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We Love Green

Paris, du 31 mai au 1er juin 2014

Live-report rédigé par Olivier Kalousdian le 9 juin 2014

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dimanche 1er
Le soleil et les familles nombreuses se font plus rares, en ce dimanche 1er juin. Les accès du festival, de l'entrée aux bars en passant par les toilettes, s'en trouvent facilités. Moins compliqué également d'accéder aux stands de restauration bio où le burger Amour fait un carton, ainsi que les Dînettes, ces cantines mobiles servant hot-dogs et pop corn aux saveurs nouvelles et abordables. Mais la star du jour, c'est le cocktail Secousse du Comptoir Général (du nom de sa radio) qui s'exporte pour la première fois hors des murs de la Capitale (même si Bagatelle appartient bien à la ville de Paris) : un mélange de vodka et de jus de fruits de la passion qui rafraîchit, avant de bien enivrer...

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Parfait pour aller écouter le premier artiste programmé ce dimanche, Denai Moore, une autre chanteuse mélancolique anglaise signée sur l'écurie Because Music. Songwriter plébiscitée par des artistes comme Feist, la très jeune britannique d'origine jamaïcaine porte sur elle un chapeau de feutre noir et une timidité inversement proportionnelle à l'étendue de ses vocalises et de ses compositions. Accompagnée de Joe à la batterie et de Kieva aux claviers, elle égrène ses premiers titres qui ont vu de nombreuses fées du folk (Tom Odell, Bon Iver...) lui déclarer leur soutien. The Lake, soutenu au clavier par des sonorités de piano modernes telles qu'on les a entendues jouées par Hannah Reid la veille ou le plus classique Wolves et ses mélodies de cordes acoustiques et de rythmes jazzy balayés sur la caisse claire, bercent doucement la plaine de scène Indie, un peu plus clairsemée que la veille. Ici, les textes priment et les instruments ne sont là que pour souligner leur interprétation. Et si certains y voient là la nouvelle Tracy Chapman, on ne peut que lui souhaiter de continuer à tracer son propre sillon.

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Seuls artistes Français du jour sur la scène Indie, les Parisiens de Moodoïd suivent sur les coups de 17h. Menés par Pablo Padovani (fils du jazzman Jean-Marc Padovani) Moodoïd se sont fait remarquer par leurs textes en Français et leur admiration pour des groupes oubliés de l'époque space rock à la Française, comme Gong. Protégés de Kevin Parker (Tame Impala), les Moodoïd sont assez indéfinissables : Valli, de France Inter, les avait qualifiés de groupe psyché aux accents Mondoïd... Portant à ravir le maquillage futuriste à paillettes et les tenues argentées (merci Roxy Music), le quatuor joue la théâtralisation et le burlesque, dans la mise en scène comme dans les compositions. Je Suis La Montagne, hit rétro futuriste tournant en boucle sur les ondes depuis quelques mois, marquera le vrai départ de cette soirée de clôture de festival.

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De quoi faire émerger d'une certaine torpeur les milliers de personnes de la scène Indie. Car, à 18h30, Earl Sweatshirt (palme du nom le plus surprenant du week-end !) démarre un set d'un tout autre genre, le seul placé sous le signe du rap US. Un rap underground granuleux, rated X aux lyrics très explicites et qui tranche violemment avec le reste de la programmation du festival ! Boucles samplées sur d'anciens vinyles de soul américaine et basses qui font mal, Earl, qui se fera longtemps attendre (en guise de warm-up, Lucas Vercetti, mascotte du collectif Odd Future, prend les platines d'assaut pour combler le vide) porte un sweatshirt jaune à capuche par-dessus la casquette réglementaire.
Très minimaliste sur le plan musical (Chum, au climax de l'instrumentalisation du rappeur, comporte une seule ligne de piano samplée), Earl partage avec nombre de ses acolytes rappeurs, un certain amour de la langue de Shakespeare. Les mots Nigger, Pussy ou Mother Fuckers (Doris), pour ne citer qu'eux, forment le gros de la troupe et n'ont aucun mal à se placer dans le flow sans fraîcheur du rappeur et à se répéter en écho dans la foule, notamment féminine. Quand on connaît l'attachement du public féminin de We Love Green aux combats féministes, justement, il est autorisé de sourire, en coin...

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Le temps d'aller chercher un en cas du côté du stand africain, bercé des sons dubstep du DJ Anglais George Fitzgerald dont le set se déroule à quelques mètres de là, et le groupe Jungle pénètre sur la scène Indie. Ces Londoniens, signés sur XL Recording, démontrent leur talent à mixer plusieurs genres en un seul et ravissent une assistance qui, pour la plupart, découvre ce collectif de sept musiciens aux looks plutôt sombres et rock pour une musique qualifiée de groove futuriste. Le titre Busy Earnin' est un régal et un vrai Prozac versé dans les gobelets en plastique du public qui ne peut s'empêcher de danser sur ce beat soul-groovy bercé de cuivres héroïques.
Habitués des clips bien faits, Jungle font d'un titre minimaliste et au tempo lent (Lucky I Got What I Want) une composition légère comme l'air mais innovante par l'emploi de nappes synthétiques et d'une rythmique blafarde ; les voix, aux flows volontairement irréguliers, marquant seules le beat, à peine relevées de riffs de guitares syncopés. Ce sont peu ou prou les même nappes qui texturent à la perfection le titre The Heat pour trois minutes d'électro soul qui mettent, une fois de plus, les voix du duo anglais au premier plan sur des arrangements exotiques bien trouvés. Un premier album attendu le 14 juillet et une tournée US (avec Beaty Heart en première partie) cet été consacreront certainement le groupe londonien encore assez peu connu en France.

