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This Is Not A Love Song

Nîmes, du 29 au 31 mai 2014

Live-report rédigé par Fantin le 7 juin 2014

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vendredi 30
This Is Not A Love Song saison 2, épisode 2.
On y retourne pour un second jour. Non pas que la veille nous ait laissés sur notre fin, mais bien que cette seconde affiche est toute aussi riche et alléchante.

Pas besoin de mise en bouche, aujourd'hui. On est déjà bien en jambes et les programmateurs l'ont compris. Ainsi, à peine remis des émotions de la veille, on émerge du sommeil de la meilleure des façons. Wooden Shjips jouent sur la scène extérieure, alors qu'alternent nuages et éclaircies. Psychédélique à souhait, le rock progressif 70s du groupe de San Francisco prend sur scène une dimension inattendue. La force des guitares et la puissance de leurs digressions transforment chaque titre en une échappée bruyante et massive, sans pour autant faire fi d'une certaine exigence mélodique. De telles atmosphères trouveraient davantage leur place dans une salle, en fin de soirée. Mais le programme étant chargé comme il l'est, ne faisons pas les difficiles.

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Leur succède, la talentueuse et porteuse d'espoirs chanteuse Courtney Barnett. Alors qu'elle devait se produire avec son groupe, l'australienne se retrouve sur scène avec sa guitare pour seule compagnie (son guitariste est resté bloqué à la frontière anglaise après avoir oublié son passeport, raconte-t-elle entre deux chansons). Ainsi mises à nues, les compositions présentées touchent par leur naïveté et leur douce ironie. Car Courtney raconte en chanson ses expériences personnelles. Qu'elles soient doucement ridicules ou d'une mélancolie des plus sincères, ses talents de compositrice à la croisée du folk et du rock 90s parviennent à rendre chacune des chansons attachantes et brillantes. Alors que sa carrière est à peine entamée, la chanteuse possède déjà une identité musicale de laquelle elle ne se défait pas. Même quand la chanson jouée est une reprise, on retrouve cet esprit qui lui est propre (le Being Around des Lemonheads semble avoir été écrit pour son propre usage). Sans non plus se répéter, elle fait l'exploit de compositions variées. Son titre emblématique Avant Gardener vient clore le set de son phrasé éreinté, qui sonne comme un clin d'oeil à celui du tant regretté Lou Reed.

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Toujours dans la veine nineties (et même dans le sang qui l'a irriguée cette fois), le festival poursuit son cours avec l'entrée sur la même scène de Superchunk. Depuis 25 ans et avec pas moins de dix albums à leur actif, les quatre américains continuent de défendre leur power-pop avec la même vigueur. Et la forme est toujours au rendez-vous. Si le mastering peut décevoir pour un manque de voix conséquent, l'énergie du chanteur et l'efficacité des guitares tendent à le faire oublier. Peu variées mais drôlement plaisantes, les compositions s'enchaînent et le set séduit sans difficulté. Le genre de concert qui trouve parfaitement la place dans un festival, en extérieur.

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Quand la soirée commence et que les salles ouvrent leurs portes. L'ambiance change du tout au tout. On s'apprête à assister à un show plus contemplatif, puisque ouvre le bal les texans de Midlake. Institution du folk moderne et parmi les meilleurs songwriters du genre, ces perfectionnistes appuient la majorité de leur concert sur les morceaux d'Antiphon, dernier album en date. Il faut dire que depuis le départ de l'ex-chanteur et compositeur Tim Smith, la formation est dépourvue d'une guitare acoustique, ce qui restreint le champ des possibles. Mais est-ce vraiment regrettable ? Certes, les fans de la première heure seront déçus de ne pas entendre davantage de titres extraits de leurs deux premiers chefs d'œuvres. Cependant, la qualité sonore et musicale qui se dégage de ce concert est telle qu'il est difficile d'en demander davantage. La guitare électrique libère ses riffs dans une exquise saturation, avec une profondeur remarquable. Même le long interlude instrumental Vale prend sur scène une dimension inattendue.

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Plus énergique et fougueuse, Findlay témoigne simultanément de sa grande assurance sur la scène extérieure. Punk dans l'attitude, pop dans le songwriting, cette jeune anglaise profite de l'excellent son que lui offre le lieu pour révéler sa charismatique identité musicale, sa voix hargneusement délicieuse et son grunge efficace et plaisant. Habillée des lunettes de Kurt Cobain et occasionnellement parée de la guitare emblématique de Ian Curtis, elle parvient à livrer, malgré sa courte expérience, un set d'une heure riche en tubes potentiels (on retient notamment Wolfpack) ou confirmés, comme c'est le cas de Greasy Love. Révélation anglaise du festival, Findlay assure un véritable spectacle devant des spectateurs amassés et nombreux. Bien qu'il ne soit pas des plus innovants, il faut bien reconnaître que son rock, souvent énervé toujours puissant, est des plus excitants. Une vraie découverte.

