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Main Square Festival

Arras, du 3 au 6 juillet 2014

Live-report rédigé par Xavier Turlot le 15 juillet 2014

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En ce troisième jour de festival, les portes ouvrent plus tôt, et après la prestation d'un groupe lillois vainqueur de tremplin, Anorexic Sumotori, qui vient jouer dès 15h pour mettre les spectateurs en bouche avec un rock musclé, c'est au tour du français Yodelice d'enflammer la citadelle.

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Chauffeur de salle né, le chanteur au chapeau sait communiquer avec le public qu'il se mettra vite dans la poche malgré l'heure précoce. La belle Time issue de son dernier album Square Eyes trouve preneurs, comme l'entraînante Fade Away qu'il fait chanter sans modération à la foule. Les morceaux qu'il enchaîne pourraient servir de BO à un western ou un road trip dans l'ouest américain, entre blues rock puissant et ballades introspectives. Un synthétiseur utilisé avec parcimonie vient parfois moderniser telle ou telle ligne mélodique, puis Yodelice attrape une guitare acoustique en forme de tête de mort et introduit une chanson en expliquant qu'elle n'a que trois accords et qu'elle a changé sa vie. Il s'agit de Sunday With A Flu, la plus célèbre de ses ballades qui sera reprise à l'unisson. La simplicité et l'efficacité de ce morceau sont totales, et la bonne humeur qu'il dégage fait vite oublier les nuages noirs qui s'amoncellent au-dessus de nous. Le français est également un guitariste émérite qui aura plus d'une occasion de faire crier sa Gibson sur des solos bien construits et élégants.

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Après les chuchotements sirupeux d'Alec Benjamin sur la Greenroom vient le tour du John Butler Trio. A la cool comme il se doit, le guitariste arrive avec un bassiste et un batteur, sur une scène qui d'un coup paraît beaucoup plus grande. Virtuose sur guitare acoustique, il attaque par Don't Wanna See You Face, un single bluegrass entraînant qui dépayse vite, puis enchaîne avec une courte improvisation sur banjo à un tempo endiablé qui met les points sur les i en ce qui concerne son niveau de jeu. John Butler possède une fanbase indéfectible qui restera coite devant un Pickapart joué au bottleneck et rythmé sur la caisse de sa douze cordes. Le bassiste troque parfois son instrument pour attraper une contrebasse, John Butler prendra quant à lui une guitare électrique pour un court instant, provoquant quelques émois quand il retirera sa veste puis assurera seul une improvisation d'une dizaine de minutes sur le thème de Ocean. Pour ceux qui n'accrocheront pas au grain de sa voix, ce sera l'occasion de voyager très loin du Nord-Pas-de-Calais, avec de nombreuses alternances entre quiétude et énergie.

