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This Is Not A Love Song

Nîmes, du 29 mai au 3 juin 2014

Live-report rédigé par Fantin le 5 juin 2014

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jeudi 29
Pour sa deuxième édition, le festival This Is Not A Love Song a vu les choses en grand. Après une première édition ambitieuse et haute en couleurs (Animal Collective, Miles Kane et Daniel Johnston figuraient au haut de l'affiche, rien que ça), ce petit frère nîmois du Primavera Sound Festival redouble de volonté et nous revient avec une programmation réduite sur trois jours (contre quatre en 2013) et une nouvelle scène, extérieure. Et une fois encore, les grands noms ne manquent pas. En ce premier jour, on peut notamment assister à la prestation des revenants tant attendus de Slowdive, au post-punk authentique de The Fall ainsi qu'aux expérimentations des canadiens de Suuns. Impossible de manquer cet événement, nouveau dans la cour des grands.

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Le tout débute sur la pelouse extérieure, ouverte gratuitement au public jusqu'à 18h30. On peut assister dès 14h aux concerts de jeunes pousses que le festival souhaite voir émerger. Les anglais de Filthy boy ouvrent la marche avec leur rock à guitares dans la droite lignée des Libertines ou des Clash, comme le clame le flyer du festival (autant vous dire la vérité, nous n'étions pas encore sur place à l'heure de la sieste). Leur emboitent le pas les américains de Speedy Ortiz, dont la musique garage semble droit sortir des années 90. La prestation ne fait semble-t-il pas l'unanimité au sein du public. Et bien qu'ils ne soient pas foncièrement mauvais, leurs enregistrements studio ne témoignent pas non plus d'une grande originalité ou d'un charme particulier.

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Il est 17 heures, la pelouse se densifie en population et montent sur scène les anglais chevelus de Temples. S'enchaînent alors, sous le soleil nîmois, les titres de leur rainy record comme ils aiment le surnommer. La prestation oscille entre envolées pop mélancoliques et excitations saturées. Avec une basse ravageuse, les titres les plus énervés et psychédéliques s'imposent et séduisent l'assemblée, à l'image d'A Question Isn't Answered et de son refrain dévastateur. Cependant, ce choix dans le mastering se fait aux dépends des ballades pop que Temples manie si bien : la basse écrase malheureusement la guitare sur bon nombre de titres. Mais si le concert comporte quelques longueurs, le quatuor parvient toujours à ranimer une certaine flamme avec ses gimmicks récurrents. Même la b-side Ankh est rendue séduisante sur scène. Si son songwriting n'est pas transcendant, son synthétiseur entêtant le rend plaisant à l'écoute. Mais c'est tout de même sur Sand Dance que le show atteint son apogée. Avec un final mémorable par ses solos de guitares torturés, cette épopée psychédélique renversante prend sur scène une dimension inattendue et bouleversante, mais peut-être pas au point de faire oublier les quelques longueurs du concert.

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Alors que les visiteurs sans ticket se font gentiment reconduire vers la sortie, l'ensemble du domaine Paloma ouvre ses portes et dès 18h30 débute le spectacle désopilant de Man or Astro-Man?. Avec plus de dix albums à son actif dont la plupart sont sortis dans les années 90, le quatuor, rassemblé pour un nouvel album en 2013, continue de défendre sur scène avec conviction ses bandes originales pour des odyssées de l'espace sous acide. D'une énergie débordante, c'est un set mi-instrumental (le terme post-rock'n'roll leur va si bien), mi-punk qui est présenté. Électrique et tarantinesque, le spectacle conceptuel présenté (images spatiales et combinaisons estampillées NASA sont au rendez-vous) parvient sans difficulté à agiter la fosse.

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Comme dans tout festival, il est un moment délicat durant lequel il faut prendre une décision. Et dans le cas présent, choisir entre le prometteur RY X et le guitariste prodige de feu-Sonic Youth Lee Ranaldo n'est pas une mince affaire. Sur la petite scène dénommée Club, le premier délivre ses compositions à la croisée de Bon Iver (les deux hommes ont en commun la barbe et le timbre vocal) et des sonorités électroniques minimalistes de James Blake. Seulement accompagné par son batteur, l'australien met sa sensibilité à nue et prouve son grand talent, qui dépasse sans conteste son simple tube Berlin. Le public est ému à l'unanimité.
Pendant ce temps, c'est sur la scène extérieure que Lee Ranaldo présente ses compositions personnelles. Premier évadé en solo de Sonic Youth (son premier album remonte tout de même à 1987), c'est avec la formation The Dust qu'il se produit. Y figure également l'excellent batteur Steeve Shelley, lui aussi libéré de Sonic Youth depuis le split conjugal de Kim Gordon et Thurston Moore. Si les compositions sonnent accessibles et presque folk dans le dernier album en date (Last Night On Earth, 2013), sur scène, la guitare saturée est au premier plan, plus forte que la voix, et on retrouve le guitariste que l'on connait : bruitiste, énervé à en casser ses cordes mais avant tout, perfectionniste en ce qui concerne le son de ses guitares. Un concert sans faille et riches en émotions. The Rising Tide donne des frissons, le terminal Blackt Out communique sa rage à demi-contenue.

