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Primavera Sound Festival

Barcelone, du 28 au 31 mai 2014

Live-report rédigé par François Freundlich le 20 juin 2014

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La Ultima Entrada sur le Parc del Forum est toujours un moment d'emoción, avec ce petit pincement au cœur nous rappelant qu'il va falloir attendre un an avant de revoir ce festival unique en son genre. Raison de plus pour en profiter le maximum, en y restant jusqu'au lever du soleil avec le fameux DJ Coco en point de mire, pour une fête de clôture inoubliable.

Nous débutons tranquillement sur la petite scène Vice avec les New-Yorkais de La Sera, formés sur les bases des Vivian Girls et amenés très certainement à les remplacer vu la séparation récente de ces derniers. Malgré la pluie, La Sera vont apporter une dose de soleil dans nos oreilles avec un surf rock punchy et entrainant. Leur indie pop un brin girly est portée par la voix sulfureuse de Katy Goodman faisant remuer ses cheveux roux sur sa frange revêche. Sa bonne humeur est contagieuse, on se sent obligé de remuer la tête au son de ces refrains faciles rappelant Best Coast mais sans le coté west coast. Leur petite teinte punky ressort d'une rythmique rapide et des chœurs dissonant de la bassiste sur Losing To The Dark. La Sera ont réussi à faire revenir le soleil sur le Primavera, ce qui n'était vraiment pas gagné cette année.

On s'installe dans les gradins de la scène Rayban pour le début du concert des Canadiens de Islands. Nicolas Thorburn risque d'avoir du travail entre cette tournée et la reformation de son ancien groupe The Unicorns, avec Alden Penner. Dans la lignée des groupes d'après-midi qui collent le sourire aux lèvres, la pop enivrante d'Islands s'élève dans des refrains possédant ce coté intemporel et légèrement grandiloquent. Le tout semble toutefois comme bricolé au fond d'un garage, avec des compositions à la fois simples mais redoutables d'efficacité. On pense bien sûr à The Unicorns, dans une version certes plus électrique et élancée, même si Thorburn conserve ce phrasé parlé. Il s'envole moins dans le lyrisme comme à l'époque du premier album Return To The Sea mais semble s'approcher d'un son plus brut et écorché. La loi des festivals fait que nous rejoignons la scène Pitchfork pour voir l'attraction du soir, le seul concert qui aura su réunir les mélomanes aux goûts les plus éloignés.

Ils se sont tous retrouvés pour Courtney Barnett et son folk rock psychédélique à fleur de peau. Sous ses faux airs de Kim Deal (jeune), l'australienne élance sa guitare dans des excitations Velvetiennes avec une voix parlée grave rappelant Nico. Sa guitare légèrement déglinguée se voit maltraitée dans des instrumentaux où Courtney Barnett se recroqueville sur elle-même, insufflant un sentiment de fraicheur et de nouveauté dans ses sonorités. Elle est accompagnée d'une section rythmique masculine qu'elle dirige allègrement, le trio évoluant en parfaite cohésion. On se met à planer complètement sur Avant Gardener, en espérant que les chansons s'enchainent sans jamais s'arrêter pour prolonger ce moment d'allégresse. Et de baisse de tempo il n'y aura pas puisque la belle Courtney semble vouloir effacer de nos mémoires tout ce qu'on a pu voir ce week-end en déclamant son History Eraser tout en se baladant sur toute la scène. Prenez garde Tame Impala, la gauchère incarne le renouveau de la scène Australienne et risque bien vite de faire parler d'elle si l'on en croit cette performance de haut-vol !

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Nous investissons la grande scène Sony pour tenter d'apercevoir les légendaires Television, reformés pour interpréter l'intégralité de leur mythique album Marquee Moon. Les soixantenaires New-Yorkais seront-ils toujours à la hauteur ? La réponse s'obtient dès les premières notes du concert qui nous catapulte directement dans les années 70 avec ce son de guitare fragile et rêveur, montant et descendant sans cesse dans des crescendos donnant l'envie de s'asseoir et de profiter. La voix a quelque peu vieilli mais on ne peut être punk dans les 70's et se retrouver avec des cordes vocales intactes en 2014. Elle possède malgré tout cette majesté, ce charme et avant tout cette expérience qui enterre bien d'autres groupes de par son intensité. Le soleil Barcelonais donne pile sur le quatuor et la vue du Primavera au son du morceau Marquee Moon et son fameux refrain de guitare resteront très longtemps dans notre esprit comme l'un des moments les plus marquants du festival. Ce titre marathon sera exécuté dans son intégralité, frôlant le quart d'heure d'extase absolue, chose qui arrive rarement en regardant habituellement la télévision. L'instrumental final nous collera un sourire jusqu'aux oreilles, les papys de Television étaient au rendez-vous lunaire. Trente-sept ans après : rien n'a vieilli.

