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La Route du Rock

Saint-Malo, du 19 au 23 février 2014

Live-report rédigé par François Freundlich le 28 février 2014

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vendredi 21
Le calme était revenu sur Saint-Malo après les multiples tempêtes : on avait presque chaud sur la plage ce vendredi de février, plus chaud même que lors de certaines nuits de l'édition été de La Route du Rock. C'est une tempête de son qui s'apprête cette fois à déferler dans la salle de La Nouvelle Vague pour la neuvième édition hivernale de notre festival malouin préféré.

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Sur la papier, tout amateur de félins et de claviers ne pouvait que se réjouir du premier concert annoncé de la soirée : le one-man band Piano Chat. Après avoir écumé les scènes du coin et d'ailleurs depuis plusieurs années, Marceau Boré a installé devant nous tout son matériel : mini-synthés, mini-batterie, MPC mais grosse guitare. Celle-ci est exaltée en permanence entre un post-rock planant et des réverbérations noisy, parfois exécutées à l'archet. Une voix profonde ou hurlante aux relents folk soulève le tout et l'on repense à la chanson de Seabear : Cat Piano. Piano Chat peut débuter un morceau calmement en guitare voix avant de lancer une rythmique samplée, frapper sur sa batterie en criant pour l'achever dans le public avec sa guitare en lançant un mini mouvement de foule. Les boucles effrénées s'enchainent dans une surprise permanente, faisant penser à un pendant électrique de Rich Aucoin, dans cet esprit extravagant en évolution continuelle (et aussi pour les confettis). Les idées folles foisonnent entre clarté et excitation et nous sourions forcément. Piano Chat déménagera finalement au milieu du public pour un dernier morceau tout en délicatesse, joué à quatre pattes (normal pour un chat) sur un mini-accordéon. Tout était mini sauf le plaisir, le festival est à peine commencé et on a déjà vécu un très joli moment.

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Place au seul groupe anglais de la soirée avec TRAAMS, le trio de Chichester près de Portsmouth, qui a du arriver en ferry plutôt qu'en tramway aérien. L'ambiance tourne au bon vieux punk anglais puisque ce power trio n'a pas inventé la cuillère à thé, faisant vrombir une guitare crade et tendue sur une rythmique métronomique dotée d'une basse hypnotique. Avec ses faux airs de Rivers Cuomo, le chanteur vise plutôt la côte Est des Ramones pour la pop-punk bien réglée ou de Sonic Youth pour les envolées avec pédalier maltraité. La voix monocorde volontairement déplacée et braillarde se fait quelque peu lassante sur la durée du concert, n'étant pas relevée par une originalité exacerbée dans la composition. Les TRAAMS tournent un peu en rond, c'est également ce que leurs homonymes sur rail font de mieux. Malgré tout, on ne peut s'empêcher de danser ou de secouer machinalement la tête, preuve qu'on se laisse tout de même entrainer malgré-nous par leur tempo élevé et ces lignes de basses addictives. Le trio conclura sur un long instrumental électrique prenant la forme d'un mur de décibels noisy, premier séisme dantesque de cette Route du Rock. Ce ne sera pas le triple A mais ça ne manque pas de punch.

