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Primavera Sound Festival

Barcelone, du 28 au 31 mai 2014

Live-report rédigé par François Freundlich le 12 juin 2014

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Ce vendredi au Primavera Sound Festival nous donne l'occasion d'enfin aller visiter les petites scènes, qui sont évidemment celles où l'on assiste aux meilleurs concerts. Malheureusement, les pires conditions météo en quatorze ans de festival sont de retour pour ce début de soirée.

Comme il fut plaisant de commencer la veille, nous rééditons notre ouverture sur la scène Rayban Unplugged pour un showcase des israéliens de Lola Marsh. Avouons que cet arrêt au stand est autant lié à leur chanteuse Yael Shoshana Cohen qu'à la découverte d'un groupe inconnu. Ce dernier propose un folk bucolique et léger, orné de légère guitare acoustique ou de xylophones. Lola Marsh est porté par la voix toute en déliés de cette chanteuse hippie ensorcelante. On ne s'attendait pas à être autant charmé dès notre arrivée au Parc del Forum...



Nous traversons tout le site alors que les nuages menacent pour assister à la prestation de l'américain John Grant. L'ambiance reste au folk mais bien plus intemporel, fait de compositions écorchées par une voix rocailleuse, déclamant des textes poignants et très personnels. Quand on connaît l'histoire du natif de Denver, élevé dans une famille chrétienne intégriste tout en étant homosexuel, ainsi que d'autres péripéties, on comprend le spleen se dégageant de sa musique. La pluie n'aurait pas pu choisir de meilleur concert pour faire son apparition. Why does it always rain on him ? Elle ajoute au caractère mystique de ces notes de piano mélancoliques. La vision lointaine de John Grant et de son public l'écoutant sous la pluie semble comme hors du temps. Son look bonnet - lunettes de soleil ainsi que son attitude provocante sont plutôt ironiques par rapport à l'ambiance grave. Tout comme ses textes : « I'm the greatest motherfucker that you ever gonna meet » sur GMF. Malheureusement, nous ne sommes plus étanches et courons nous réfugier dans le grand Auditori tel des chats échaudés craignant l'eau froide.

C'est assis dans de confortables sièges que nous ferons sécher nos chaussettes. C'est aussi là que Mick Harvey va rendre un grandiose hommage à Serge Gainsbourg. Quinze ans après avoir publié ces deux albums hommage traduits de anglais à l'un des plus grands songwriters de la chanson française, l'ancien Bad Seed qui a longtemps accompagné Nick Cave, propose des adaptations live avec un orchestre de cordes ainsi qu'un groupe. La voix grave et parlée de l'Australien s'accorde parfaitement à ces reprises prenant une saveur particulière pour les français de l'assistance, en terrain connu mais qui en redécouvrent chaque recoin.
Le son frôle la perfection absolue, comme toujours dans cet auditorium, et nous prenons conscience de la chance de pouvoir écouter ces morceaux dans ces conditions, ce dès l'ouverture sur Requiem Pour Un Con. Nous retiendrons une version de Bonnie & Clyde aux arrangements de violons frissonnants, acclamée comme il se doit par un public en extase qui n'en manque pas une miette. La demoiselle qui l'accompagne reprendra effrontément Harley Davidson mais fera mine de ne pas vouloir accompagner Mick Harvey sur un Je T'aime Moi Non Plus trop suggestif, tandis que le frontman tentera quelque blagues de circonstance. Le Poinçonneur Des Lilas prendra une autre dimension alors que la fin du concert verra s'enchainer un Comic Strip re-samplé et une somptueuse adaptation de Initials B.B. qui méritait bien sa standing-ovation. Mick Harvey nous a donné l'envie de replonger dans l'imposante carrière de Serge Gainsbourg, l'hommage fût beau et vibrant.

Un double arc-en-ciel annonce la fin de la pluie en surplombant intensément la scène Rayban, mais nous filons vers la Pitchfork pour voir ce groupe en pleine ascension : Speedy Ortiz. Les américains vont faire flotter leur rock indé aux guitares rappelant la noise-pop de Sonic Youth ou la lo-fi de Pavement. Les saturations alambiquées sont dédiées à des mélodies aérées par la voix profonde de la chanteuse Sadie Dupuis. Speedy Ortiz peuvent s'évader dans des instrumentaux électrisant portés par une rythmique toujours très présente ou se lover dans une introspection toute féminine comme sur cette excellente composition No Below, qui vaut à elle toute seule de tenter de prononcer leur nom à son entourage pour obtenir un regard dubitatif. Le trio dérive, se rapproche du précipice, mais cette voix à la fois tendue et rêveuse parvient à nous maintenir entre leurs mains. Speedy Ortiz pourraient être les dignes successeurs de l'abrasive scène indépendante américaine des 90's : nous y misons une pièce, Gonzales.

