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La Route du Rock

Saint-Malo, du 19 au 23 février 2014

Live-report rédigé par François Freundlich le 4 mars 2014

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samedi 22
Après un petit détour iodé dans le centre de Saint Malo, c’est par un après-midi studieux que nous débutons ce samedi de Route du Rock Hiver. Le conférencier Christophe Brault propose de retracer l’histoire du rock au cinéma dans la petite salle St Anne d’intra-muros. Des films d’Elvis des années 50 jusqu’à Dig ou The Boat That Rocks (avec Philip Seymour Hoffman) en passant par les films des Beatles, The Wall, Wayne’s World, The Rocky Horror Picture Show ou Velvet Goldmine, plus de 200 films sont passés en revus : du pire nanard aux plus belles réussites. Une perspective intéressante avec quelques extraits musicaux sur lesquels l’ancien disquaire n’hésite pas à esquisser quelques pas de danse et un karaoké. Le soir venu, nous reprenons la direction de la Nouvelle Vague pour une soirée à 80% britannique : presque l’idéal pour nous !

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La fée noire Galloise Cate Le Bon est chargée d’ouvrir la soirée de sa folk psychédélique et envoutante. Sous ses mèches revêches, la chanteuse s’installe de profil en observant le public du coin de l’œil, d’un regard mystérieux et légèrement effrayant lorsqu’on se risque à le croiser. La guitare lancinante et laid-back répètent ces mêmes phrases à l’infini, accompagnée d’un orgue vintage bancroche. La voix grave au fort accent gallois rappelle forcément Nico et le Velvet Underground dans ce ton monocorde et nonchalant qui s’élèvent parfois dans de rares aiguës. Après deux titres d’apprivoisement ou l’on se sent décontenancé par l’ambiance poignante imposée par Cate Le Bon, le très bon single Are You With Me Now ? permet d’entrer davantage dans la sphère de la demoiselle. Elle se jouera de nous avec quelques balades plus traditionnelles qui s’envolent finalement dans un krautrock déstructuré. L’orgue en Toccata de Sister nous fera remuer plus que la tête alors que les influences rock reprennent les devants sur Wild. Wild Cate remercie timidement une foule conquise. Les britanniques ne pouvaient décemment pas laisser la relève psyché au hollandais Jacco Gardner : la réponse est emprunte d’une terrifiante beauté.

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La suite fût moins évidente puisque c’est au tour du duo minimaliste The KVB s’asséner une noise brutale et sensuelle, uniquement éclairée par le contre-jour d’un écran géant diffusant des images abstraites, saccadées et saturées. La voix grave du chanteur aux faux airs de Thurston Moore est à peine audible, masquée par une guitare criarde, hyper-saturée et bruitiste s’évadant bien au delà du repère rythmique. Ce dernier est géré par la claviériste gothique à l’air dépressif mais qui parvient à danser tout en tenant la même moue pendant l’heure de concert. La no-noise de petit robot des londoniens permet de se décrasser les oreilles sur des déstructurations acides et grasses pas si essentielles. Quelques fulgurances ressortiront de la confusion ambiante mais l’ennui point le bout de son nez pour un concert qui aurait gagné à être moins long et plus concentré, à l’inverse du groupe qui leur succédera.

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La grosse sensation post-punk outre-manche est à St Malo pour un concert court mais intense. Les Eagulls n’ont pas volé le titre de meilleur premier album de ce début d’année, contrairement aux seagulls malouines voleuses de kouign-amann. Les cinq de Leeds n’ont pas des looks de jeunes premiers ni de rockstar, ne font pas de beaux discours (à part pour jouer les haters sur leur blog), mais lancent directement les hostilités avec leur single phare : Nerve Endings, notre première addiction musicale de 2014. La guitare tonitruante s’enflamme dans ces accords qui nous tendent immédiatement les muscles alors que le chanteur déclame rageusement d’une voix juvénile une colère non dissimulée. Ce groupe possède une fraicheur brute, on sent immédiatement qu’ils ne simulent ni ne posent, ils sont l’essence même du groupe du rock britannique qui jaillit d’on ne sait ou dans un éclair de génie. Leur mince chanteur n’a pas d’instrument et ses mouvements désarticulés rappellent Ian Curtis, mais involontairement, là ou d’autres font tout pour copier le mythique leader de Joy Division. Les courts titres sentent le rock révolté et indomptable, ils s’enchainent dans un tempo encore plus rapide que sur leur album éponyme. Le moment phare du concert restera cette version dantesque de Tough Luck avec cette guitare addictive raisonnant comme sur un titre de The Cure qui aurait pris de fortes doses de speed. Ces dix secondes ou la seule guitare joue ces quelques notes en solo seront clairement les meilleures de la soirée : typique du morceau immédiat par excellence. Le public de la Route du Rock ne bougera pas énormément comme le remarque le chanteur dans l’une de ses rares interventions. On s’excitera une dernière fois sur l’excellente Possessed permettant de déclamer ces « I’m Possessed ! » jouissifs et ravageurs, avant que Eagulls ne s’interrompent en précisant simplement d’acheter leurs disques et goodies car ils n’ont pas d’argent. Ils surprendront tout le monde en s’arrêtant net, rangeant leur matériel sans même sortir de scène, le public croyant à un simple interlude entre deux chansons. Mais non, le batteur remballe ses cymbales et rideau. Les Eagulls ne manquent pas de cran (contrairement à l’argent ou à l’expérience de la scène) mais ont livré le meilleur concert de la soirée, même si il n’a duré qu’une demi heure.

