus nos oreilles, mais les auditeurs de NRJ subissent pourtant ça tous les jours. On attend toujours le clash Dakhabrakha/The Midnight Beast pour un choc des cultures massif.

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Des rennais ont déjà lancé leur concert en face : les Superets peuvent également faire sourire dans leur style. Le second degré continue avec un rockabilly Super U en français rappelant les Forbans. On a mis ses baskets en regardant ce quatuor danser et chanter avec des intonations vocales comme on en fait plus depuis qu'on a cessé d'imiter Elvis comme Dick Rivers et son Twist à St Tropez. Après un début de soirée plutôt réussi, on sombre et on supporte. Quelques membres du staff du festival, dont le programmateur Jean-Louis Brossard, apparaissent pour danser sur le titre final 160 Caractères Pour Te Dire Adieu, dans un joyeux bordel. On se demande si certains n'ont pas des passe-droits pour jouer alors que d'autres groupes français apportant réellement quelque chose de neuf sont snobés.

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Pendant ce temps, l'américain Lonnie Holley improvise son show assis seul face à son clavier. Le bluesman a quelques années de plus que son public mais libère une voix intemporelle s'inscrivant comme un moment de calme dans l'agitation ambiante. Malgré tout, on aurait davantage vu ce concert dans un lieu intimiste comme une église que dans un hall géant.

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Le duo irlandais Kid Karate fait son entrée dans le Hall 3 pour déchainer un rock brut et incisif reposant sur une batterie toute en puissance et quelques dérivations psychédéliques de guitare torturée. Après le trou noir que l'ont vient de vivre depuis le concert de Daughn Gibson, ce retour à la réalité fait plaisir. Kid Karate rappellent la fougue et la fraicheur des Black Keys des débuts. Leur tube Two Times débute idéalement le show avec des riffs jubilatoires à en sauter sur place. Le tempo s'accélère, prenant parfois des intonations post-punk même si la voix écorchée s'inspire davantage de Jack White. Leurs inspirations vont pourtant bien plus loin puisque la chanson Heart ressemble à une adaptation rock déchainée de If I Had a Heart de Fever Ray, ce qui, chanté par un sosie de Viking, nous rappelle le générique de la série du même nom. Les brailleries du leader collent parfaitement à l'énergie punk déployée par Kid Karate. Ils termineront dans une clameur noise incantatoire avec un détour par le public. Heureusement qu'un bon groupe irlandais était là pour animer cette fin de festival, sans quoi nous serions rapidement retourné dans le verglas la queue entre les jambes.

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Pour terminer sur une bonne note, un groupe de filles s'apprête à enflammer une dernière fois le Hall 3 : les suissesses de Velvet Two Stripes. En ayant dormi quatre heures sur les quarante dernières, il est compliqué de se concentrer mais ces demoiselles transpirant le rock'n'roll vont nous y aider. Avec une blonde, une brune, une rousse et un batteur, le concept est bien posé : le même existe dans toutes les bonnes brasseries. Alors vous allez me dire merde, mais je vous répondrais que le trio fait bien plus vibrer les murs que tous les groupes d'électro jouant en face. Leurs riffs à la Rage Against The Machine nourris de larsens dépassent largement leurs voix éraillées et leur airs de bad girls. On s'attend à tout moment à une reprise du I Love Rock'n'Roll de Joan Jett même si la voix fait davantage penser à celle d'Alison Mosshart (The Kills). On ne sait si c'est la fatigue ou la redondance des morceaux qui nous achève mais nous quittons les Transmusicales avec cette image de trois ladies délivrant leur blues rock entêtant.

Quelques fulgurances auront sauvé ce dernier jour des Transmusicales de Rennes comme Kid Karate ou Daughn Gisbon. Nous avons découvert une chanteuse à suivre en la personne de Iva G. Moskovitch mais aussi de nombreuses performances à oublier. Cette édition fût en demi-teinte malgré les 60 000 festivaliers, une star en mousseline et quelques rares bons concerts comme Public Service Broadcasting. Ce festival serait-il en déclin artistique ? On espère un sursaut qui nous fera mentir pour la prochaine édition.
artistes
    Acid Arab
    A Tribe Called Red
    Benjamin Clementine
    Boston Bun
    Charlie Kane
    Dakhabrakha
    Daughn Gibson
    Dead
    Doist!
    Escort
    Fakear
    Gang Do Eletro
    Ibibio Sound Machine
    Iva G. Moskovich
    Joris Delacroix
    Julian Jeweil
    Kid Karate
    Konstantin Sibold
    Kosme
    Kosmo Pilot
    Leonie Pernet
    Lonnie Holley
    Louisahhh!!!
    Luz
    Rhume
    Samba De La Muerte
    Superets
    The Midnight Beast
    The Travellers
    Tiger & Woods
    Tiloun
    Velvet Two Stripes
photos du festival