Mais ce samedi sera le groupe des chanteuses ou ne le sera pas. Nous avons pris un autre rendez-vous à l'autre bout du festival avec Hospitality, encore des New-Yorkais. Nous restons fidèles à la Big Apple avec l'indie pop légère et ombragée du trio mené par Amber Papini. Son single Friends Of Friends nous avait attirés jusque là, le reste nous fera rester et frétiller les orteils. Le son est bien plus lisse que lors des précédents concerts, un peu plus redondant également, mais les compositions portées par quelques claviers vintage et une basse Höfner roulante à la McCartney sont suffisamment enjouées et fun pour nous séduire. Nous répondons volontiers à l'hospitalité de la scène Vice pour cette découverte guillerette.

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La suite est moins glorieuse, puisque attirés sur les grandes scènes par la présence de Justin Vernon (Bon Iver) et son autre groupe Volcano Choir nous voilà repartis à l'assaut de la traversée du Forum. Malheureusement le concert s'avère plutôt catastrophique, noyés sous des basses mollassonnes. La subtilité née du dosage entre folk et post-rock, que l'on connaissait de Volcano Choir, n'est absolument pas au rendez-vous, d'autant plus que la voix de Justin Vernon, habituellement magnifique sans artifices, est noyée sous un déluge de vocodeurs inutiles. On ne s'étonne plus que l'américain collabore avec James Blake sur son prochain album, puisque la musique de Volcano Choir se rapproche grandement du son de l'anglais mais sans réussir à nous toucher. Inutile d'insister, nous sommes en festival et il n'y a qu'à changer de scène.

Les Montréalais de Godspeed You! Black Emperor ont déjà débuté leur set de deux heures, allumant la flamme du post-rock abrasif dans le noir total. Comme il est compliqué de s'approcher et que l'on ne voit rien, autant s'allonger et regarder les étoiles en écoutant leur performance, luxe qu'il ne sera pas possible de réaliser une multitude de fois. Le son est d'une amplitude stratosphérique, débutant dans des clameurs graveleuse pour s'achever dans des crescendos explosifs et fous. Guitares, xylophones, violons, violoncelles et foultitude d'instruments se rejoignent, tantôt joués comme au coin du feu, tantôt puissamment comme dans un stade. Toute tentative de description est vaine, le set se vit dans les veines, entre concentration et détachement, en profitant pleinement de ces déliés instrumentaux qui ne s'achèvent jamais. Les membres sont reposés, les oreilles moins, on peut aborder la dernière ligne droite.

Contraints et forcés d'oublier le concert des Buzzcocks jouant sur une petite scène à la jauge limitée à 500 personnes (un comble pour un tel groupe), on repart au pas de course vers la scène Vice pour s'enflammer au son des kids effrontés de Cleveland : Cloud Nothings. Le quatuor abrasif déploie son indie punk, semblant enchainer des tubes à nous faire rebondir le plus rapidement possible au son de cette batterie tonitruante. Cloud Nothings pourraient être le groupe de festival parfait, l'ultime moyen de se défouler, avec cette électricité dans l'air poussant le public à s'unir comme un seul homme. L'enchainement de l'irrésistible Stay Useless avec l'intense Fall In, nous fera encore plus crier ces refrains en levant les bras vers Dylan Baldi qui n'est pas en reste pour déclamer ses textes comme un enragé. Les Cloud Nothings enflammeront encore plus le public bouillant de la salle de l'Apollo lors d'un concert mémorable le lendemain. Ces nouveaux Weezer sont en pleine phase ascendante !

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Faisons un détour par la scène Pitchfork pour assister à une partie du show des Blood Orange. L'ancien Lightspeed Champion, Dev Hynes, est accompagné d'une multitude d'acolytes : choristes, percussionnistes, cuivres, guitares et section rythmique. L'anglais nous enivre de sa voix chaude et soul, enchainant des solos de guitare comme une bête de scène. Le rythme funky imposé par la basse rend les compositions dansantes au possible alors que les deux demoiselles réchauffent l'ambiance de leurs chœurs subtils. Les solos de saxophone ajoutent ce petit coté 80's faisant parfois penser à Prince. Le show s'enflamme dans une certaine classe tandis que les musiciens enchainent les performances, ou les tubes comme You're Not Good Enough. On terminera dans un instrumental débridé ponctué de solos terribles avant de migrer à nouveau vers les grandes scènes.