On reste sous le fameux panneau photovoltaïque géant surplombant cette partie du Parc Del Forum, pour rejoindre The Twilight Sad sur la scène Vice. Les écossais, après avoir annoncé qu'ils arrivaient « from bloody Scotland » vont élever un shoegaze limpide et percutant. Le mur de guitares saturées est sans cesse élevé à l'arrière de compositions poignantes avec ce petit coté héroïque qui donnerait presque l'envie de lever le poing. La voix de James Graham s'élève pleine d'espoir, saupoudrant une dose de brit-pop sur un pudding au Bloody Valentine bleuté. Un concert sur cette scène possède forcément une saveur particulière avec la vue sur la mer, les bateaux et le soleil se couchant sous le panneau géant. The Twilight Sad nous font vibrer de l'intérieur : James Graham semble habité, criant de toute son âme à l'avant de la scène sans jamais nous lâcher du regard. L'intensité atteinte a affolé tous les compteurs, davantage que nombre de têtes d'affiche sur leurs scènes géantes.

Nous évitons toujours ces dernières pour rejoindre la scène ATP où Sharon Van Etten revient deux ans après sa prestation solo en plein après-midi. Elle est cette fois accompagnée de son groupe, composé entre autres de Heather Woods Broderick aux chœurs. Elle choisit de livrer un set intimiste pour proposer, dixit la New-Yorkaise, exactement l'inverse de la prestation de Slowdive qui joue en même temps. Sharon Van Etten campera donc dans un folk électrique que l'on aurait aimé voir s'énerver davantage puisque qu'un tel set aurait été plus adapté dans des conditions intimistes. La dualité parfaite entre Sharon et Heather transparait même au travers de cette grande scène et le mélange de leurs deux voix est à se rouler par terre de plaisir. Son attitude est quelque peu bizarre, découlant peut-être du fait qu'elle se soit excusée d'avoir dit que l'endroit était très laid, deux ans auparavant : une blague apparemment mal comprise. Lorsqu'elle s'installe derrière son piano, l'ambiance se fait vaporeuse, presque jazzy comme sur Nothing Will Change. On préfèrera les passages durant lesquels elle se saisit de sa guitare, comme sur Serpents, titre phare faisant toujours son petit effet. L'émouvante Sharon Van Etten est parvenue à nous calmer avant de rejoindre le second festival, celui avec accès VIP.

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Car il y a bien deux Primavera en un seul festival : celui des petites et moyennes scènes et celui des têtes d'affiche où il vaut mieux avoir sorti le papier de sa poche. Mais un fan des Pixies ne se formalise plus des problèmes financiers des groupes et festivals, il vient prendre sa dose de Pixies. Les trois vétérans se lancent, ils possèdent toujours LE son, celui qui délie les oreilles et déchaine les membres. En fermant les yeux on tente d'imaginer Kim Deal, aperçue l'an dernier avec The Breeders dans la salle de l'Apollo, mais c'est bien Paz Lenchantin qui tient la basse. Avec son sourire aux lèvres et ses chœurs s'accordant parfaitement, on peut dire que la nouvelle fait bien plus que le job : elle s'intègre au groupe. Ce qui ne doit pas être facile avec Franck Black, Joey Santiago et David Lovering.
On vibre tout autant que lors de la reformation au Zénith de Paris il y a maintenant dix ans. La guitare sombre de Velouria, les « so long » repris par le public sur la dansante Here Comes Your Man, les sauts de puce sur l'exquise Hey!, le défoulement sur Debaser. On ne cache pas sa joie, sauf peut-être sur les titres d'Indie Cindy qui nous ramèneront au sol en s'exclamant « ah, c'est un nouveau titre ». On attend et puis Crack Crack Crackity Jones ! On attend et puis Gouge Away, dont l'introduction sera accueillie par une étoile filante géante au-dessus de la mer, scène surréaliste. Un Vamos a jugar por la playa repris par le public et une communion sur les choeurs de Where Is My Mind ? pour finir le concert dans l'extase d'un titre générationnel. Que demander de plus ? Kim Deal.