Bien moins récent mais attisant toujours autant les passions (si ce n'est davantage qu'à l'époque), Neutral Milk Hotel prend place dans la grande salle. Le festival fait décidément la part belle aux revenants des années 90. Il faut dire qu'aucun des concernés n'a perdu de sa superbe. Auteur de deux chefs d'œuvre que personne n'est prêt à oublier, la formation complexe enchaîne les nombreuses compositions restées classiques de son répertoire. La qualité de la performance est indéniable, mais le son n'est, il faut le dire, pas des meilleurs. Est-ce volontaire ? Jeff Mangum sature tout de même sans modération une guitare acoustique folk branché à un ampli pour électrique. Il faut aussi reconnaître la difficulté que doit constituer le mastering d'un concert de Neutral Milk Hotel pour un ingénieur du son. Restituer le son de deux accordéons, de scies musicales, de claviers et de cuivres variés mais aussi les poussées vocales uniques et reconnaissables entre mille du chanteur ne doit pas être chose facile. Dommage, cette richesse unique fait le spectacle. Les membres, dont l'apparence fait d'eux de parfaits prétendants au casting d'un film basé sur une œuvre de Steinbeck, parviennent tout de même à assurer l'un des concerts les plus marquants du festival. Les compositions d' In the Aeroplane Over the Sea n'ont pas vieilli et la set-list est d'une unité sans faille. Les titres s'y enchaînent dans une harmonie remarquable.

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Toujours originaire du continent américain, mais pourtant à des lieues musicales de la troupe précédente, le prodige du rap alternatif et emblème du crew Odd Future, Earl Sweatshirt vient vomir ses punchlines et autres vulgarités sur la scène extérieure. Entre mauvaises blagues (il fait clamer à répétitions I'll fuck the fuckin' freckels of your face, bitch à la fosse) et poésie sombre plus personnelle, son set est fait de morceaux volontairement écourtés, d'une suffisance amusante (on se prend volontiers au jeu du personnage). Les basses sont poussées à leur maximum au service d'une atmosphère des plus sombres, au point qu'à l'avant du public, on peine à entendre les notes de piano de Chum. Le public se prend au jeu et au personnage. Les tubes Burgundy et EARL le font « bouncer ». Pas assez au goût du teenager, dont le concert semble globalement court suite au retard de son entrée en scène.

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Moins violent mais tout aussi sincère, Cat Power joue ce soir en solitaire. Un grand piano à queue occupe la moitié gauche de la scène. Quand elle n'est pas assise au devant, l'américaine accompagne sa voix d'une guitare électrique délicatement saturée. Ses compositions, ainsi mises à nues, charment les fans venus nombreux. S'enchaînent ses nombreuses chansons devenues classiques sous des jeux de lumière minimalistes. Épuré et délicat, le concert met au premier plan la sensibilité de Chan Marshall, pour le plus grand plaisir d'un public admiratif.

Le phénomène anglais Jungle divise, quant à lui, davantage. Avec une abondance de samples faisant d'eux un groupe conceptuel autour des forêts tropicales, les deux anglais et les musiciens qui les accompagnent viennent jouer leurs tubes à la croisée des genres. Qu'on aime ou qu'on aime pas, il faut leur reconnaître une profondeur de son remarquable, une grande richesse dans les arrangements et un professionnalisme sans faille en ce qui concerne leur performance. Une grande partie de l'originalité dont ils font preuve est essentiellement due aux deux percussionnistes qui officient au fond de la scène. Mais il faut reconnaître une certaine pauvreté du songwriting. Passés les deux ou trois premiers titres, on n l'impression d'entendre sans cesse le même tube. Une telle mise en scène pour cette simple playlist de deux morceaux en mode repeat ne rend leur concert que prétentieux.

On pourra se consoler avec une fin de soirée globalement plus virile, d'abord avec les américains de Black Lips. Le garage sixties globalement pop qu'ils jouent ne peine pas à démarrer des pogos massifs au sein du public. Leurs compositions sont clairement taillées pour la scène. Revendiquant un esprit punk (pas des plus marqués dans leurs chansons, malgré l'abondance de guitares saturées), le quatuor d'Atlanta se plaint des lois françaises sur la restriction du volume sonore et joue de plus en plus vite pour élargir la partie mobile de la fosse. Il faut reconnaître que la sauce prend et que l'ambiance est plaisante, bien que les compositions ne soient ni variées, ni originales.

Le garage de Ty Segall, lui ouvertement punk, n'est pas non plus des plus variés. Le californien joue ce soir son répertoire le plus rapide, le plus saturé. Le son est globalement trop aigu et mal dosé. On est vite immergés dans son concert mais aussi vite déçus de n'entendre que ses états d'excitation et d'énervement. Connaissant le talent du bonhomme pour les bricolages lo-fi et autres expérimentations d'une originalité incontestable (comme en témoigne son dernier album en date, Sleeper), on était en droit d'attendre plus qu'une simple setlist de ses titres punk, certes efficaces mais peu variés.

La soirée se termine sur un set du DJ anglais Daniel Avery dont la techno minimaliste est des plus courues dans les clubs de la capitale anglaise. N'étant pas adeptes du genre, on passe notre tour et ainsi s'achèvent pour nous ces deux jours riches en émotions et sans répit. On peut enfin se réjouir qu'un grand festival indie prenne place dans le sud de la France. Le This Is Not A Love Song avec son prix plus qu'abordable, n'a décidément rien à envier au Pitchfork ou aux autres outsiders du paysage festivalier français. On lui souhaite de se faire un nom à l'international comme c'est le cas de La Route du Rock. Mais si ce n'est pas le cas, on sera contents de le conserver dans notre intimité, comme notre petit grand festival à nous.
artistes
    Wooden Shjips
    Courtney Barnett
    Superchunk
    Midlake
    Meridian Brothers
    Findlay
    Ty Segall
    Har Mar Superstar
    Earl Sweatshirt
    Cat Power
    Rodrigo Amarante
    The Black Lips
    Jungle
    Neutral Milk Hotel
    Daniel Avery
photos du festival