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La tête d'affiche du soir est attendue comme le messie par nombre de ses fans croisés depuis le début de la soirée avec des tshirts à leur effigie. Trent Reznor et son groupe Nine Inch Nails vont livrer le son le plus lourd des trois jours avec des guitares transperçantes et assourdissantes devant un lightshow stroboscopique. La grosse machine du rock industriel est en route et Reznor domine son sujet comme un roi des dragons au milieu de son peuple. Les boucles électriques insistent et s'imposent dans des crescendos saignants. Les passages plus calmes nous offrent quelques moments de répit, l'homme au marcel viendra nous fredonner quelques mots à l'avant scène avec sa voix calsme mais si puissante comme sur Piggy. Les solos de guitare et de batterie sont légions, aussi sombres et caverneux dans les ambiances que lumineux dans les visuels. Les échos nous entourent et la terre tremble sous le poids des américains. L'expression « In your face » n'a jamais été aussi appropriée. La foule scandera les passages cultes comme « I wanna fuck you like an animal » sur Closer. Des synthés ajoutent la touche 80's à la production très bruitiste. Reznor nous achèvera en clôturant par la bouleversante Hurt, qui avait été reprise magnifiquement par Johnny Cash avant sa disparition. Considérons nos oreilles comme désinfectées.

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On enchaine les têtes d'affiche puisque c'est au tour des anglais de Foals d'entrer sur la scène Heineken. Pour un fan qui n'a pas vu le groupe depuis très longtemps, on ne peut que constater le changement radical dans les live du groupe depuis le premier album Antidotes, presque totalement oublié ce soir. On ne retrouve pas le son qui nous avait tellement retournés à l'époque mais on en découvre un nouveau, en forme de machine de guerre pour pop de stade. Yannis Philippakis assume complètement son statut de leader charismatique en se livrant totalement, en véritable pile électrique qui finira par un crowdsurfing avant de faire le tour du public en courant. Les entêtantes Total Life Forever et My Number lancent idéalement le concert, la légère guitare math-rock étant adoucie par les quelques chœurs aiguës repris par la foule. Spanish Sahara prendra la forme d'une longue respiration au milieu du concert, dans un pont atmosphérique en crescendo d'une grande intensité. Les guitares heavy reprendront le dessus sur Inhaler avec ce refrain un brin putassier suivi du cri transperçant de Yannis. Foals sont devenus de parfaits showmens et leur prestation impeccable et surprenante le confirme, même si on reste nostalgique des Cassius et autres The French Open semblant déjà appartenir à un autre temps.

Le coup de mou se fait grandement sentir, mais nous rejoignons tout de même la scène ATP pour les festifs Cut Copy qui ont inscrit leur slogan « Free you mind » à l'arrière de la scène. Les australiens font dans la synth-pop teintée d'electronica et de beats vibrants. Le chanteur incite le public à répéter des phrases d'accroche faciles de sa voix grave rappelant Dave Gahan. Les festivaliers brandissent des bambous arrachés dans le mini-champ présent au milieu du festival et le concert revêt un aspect végétal-dancing non négligeable. Leur tube Heart On Fire enflamme les cœurs avec ses blips synthétiques et cosmiques mais Cut Copy resteront néanmoins dans le même registre et l'ennui se fera sentir. Ou était-ce l'impatience du set de notre héros DJ Coco ?

Le Primavera Sound Festival 2014 se termine comme chaque année en apothéose sur la scène Rayban avec le DJ résident, le grand DJ Coco. L'espagnol enchainera les tubes, de New Order à Michael Jackson en passant par Human League ou Daft Punk. On se retrouve entre amis pour terminer cette semaine comme il se doit, dans la danse et la fête la plus totale. Les confettis exploseront pendant We Are Your Friends de Justice et Simian, nous recouvrant de cotillons. Le dernier conseil de DJ Coco pour l'année, alors que le soleil est déjà levé, sera Journey avec Don't Stop Believing. On n'arrêtera pas d'y croire jusu'à l'an prochain, Gracias !

Cette quatorzième édition du Primvera Sound fût d'excellente facture avec une fréquentation en hausse si l'on en croit la foule devant les deux grandes scènes transformées malheureusement en zones prioritaires pour VIP. On se souviendra des concerts de Warpaint, Arcade Fire, Mick Harvey ou encore Courtney Barnett. Un retour aux sources qui ferait plaisir est-il au programme de la quinzième édition ? Peut-être pas, mais on y sera !
artistes
    Nine Inch Nails
    Kendrick Lamar
    Volcano Choir
    Caetano Veloso
    Mogwai
    Television performing Marquee Moon
    Godspeed You! Black Emperor
    Foals
    Cut Copy
    Superchunk
    Seun Kuti & Egypt 80
    Kronos Quartet
    Blood Orange
    Spoon
    Black Lips
    Jonathan Wilson
    Chromeo
    Ty Segall
    the Mark Eitzel Ordeal
    Islands
    the Dismemberment Plan
    Mishima
    Earl Sweatshirt
    Teho Teardo & Blixa Bargeld
    Daniel Avery
    Sílvia Pérez Cruz & Raül Fernández
    DJ Coco
    Zai
    Courtney Barnett
    Connan Mockasin
    Boogarins
    Cloud Nothings
    Dum Dum Girls
    Hospitality
    Cold Cave
    La Sera
    Belako
    Hebronix
    Helen Love
    Jupiter Lion
    Genius Of Time
    Univers
    Mistakes Are Ok b2b Mattis With
    Junkfood
    Marc Piñol
    Dani Baughman