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Place à la tête d'affiche canadienne de la soirée : la troupe paradisiaque de Thee Silver Mt. Zion. Le charismatique Efrim Menuck est de retour en Bretagne après le génial concert de son groupe originel Godspeed You! Black Emperor à la Route du Rock Eté 2013. Nous voilà embarqués pour plus d'une heure dans une constellation très éloignée des sempiternelles marées malouines. Contrairement à celui de Godspeed You! Black Emperor, le concert ne se joue pas dans le noir : la scénographie et l'éclairage au sol sont d'ailleurs très réussis et permettent de profiter pleinement du jeu de scène audacieux du combo de Montréal. Les deux filles de la bande font raisonner fabuleusement leurs violons, apportant une intensité et une profondeur rarement entendues à des compositions frôlant la perfection. Chaque accord, mélange de voix, changement de tempo, crescendo et décrescendo sont autant de délices qui dilatent les pores uns à uns.
Les violons, les guitares et la batterie se percutent et se lient idéalement dans des morceaux passant par tout les stades de l'évolution : sombre ou lumineux, chamaniques ou planant, tenant autant du post-rock orageux que de la pop montréalaise lorsque les voix féminines et masculines s'emmêlent à tue-tête. On aimerait que cela ne s'arrête jamais et on est exaucé puisque les morceaux se prolongent, frôlant parfois les dix minutes. Ils s'enchainent sans temps morts pour ne jamais laisser retomber cette énergie qui paraît énorme mais qui se trouve constamment maîtrisée. On ne peut que s'incliner devant le niveau atteint, bouche bée et langue pendante.
Le sommet du concert restera ces deux morceaux dédicacés à Vic Chesnutt qui avait ébloui cette même scène en 2008, puis était tragiquement décédé à Noël 2009. La voix se fait déchirante alors qu'une contrebasse glissante accompagne quelques violons mélancoliques dans des envolées planantes et transperçantes. Si les canadiens ne nous avaient pas encore transporté à Zion, nous y voilà définitivement. Ces déferlements électriques bercés par ces deux violons auront marqué nos esprits, Thee Silver Mt. Zion restera assurément comme l'une des meilleures prestations de cette année qui débute.

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La soirée thématique « guitares décomplexées » se poursuit avec les Californiens de The Warlocks. Et de guitares il en est question puisque les quatre musiciens alignés sur le devant de la scène construisent des mélopées lancinantes et psychédéliques rappelant Can, ou le Velvet Underground pour la voix nonchalante. Il est difficile de ne pas commenter les looks hétéroclites des membres des Warlocks, allant du perfecto en cuir à la coupe de cheveux hippie 70's. Le concours de sosies entre amis est lancé dans le public. Le tempo est généralement au ralenti mais le son est ample, ne laissant aucune place au vide cosmique ou fréquentiel. Les distorsions sont creusées profondément pour faire rougir nos oreilles jusqu'à nous faire trembler la cervelle. Le concert semble néanmoins plus calme que lors de la dernière apparition du groupe en France lorsque les accélérations se terminaient dans un chaos sur scène comme dans le public. Ce petit grain de folie manquera à un concert parfois bien lourd avec un groupe trop concentré sur ses instruments et ne semblant pas se lâcher complètement. Les tripes ont toutefois vibré jusqu'à réchauffer la bière encore fraiche à peine ingurgitée. The Warlocks et un Maalox.

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Pour finir en gaieté, les Montpelliérains de Marvin sont invités à conclure la soirée avec leur noise synthétique déjantée. Pour le coup, la folie et l'originalité sont bien de leur coté puisque le trio va partir d'est en ouest, du nord au sud, sans jamais prévenir et en nous perdant totalement dans leurs foisonnements foufous. La guitare s'enflamme dans des riffs post-punk détonants tandis que la chanteuse claviériste apporte la touche dancefloor en chantant d'une voix robotisée par un vocodeur. Elle attire le regard lorsqu'elle triture sans cesse ses multiples machines sur de longs instrumentaux diaboliques soutenus par une batterie jubilatoire. Marvin n'est jamais là ou l'attend et tonne sans demander son reste, donnant l'impression d'être en avance sur son propre rythme. On pense parfois au concert de Suuns donné dans ces mêmes lieux. Les rares titres chantés et plus cadrés mériteraient d'être plus nombreux, peut-être parce que plus entêtant. Nous parvenons à les y suivre sans se perdre dans leur labyrinthe sonore. Du tonnerre à l'état pur : on a bien buté sur Marvin.

Les DJs résidents Magnetic Friends enchainent directement avec Don't Stop Me Now de Queen, ce qui fera danser les quelques festivaliers récalcitrants encore présents dans la salle. On retiendra la prestation magistrale de Thee Silver Mt. Zion, l'énergie foutraque de Marvin et Piano Chat ainsi que les inspirés TRAAMS. La Route du Rock, elle, continue avec un samedi très attendu…
artistes
    Marvin
    Piano Chat
    Thee Silver Mt. Zion
    Traams
    The Warlocks
photos du festival