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On est donc bien en jambes quand arrive l'heure du concert de Slowdive, dans la grande salle. Quand un groupe dont on n'a jamais cessé de vanter les mérites se reforme pour une série de concerts, on est évidemment curieux et pour le moins enthousiastes. Et on a raison, car le spectacle est renversant. Les jeux de lumières sont des plus minimalistes. Le son est précis, d'une profondeur exquise. Il affecte les tympans de ses nappes saturées uniques en leur genre. La performance est sans faille. Qu'il s'agisse des tubes Catch The breeze, Alison et Souvlaki Space Station, ou bien des introspections pour le moins mélancoliques de Pygmallion (à l'image de Blue Skied an' Clear), les compositions variées de Slowdive maintiennent le public passionné et le set d'une heure proposé semble ainsi bien trop court. D'une grande sincérité, souriants et appliqués, vingt-trois ans après la sortie du premier de leurs trois chefs d'œuvre, les cinq anglais semblent n'avoir jamais quitté la scène tant leur concert relève de la perfection. Inoubliable.

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A l'extérieur, jouent les inarrêtables The Fall. Pionniers du post-punk, partisans d'une cold-wave brutale depuis bientôt quarante ans, Mark E. Smith et ses comparses restent fidèles à leurs convictions. Sombre et sous tension, si leur musique est appréciable par son authenticité et sa fougue, la prestation scénique est pour le moins controversée. Il faut dire que peu énergique, cette dernière n'est pas la plus adaptée au punk des compositions présentées. La performance vocale se fatigue de titre en titre au point de devenir tristement ridicule. Fier d'une certaine autodérision, Mark E. Smith tend à compenser cette sensation en lui donnant une dimension ironique. Les impressions qui en résultent sont pour le moins mitigées.

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À peine ce concert-ci terminé que démarre à l'intérieur de Paloma, l'attendue entrée en scène de The Brian Jonestown Massacre. Avec pas moins de quatre guitares sur scène, la troupe de l'hyperactif antihéros de l'indie Anton Newcombe joue le déluge de tubes dont elle a le secret. Qu'ils aient été maintes fois entendus comme l'efficace Not If You Were The Last Dandy On Earth ou qu'ils soient extraits du récent Revelation (2014), tous provoquent le même engouement du public, forcément séduit par cette abondance de refrains mémorables. Les expérimentations lo-fi sont mises de côté pour privilégier les singles. Seulement, la formule tend à s'épuiser au fil du concert et peu de titres se distinguent dans la dernière partie de la setlist. Dommage, d'autant plus que la progression et l'écriture du dernier album en date font de lui un grand disque dont on attendait beaucoup sur scène.

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Les déçus se rendent dans la petite salle, où se produit le jeune combo familial Southern. Frère et soeur, les deux jeunes liverpuldiens, accompagnés de deux autres musiciens, jouent un blues-rock délicat et gentillet, comme pour se démarquer des trop nombreux duos au son sale qui évoluent dans ce genre. La prestation est carrée, comme qui dirait professionnelle. Étonnant de témoigner d'une aussi grande assurance après n'avoir sorti qu'un unique EP. Leur premier album devrait faire parler. Un groupe à suivre de très près, pour sûr.

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Il est 23h15 et la nuit est tombée sur la scène extérieure. Les expérimentations de Suuns sont attendues de pied ferme. Le concert démarre comme leur dernier album en date, l'excellent Images du Futur. Les guitares crachent (un peu trop pendant le premier titre), le synthétiseur et la batterie font sauter la foule et le spectacle est au rendez-vous. Énergique pour ne pas dire explosif, le set est varié, jamais ennuyeux. Une heure à 100% de leur forme, les canadiens ne se fatiguent nullement et il est difficile de les voir quitter la scène tant leur shoegaze électronique a quelque chose de jouissif et de sombrement rafraichissant.

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La soirée se clôt sur le set d'un poids lourd américain, Jon Spencer Blues Explosion. Bruyant et hautement saturé, le concert séduit les adeptes. Le trio impose sa vision d'un rock'n'roll pour bikers authentique et sale, virile et massif.
Une vision opposée prend place dans la petite salle, simultanément. Le phénomène parisien Moodoïd (formé par le guitariste de Melody's Echo Chamber) y joue ses premières compositions. La maîtrise instrumentale est incontestable. L'atmosphère relève d'une pop psychédélique qui tient globalement la route. Mais le tout est globalement ennuyeux et même prétentieux. Couverts de paillettes dorées sur la partie supérieure du visage, ses membres vont jusqu'à reprendre une chanson du Velvet Underground. Bien heureusement, celle-ci est méconnaissable (et traduite en français). Quant à leurs propres compositions, on peut comprendre pourquoi sur leur premier EP, les voix sont placées en arrière plan, tant leurs paroles sont risibles.

Riche en saveurs et en émotions, ce premier jour s'achève. Et c'est pour le moins fatigué, que le public regagne le parking bondé et embouteillé, comme la plupart des oreilles qui le composent.
artistes
    Filthy Boy
    Speedy Ortiz
    Temples
    Man Or Astroman
    Lee Ranaldo & The Dust
    RY-X
    Slowdive
    The Fall
    Cambodian Space Project
    The Brian Jonestown Massacre
    Southern
    Suuns
    Moodoïd
    The Jon Spencer Blues Explosion
photos du festival