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Si le nombreux public du samedi attendait fébrilement la venue de London Grammar, celui du dimanche – pour les plus jeunes notamment – attend comme un seul homme la venue, exclusive en France, du phénomène néo-zélandais Lorde. Phénomène par le buzz qui l'entoure, le nombre de vues sur Youtube et le retentissement du titre qui l'a faite connaître, Royals. Encore jamais vue sur scène et pour un set complet en France, le public et les paons (qui sont en quasi-liberté dans le jardin) vont pouvoir se faire une idée et juger, si phénomène il y a. Line-up réduit au minimum avec un claviériste et un batteur (dont on se demande l'apport étant donné l'omniprésence de la boîte à rythmes) pour la chanteuse de l'hémisphère sud. Car on l'oublie peut-être, mais Ella Maria Lani Yelich-O'Connor possède d'autres titres à son répertoire que le maints fois repris Royals : Tennis Court, Team ou Glory And Gore...
Lorde compose et écrit avec une certaine aisance des titres à l'acidité certaine. Royals fut un temps dénoncé pour oser critiquer la vie bling-bling de certains artistes, notamment les rappeurs américains et leur débauche de mauvais goût. Avec son large visage au teint très pale et du haut de ses dix-huit ans, Lorde tient avec brio son rôle de méga star naissante, son public et la scène principale en avant-dernière artiste du We Love Green 2014. Toutes ses compositions ne valent pas l'aura portée par sa tête bien faite et leur version live, comme souvent dans les titres électro pop, se retrouvent très affaiblies par manque d'épaisseur et d'arrangements. Mais, quand résonne les premières notes down tempo de Royals, peu résistent au charme de ce titre très bien construit issu du premier album, Pure Heroine. Un autre pavé jeté par la néo-zélandaise fin 2013, en forme de jeu de mot qui n'a pas manqué de faire couler beaucoup d'encre.

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Avec trente minutes de retard sur le programme établi dû à une importante coupure de courant durant l'introduction du set, le seul groupe rock de tout le festival se fait désirer par des milliers de festivaliers dont l'énergie a été trop longtemps contenue durant ces deux jours de mélancolie débordante. Les Foals et leur leader Yannis Philippakis, véritable bête de scène, arrivent au pas de charge après que le générateur (fonctionnant à l'huile de récupération) eut été démarré. Un My Number énergique et groovy, interprété en premier, consolera la totalité du public après ce long intermède technique.
Les cinq d'Oxford ont envie d'en découdre et de rassurer sur leur statut de groupe live. Intenable, Yannis démontre sa relation particulière avec son public en plongeant dans les premiers rangs, disparaissant, pour un moment dans les bras de centaines de fans que le simple contact avec leur idole ravira. Foals osent le mélange des genres et passent d'une ritournelle à tendance électro pop (My Number) à une pure réussite de trash rock avec le titre Inhaler et son refrain tout en saturation de guitares acérées sur une composition qui frise les six minutes et que beaucoup de clips de skaters ont adoptée. De quoi faire chavirer la plaine de la scène Indie.
Les illuminations des lasers de scène atteignent les murs du Château de Bagatelle et zèbrent l'espace d'une scénographie lumière travaillée, pour le plus grand bonheur d'un festival qui commence enfin à y ressembler. Proches de la démarche écologique défendue par We Love Green, même si faire se déplacer des groupes par dizaines pour un si court moment est à chaque fois dispendieux en terme d'empreinte carbone ou de consommation énergétique, le groupe va entraîner le public de Bagatelle jusqu'après minuit.

Là, un service de sécurité dont la sévérité et le professionnalisme sont dignes d'un défilé haute-couture, entre en scène et fait très rapidement partir les centaines de festivaliers encore présents devant la scène Indie et qui, si on le leur avait permis, auraient continué à boire des bières et échanger autour des concerts de la journée. Il est vrai que le Jardin de Bagatelle n'est pas un endroit comme les autres ; des animaux vivent à proximité et les nombreuses espèces botaniques présentes, en ce printemps particulièrement, ont rapidement besoin de retrouver un peu de sérénité et de soins. Il aura d'ailleurs fallu deux éditions quasi parfaites pour que la Mairie de Paris accepte de programmer We Love Green au printemps, date envisagée à l'origine mais d'abord refusée pour des raisons de préservation. Il faut démonter et rendre le lieu dès les premières heures du jour, lundi 2 juin.

Peux de fausses notes (à l'exception d'une organisation débordée le premier jour), des propositions de solutions écologiques en augmentation et un site toujours aussi enchanteur... Malgré une programmation beaucoup trop axée sur la pop électronique (et mélancolique) et un public très discipliné pour un événement qui ne peut être considéré comme un festival de rock (et qui ne le revendique pas), l'édition 2014 fut ensoleillée et même brillante, parfois. Le retour aux navettes et aux pots d'échappement est une cassure très mal vécue, par certains.
Les idéaux et la démarche du We Love Green vont ils modifier certains comportements ou ceux ci resteront ils cantonnés au temps d'un week-end, bucolique ? Couronnes de fleurs dans les cheveux aidant, on laisse sa mauvaise conscience dans sa bagnole garée non loin de là et on se prend, pour un temps, pour un robinson urbain et moderne pour qui l'attente aux toilettes sèches ou les coupures de courant ne sont que les conséquences normales d'un environnement qui a ses limites et qu'il nous faut respecter et arrêter d'épuiser. Sous peine de le voir nous renvoyer à un âge où seuls les troubadours et les ménestrels se produisaient en public... Nous aurons été prévenus !
artistes
    Foals
    Lorde
    Jungle
    Earl Sweatshirt
    Moodoïd
    Denai Moore
    Joy Orbison vs Boddika
    George Fitzgerald
    Lunice
    DJ Spinn vs Taso
    Girls Girls Girls
photos du festival