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On peut à peine attraper quelques envolées de soul proférées par Allen Stone de l'autre côté de l'enceinte qu'il est temps pour MGMT de reprendre le flambeau devant une masse toujours grandissante de spectateurs. Les superstars auteurs du génial Oracular Spectacular ont déjà perdu quelques plumes avec un Congratulations sans électronique et surtout un album éponyme totalement provoquant sorti l'année dernière. Les deux New-Yorkais sont accompagnés de quatre autres musiciens sur scène, et pourtant dès l'entame de Congratulations on sent venir la mauvaise expérience. Andrew VanWyngarden murmure des phrases à peine audibles sur une instrumentation molle et mal balancée ; la dernière idée à avoir était de la présenter en début de concert. Les choses s'améliorent un instant avec un Time To Pretend de la grande époque, puis c'est la dégringolade avec Cool Song No.2, morceau dissonant et difforme qui est déjà compliqué à écouter chez soi mais qui, sur une scène de cette dimension, devient juste très mauvais. Même constat sur Flash Delirium, et ni le chanteur ni aucun musicien ne prend la peine d'adresser le moindre mot au public qui commence à se demander si le show va démarrer. De plus en plus de festivaliers quittent le devant de la scène, et même la belle Youth ne retient plus l'attention. Il faudra attendre Electric Feel, elle aussi largement sabotée par une absence totale de motivation, pour entendre les premiers francs applaudissements venus récompenser une chanson qui a sept ans. Un passage instrumental se termine lamentablement quand deux musiciens se mettent à discuter ensemble puis arrêtent un arpégiateur comme s'il les empêchait de s'entendre. Le public ne comprend même pas qu'il s'agit de la fin d'un morceau.
Dans une ultime tentative de redresser la barre, le groupe entame un Kids qui évidemment réveille instantanément le public amorphe, heureux d'obtenir ce qu'il attendait depuis trois quarts d'heure. Après avoir assuré son couplet quasiment inaudible, le chanteur joue avec une caméra sur la très longue et pas très inspirée improvisation électronique du milieu, puis entame Alien Days, un bon single agrémenté d'une animation vidée complètement folle d'écrevisse anthropomorphe qui vient conclure l'heure d'images psychédéliques qui nous ont arraché les yeux. A voir ce concert on constate que MGMT est un groupe de génie qui se fiche totalement d'exploiter commercialement son talent. Ayant toujours refusé de donner un successeur à leur coup de maître de 2007, ils ont pris des voies dangereuses qui, qu'on les aime ou non, ne peuvent pas trouver leur place sur une scène aussi grande. Les murmures du leader, une batterie jouée du bout des doigts et les bidouillages maladroits de synthétiseurs n'ont pu faire décoller le show à aucun moment.

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Peu avant 20 heures, une averse torrentielle s'abat sur Arras durant une vingtaine de minutes, et il est inutile de chercher un endroit où s'abriter. Le déluge express crée d'immenses flaques sur le terrain rocailleux accidenté et transforme le sol devant la Greenroom en matelas détrempé d'humus. Le froid et le vent sont également de la partie et mettent l'entrain des festivaliers à rude épreuve. Cocasse coïncidence car c'est Jack Johnson, chanteur de surf folk du coin du feu sur la plage, qui est en charge de la suite des événements. Le très prolixe Hawaiien débarque un énorme sourire aux lèvres, amusé de devoir revigorer des troupes affaiblies par une météo odieuse. La première chanson, Flake, est tirée de son premier album dont la pochette le montre sous une pluie battante, il n'y a pas de hasard. Une batterie en retenue, une basse et un piano joué avec parcimonie accompagneront ses ballades bucoliques une heure durant. Jack Johnson attrape une guitare électrique, tape deux ou trois courts solos, son claviériste tâte d'un mélodica, pousse le chant sur un couplet et suscite l'admiration des fans, tout le set se déroule dans une bonne humeur communicative qui nous aide à sécher plus vite. Un peu de reggae par ci, un tube qui rappelle un vieil été par là, l'Américain irradie sa détente avec naturel et nous laisse nous diriger au bout d'une heure vers une autre formation qui œuvre dans un registre bien différent.

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Les Mancuniens de The 1975 débarquent sur scène acclamés par une flopée de fans (essentiellement des filles). Le leader, Matthew Healy, a un charisme de rockstar suffisante et perchée avec sa coupe de cheveux années 1980, son slim troué et son blouson de cuir, les cigarettes qu'il s'allume entre deux chansons et la bouteille de vin qu'il sirote. Il aimante constamment l'attention et ne tient pas deux secondes en place, vivant chaque chanson à fond comme si sa vie en dépendait. Le batteur martyrise sa caisse claire et lui donne un grain kitsch de power pop pendant que le guitariste alterne entre riffs de funk nerveux et lentes mélopées façon slows.
Les fans chantent les morceaux de A à Z avec Healy, comblées par son jeu de scène et copieusement remerciées par leur héros. La cohue passe à la vitesse supérieure quand arrive Settle Down, taillé pour le déhanchement avec ses lignes de guitare ultra travaillées qu'Adam Hann passe au taping l'air de rien. Les tubes taillés pour les charts s'enchainent : Heart Out, Pressure, puis les excellents Robbers et Girls. L'esthétique mélancolico-dramatique ne doit pas avoir que des admirateurs, c'est sûr, mais quand on voit la passion dispensée, il est au final dur de décrocher. Le chanteur va aider le batteur à remettre une pièce en place avant même l'arrivée du technicien, pour ensuite conclure par le single Sex, devant un public qui résiste avec peine à l'appel de Stromae.

