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We Love Green

Paris, du 31 mai au 1er juin 2014

Live-report rédigé par Olivier Kalousdian le 6 juin 2014

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samedi 31
Le parc de Bagatelle fait toujours partie du jardin botanique de la ville de Paris avec le jardin des Serres d'Auteuil, le parc floral de Paris et le jardin de l'école d'horticulture Du Breuil, et We Love Green est toujours le seul festival à avoir le privilège d'y organiser ses rencontres musique/développement durable.

Lors de la conférence de presse organisée le 30 avril dernier au Comptoir Général, l'organisation annonçait la couleur (toujours plus verte) et les innovations de l'édition 2014 : changement de dates, le festival n'étant plus le rendez-vous parisien d'automne clôturant une saison d'été chargée, mais inaugure dorénavant celle-ci en se plaçant un mois avant Solidays. La jauge a été revue à la hausse avec une nouvelle scène, électronique et dédiée aux DJs, pendant que la principale, nommée Indie, voit sa taille et sa capacité augmentées. Les soucis d'écologie et de développement durable sont, eux aussi, revus à la hausse avec une surface de panneaux photovoltaïques capables d'alimenter la grande scène à l'aide de générateurs solaires fabriqués par et pour le festival. Mobiliers et signalétiques sont faits de matériaux recyclés, la restauration bio ne manque pas, le tri et le compostage des déchets sont obligatoires et la sensibilisation du public aux problèmes d'environnement de plus en plus d'actualité... Il est vrai qu'avec le Green Operations Award reçu précédemment, plus question de faire dans la demi-mesure.

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C'est peut-être là que le bât blesse. Avec une météo quasi parfaite le samedi, jour d'ouverture, ce sont des milliers de festivaliers qui se sont déplacés à We Love Green pour profiter du lieu enchanteur, des concerts et du soleil printanier qui s'est largement fait désirer. Après l'édition 2012, un questionnaire avait été envoyé à tous les acheteurs de e-tickets (4500 contacts) pour établir des statistiques sur les pratiques des festivaliers : sur une jauge de 9500 personnes, sur deux jours, on apprenait que les cadres de 25 à 34 ans étaient les plus nombreux, que 90% des festivaliers triaient leurs déchets et 90% du public jugeaient nécessaires qu'un festival s'engage dans le développement durable.
Cette année, la capacité et la billetterie semblent avoir doublées et ce sont plus de 21 000 festivaliers qui se sont donnés rendez-vous sur les pelouses de Bagatelle pendant le week-end, dont plus de 11 500 pour le seul samedi. Seulement, ces pelouses et cet espace ne sont pas extensibles et l'organisation semble avoir été débordée en termes d'accès aux bars, où l'attente dépasse les trente minutes et, surtout, au niveau des toilettes sèches devant lesquels, les filles sont obligées de patienter entre trente et quarante cinq minutes ! Ce qui, après la cohue de l'entrée et parfois plus d'une heure d'attente entre la grille du jardin et la fouille obligatoire, rendra pas mal de festivaliers nerveux et même amers sur leurs commentaires laissés sur la page Facebook de We Love Green.

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En ce samedi, Armel Hemme et Marie Misset de Radio Nova sont sur site dans leur petite tente habillée aux couleurs de la radio. Deux heures et quart avant la fin du monde, leur émission quotidienne laisse place à une émission spéciale We Love Green. Logique, puisque le line-up du jour, voire du week-end, ressemble en tout point à une playlist de radio Nova.
Avec Joakim, le DJ électronicien qui joue sur les cordes du tropical sound, le festival démarre sur les coups de 15h40. Fondateur du label Tigersushi, il tente de faire décoller un public calme et discipliné (on est loin des beuveries du Parc de Saint-Cloud) souvent venu avec des enfants en bas âge (l'entrée est gratuite pour les moins de douze ans), à l'aide de tempos imprégnés de cold wave.

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Vers 17h – et avec vingt à trente minutes d'intermède technique entre chaque set, c'est au tour d'Asgeir l'Islandais de prendre en charge ce public basculé en mode sieste et qui, des premiers rangs jusqu'à loin derrière la console principale, finit de faire goûter les plus petits et se met à onduler sous la mélodie suave et les infra basses du titre King And Cross. Il fallait bien ça après un set mélancolique à souhait et une reprise de Nirvana, Heart Shaped Box pas très convaincante en live malgré la casquette, les ray ban métal et le marcel de camionneur américain, arborés par l'Islandais.

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Une ambiance de fin de journée paresseuse qui va perdurer avec le set de Cat Power, d'habitude plus enjouée en formation classique, mais qui, ce soir, se produira en solo, à la guitare ou au piano. Nouveau look pour la belle canadienne Chan Marshall et tache ardue pour ce petit bout de femme, sans son groupe bien seule au milieu de la scène immense. Le soleil descendant et quelques nuages bourgeonnants vont accompagner des titres en majorité anciens. Répertoire aux textures froissées par les traumas de l'enfance ou les plaies jamais fermées de ses échecs amoureux ; toutes tendances confondues... Un désespoir country folk qui, même parfaitement interprété, impatiente un public champêtre qui se voyait passer là une journée musicale un peu plus joviale.