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On reste dans les parages pour le concert de The National sur la Sony stage. Les New-Yorkais vont inonder le Primavera de leur rock sombre et tourmenté à l'avant d'un écran géant les illuminant de vidéos abstraites parfois inutiles. On a du mal à imaginer The National en tête d'affiche lorsqu'on les a connus dans de minuscules clubs de 200 personnes et on préférerait pouvoir mieux apercevoir Matt Berninger se déchainer dans ses danses épileptiques. La part belle est faite aux morceaux de leur dernier album Trouble Will Find Me mais nos sentiments sont davantage touchés sur d'anciens titres de Boxer, Alligator, ou même de High Violet.
Le premier enchainement Mistaken For Strangers et Bloodbuzz Ohio nous fait pleinement ressentir l'énergie qui se dégage de ce groupe si spécial, à l'intensité s'accumulant progressivement pour exploser rythmiquement sur les assauts vocaux de Matt Berninger. La puissante et électrisante Abel nous donnera l'occasion de nous élever dans les airs. Justin Vernon (Bon Iver, présent avec Volcan Choir) rejoindra le groupe pour éclairer de ses chœurs la lumineuse Slow Show, avant que England ne nous fende à nouveau le cœur. Après un Fake Empire tout en esquisse, le concert se terminera dans la pure folie avec la présence de Hamilton Leithauser et Paul Maroon (The Walkmen) sur une version jubilatoire de Mr November qui reste toujours un très grand moment. Tout ce beau monde enchainera sur Terrible Love, en terminant dans la fosse avec des fans aux anges. C'était peut-être trop grand et nous sommes un brin nostalgique mais The National ont su devenir un grand groupe tout en conservant intégrité scénique et sa classe.

Pour finir cette journée, nous attendons ce groupe qui nous avait explosé en pleine figure en 2013 : les australiens de Jagwar Ma. La RayBan Stage est prête à vibrer sous les assauts de leur set tourné vers l'électro, avec quelques résonances psychédéliques bien senties. Le trio proposera sont fameux tube Uncertainty dès l'entame du concert, nous offrons nos dernières forces à ces synthés qu'on a tant écoutés ces derniers mois. La voix de Gabriel Winterfield, tout de blanc vêtu, est parfois bancale ou fausse mais possède ce grain de folie juvénile grunge nous faisant oublier des versions studios perfectionnistes. On pensait que la guitare allait s'énerver un peu plus mais elle reste en retrait des sonorités électroniques, maître mot des Jagwar Ma. Le concert s'achèvera avec une invité : la batteuse de Warpaint, Stella Mogzawa, venant apporter sa force acoustique à l'édifice et s'en donnant à cœur joie derrière les fûts sur l'entêtante Come Save Me. Ces Jagwar Ma ont de la ressource, clôturant idéalement cette journée de Primavera riche en émotions.

Pour cette troisième journée sur le Parc Del Forum, nous avons voyagé un peu plus entre les scènes à la recherche du petit groupe aiguisé pour nous faire chavirer. On en a trouvé plusieurs avec The Twilight Sad, Speedy Ortiz, John Grant ou Jagwar Ma. Mais les têtes d'affiche n'ont pas été oubliées, la plus belle était sans conteste Mick Harvey et son hommage à Gainsbourg. Quand aux Pixies et à The National ils ont su mettre en valeur leur meilleurs titres devant une foule immense.
artistes
    Modelo de Respuesta Polar
    Coriolá
    La Sera
    Majical Cloudz
    Julia Holter
    John Wizards
    Mas Ysa
    Oso Leone
    León Benavente
    Yamantaka // Sonic Titan
    The Last 3 Lines
    Murciano Total
    SEÑORES
    Astro
    Anímic
    John Grant
    Drive-By Truckers
    M a j e s t a d
    The Wedding Present
    Loop
    Mick Harvey performs Serge Gainsbourg
    Refree
    Joana Serrat
    Folavril
    Body/Head
    Haim
    Kokoshca
    Dr. John and The Nite Trippers
    Speedy Ortiz
    Templeton
    Hamilton Leithauser
    FKA Twigs
    Pional
    Sharon Van Etten
    The Twilight Sad
    Slowdive
    Angel Molina
    The War On Drugs
    Pixies
    Lee Ranaldo And The Dust
    Wolf Eyes
    Slint
    Astro
    The Growlers
    Dj Fra
    Prurient
    The National
    Deafheaven
    The Haxan Cloak
    Kvelertak
    Oso Leone
    Dominick Fernow
    Darkside
    !!! (chk chk chk)
    Jesu
    SBTRKT
    Demdike Stare
    Dj Zero
    Factory Floor
    Jagwar Ma
    Pional
    Laurent Garnier
    Wolf Eyes
    Vatican Shadow