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Le show impeccablement calé et à la mise en scène sur-travaillée n'auront pas réussi à empêcher les fans des Foals de remplir leur devoir. Il faut éviter de se faire piéger trop loin dans l'attroupement monstre, rester sur la bordure extérieure droite pour s'extirper le moment voulu afin de voir le dernier show des Anglais en France avant un long moment. Les cinq Londoniens entament sous les ovations le prélude de leur dernier album, qu'ils font lentement monter jusqu'à l'explosion qui amène les harmoniques astucieuses d'Olympic Airways. Le son est fort, bon et bien balancé ; les maîtres absolus du math-rock n'ont pas de challenger, et après un My Number repris par tout le monde, c'est sur Providence que le dérapage sonique va voir lieu. Un passage instrumental d'une brutalité totale va déclencher spontanément un mini circle pit qui provoquera quelques frayeurs, avant que Philippakis se lance dans un slam. On est à la quatrième chanson et le groupe a déjà embrayé la vitesse supérieure, et visiblement personne n'en attendait tant.
Le batteur est aussi impeccable qu'à son habitude, jouant avec dextérité ses rythmiques jamais basiques, quand Philippakis cale tous les solos à la perfection entre deux phases vocales parfaitement gérées. L'accalmie de Spanish Sahara envoûte, Red Socks Pugie rappelle de bons souvenirs puis vient le massacre d'Inhaler, dont l'énergie destructrice est décuplée sur scène. Le batteur quitte un moment ses fûts, harangue la foule, puis Philippakis retourne dans le public se faire porter au grand dam de la sécurité, jette de l'eau sur les premières rangées, remercie tout le monde pour le moment passé ensemble. Le solo stylé de Late Night nous renvoie ensuite à Two Steps, Twice, lequel servira de prétexte à une énorme démonstration instrumentale, avec une montée exagérément prolongée jusqu'à un nouvel épisode de franche folie. Jamais une heure n'était passée aussi vite.

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De l'autre côté du site, c'est l'Allemand Paul Kalkbrenner qui s'est installé derrière sa console, surplombé par des vidéos de potentiomètres géants et des animations de paysages stylisés hypnotiques. Le volume est réglé au niveau délirant de Skrillex et le beat binaire fait trembler toute la citadelle jusqu'au trognon. Les nappes électroniques transforment le lieu en un gigantesque dancefloor où les mélomanes éparpillés sont comme prosternés face au DJ qui trône au-dessus d'eux, inatteignable. Peu de pauses pour souffler dans ce set qui aurait pu durer cinq ou six heures sans que l'on ne s'en aperçoive vraiment.

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C'est au duo Disclosure composé des frères Lawrence que revient la tâche de conclure la longue journée de musique. Les Anglais ont su acquérir une masse monstrueuse d'admirateurs, venus se trémousser sur la house rehaussée de samples de voix en veux-tu en voilà, chantant eux-mêmes à l'occasion, entre une ligne de basse et un coup de tam-tam. Le paquet est encore mis sur les vidéos, avec des galaxies emprisonnées dans des diamants et toute une ribambelle de formes abstraites venues transformer ce qui était un terrain de foot en club londonien.
artistes
    PAUL KALKBRENNER
    STROMAE
    JACK JOHNSON
    MGMT
    JOHN BUTLER TRIO
    YODELICE
    DISCLOSURE
    FOALS
    THE 1975
    ALLEN STONE
    ARSENAL
    ALEC BENJAMIN
    ANOREXIC SUMOTORI
photos du festival