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Cette soirée affichait complet grâce à sa tête d’affiche Breton, groupe que l’on a vu débuter aux Transmusicales de Rennes avant un passage à La Route du Rock Eté ainsi que dans quelques petits clubs de province alors quasi-vides. Ils reviennent cette année avec l’album War Room Stories qui connaît un succès grandissant : les petits clubs sont devenus de grandes salles pleines à craquer emplis de jeunes hystériques. C’est devant leur fameux papillon de lumière géant que les londoniens entrent en scène. On a l’impression de voir un autre groupe : fini les capuches et l’attitude réservée. Breton assume son statut de rockstar et les poses de Roman Rappak, au physique à l’opposé de son homonyme Rascar Capac, vont dans ce sens. Ce nouvel album ne contient que des tubes et on s’en rend compte dès le premier titre Got Well Soon, qui oblige à la danse immédiate sans temps mort avec sa basse vrombissante. Les influences électroniques sont moins marquées pour se rapprocher d’une math-pop moins crade mais qui nous attrape dans ses filets dès les premières notes. Les anciens titres comme Pacemaker ou l’excellente Edward The Confessor font toujours leur effet ravageur, cette dernière prend encore plus d’ampleur avec des appuis électriques mis en avant. Si leur dernier album aurait pu être la suite du Antidotes de Foals, leur live révèle l’étendu de leur musique comme sur les sonorités hip-hop de 302 Watchflowers ou encore sur la funky Legs & Arms. Les boucles synthétiques s’enchainent sur Envy, titre le plus pop de toute la soirée comme sur Jostle avec des détours dancefloor de plus en plus rares. Le public est bien plus sage que lors de leur concert strasbourgeois trois jours auparavant, ou la fosse n’était alors qu’un mouvement de foule géant, les spectatrices se prenant les cheveux dans les guitares. Ils concluront sur une version chaotique de l’extrait d’un de leurs premiers EP Counter Balance : December. Breton a évolué en rapprochant leur musique du plus grand nombre sans perdre leur intégrité. Ils ne se cachent plus d’être LE groupe qui va enflammer tout festival en 2014.

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Pour clôturer les concerts de la Nouvelle Vague, l’électro prend ses droits sur La Route du Rock. Jackson And His Computer Band n’a pas choisi ce nom de scène par hasard puisque qu’il est entouré par de multiples tables sur lesquels se trouvent des installations de machines à boutons digne d’un vaisseau spatial d’une bonne série de SF : disons un vaisseau Asgard puisqu’une énorme porte des étoiles se trouve à l’arrière de la scène. Le son de ce pionnier blond de la French Touch est puissant, évoluant entre une house tapageuse et de lourdes basses post-dubstep saturées. Quelques samples vocaux marquent le tempo alors que des textures industrielles foisonnent de toute part en permanence. On se perd quelque peu dans ce dédale rétro-futuriste et laissons les amateurs du genre s’ébrouer dans la danse qui se prolongera avec le Dj set de la parisienne Clara 3000.

Voilà une soirée de Route du Rock comme on les aime, ayant proposé les meilleures nouveautés live de ce début d’année 2014. Le groupe qui a le vent en poupe, Breton, a confirmé tout le bien que l’on pensait de leur deuxième album tandis que les Eagulls ont livré leur puissance en peu de temps même si l’expérience leur manque encore. N’oublions pas Cate Le Bon et ses compositions extravagantes, la Galloise nous a fait fondre de son simple regard. Nous sommes heureux d’avoir retrouvé une programmation d’excellent niveau après une édition 2013 passable et attendons avec impatience l’édition été du 13 au 16 août 2014.
artistes
    Breton
    Cate Le Bon
    Clara 3000
    Eagulls
    Jackson And His Computer Band
    The KVB
photos du festival