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Dans un tour du monde musical où l'hémisphère nord est à la fête, les Suédois de Little Dragon conjuguent un patchwork d'influences et de tenues vestimentaires. Avec leur chanteuse d'origine japonaise, Yukimi Nagano, ils ont fait, eux aussi, les belles heures de la programmation des radios branchées parisiennes depuis quelques années avec des titres comme Sunshine ou Ritual Union. Mais, comme souvent pour ces groupes électro pop, les loops et les boites à rythme, même secondées par une batterie, ont du mal à occuper l'espace d'une scène et encore plus celui d'une plaine occupée par des milliers de festivaliers sur qui les mégawatts sonores déversés par les immenses murs d'enceinte semblent bien plats et sans reliefs. Les basses et les rythmes endiablés de la scène électro, où s'enchaînent les DJ, à l'autre bout du jardin de Bagatelle, arrivent parfois à couvrir les sons trop légers de certaines ritournelles de la scène Indie, en ce premier après-midi.

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Il aura fallu patienter jusqu'à 21h50 pour ressentir un premier frisson et entendre un groupe embrasser toute la superficie de la scène principale : London Grammar. Se payant le luxe d'un quatuor à cordes, posté derrière eux, ces Anglais originaires de Nottingham (mais vivant à Londres) qui comptabilisent à peine soixante printemps à eux trois, constituent, sinon la tête d'affiche du festival, au moins le groupe phare de la première journée. En deux années à peine (en partant de leur premier single, Hey Now, sorti en 2012), ce trio est devenu la coqueluche de la scène cataloguée, down tempo et affole les compteurs de vente de disques dans une industrie qui se plaint constamment de la morosité des ventes.
Comme pour nombre de formations récentes populaires, le charisme, la présence et la voix de leur chanteuse Hannah Reid n'y sont certainement pas étrangers. Belle et talentueuse, elle illumine de ses vocalises, très basses pour une chanteuse de son âge, les compositions électro pop graves et planantes de ses deux chevaliers servants, Dot Major et Dan Rothman. En balayant, en un set, leur courte carrière avec des titres comme Hey Now, l'inévitable Wasting My Young Years, mais également le Night Call de Kavinsky à qui ils tiendront à rendre hommage, London Grammar est sans contexte le groupe qui touche, enfin, d'une certaine grâce musicale et d'un final enlevé (Metal & Dust), le public du We Love Green.

Un public qui, en partie contenté d'avoir pu apprécier la tête d'affiche du jour, commence à quitter les lieux ; il est l'heure d'aller coucher bébé. Pour les autres, la scène DJ où officient l'inévitable parisien Pedro Winter ou l'anglais Jackmaster est une piste de danse et un défouloir qui sont les bienvenus dans cette ambiance de festival que France 24 n'hésitera pas à qualifier de « bobo ». Sons binaires et envolées hypnotiques, la discothèque géante de la scène électronique fait concurrence à la très chic soirée Bagatelle Mansion se déroulant au même moment et comme tous les samedis pendant les beaux jours, de l'autre coté du jardin.
A 23h30 et en clôture de journée, côté scène Indie, les Anglais de SBTRKT. Sous cet acronyme imprononçable se cachent, la plupart du temps derrière des masques cérémoniaux, le métis anglais Aaron Jerome et son groupe. Un groupe aux influences jungle et tribales qui joue, ce soir, sous le regard, inquiétant d'un félin gonflable géant, trônant sur le coté de la scène. Comme Darren Bancroft de We Have Band, Aaron Jerome est capable de chanter et de jouer des percussions, debout et sur des pas de danse rappelant les stars de la soul US. Avec les titres Wildfire et Right Thing To Do, SBTRKT donnent du rythme et un peu de folie à une programmation pour le moins paisible et très (trop ?) axée sur la pop et les tempos collant.
Tard, mais beaucoup moins que dans les autres festivals qui se terminent aux alentours des 3 heures du matin, les survivants des onze mille festivaliers du jour regagnent la sortie.

Ce fut une belle journée (la météo des jours précédents laissait présager du pire) dans les Jardins de Bagatelle, mais une journée difficile, pour ne pas dire négative pour une organisation dépassée et aux volontaires, peut-être, en sous-effectifs.
artistes
    SBTRKT
    London Grammar
    Little Dragon
    Cat Power
    Asgeir
    Joakim
    Jackmaster
    Pedro Winter + Riton
    Gerd Janson
    DJ Tennis + Luke Jenner
    The 2 Bears
photos du festival