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Main Square Festival

Arras, du 3 au 6 juillet 2014

Live-report rédigé par Xavier Turlot le 18 juillet 2014

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dimanche 6
Cette fois-ci, même pas la peine de regarder du côté de la météo, il pleut à verse depuis midi et on ne compte que quelques festivaliers timides venus soutenir Pink Falda, un groupe de pop local.

Leur musique estivale et énergique dénote avec le temps, et le groupe remercie entre quasiment chaque chanson le public pour avoir le courage de rester sous le déluge ("Ça roule ?", "Ça mouille ?"). Visiblement de très bonne humeur, le guitariste et le bassiste se partagent le microphone et enchaînent les compositions très british, pas si éloignées de celles de leurs compatriotes The Bewitched Hands. Entre rock garage et ballades soignées, les nordistes savent tenir en haleine un public en variant les ambiances et en ne négligeant jamais l'efficacité de leurs compositions. Les six musiciens, visiblement bloqués dans les années 1970, assurent haut la main la mission qui leur était assignée.

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La pluie s'est à peine calmée quand le nigérian Keziah Jones entame son set sur la Main Stage. Savant mélange de blues, de funk et de soul, sa musique est jouée avec une douceur raffinée et ne cherche pas le sensationnel, la basse ronronne paisiblement avec des touches de slap quand le leader enchaîne les rythmiques funk dansantes sans même s'encombrer d'un médiator, ce qui renforce la chaleur de son jeu. Amusé de voir son public se cacher sous des parapluies, Keziah Jones compare la pluie du nord avec celle de l'Afrique, puis dit espérer la faire cesser en attaquant la prochaine chanson. Affublé épisodiquement d'une cape, il poursuit sa prestation accompagné d'un guitariste affichant un look "club de blues new-yorkais" et exécutant quelques solos propres et soignés, alterne configurations électriques et acoustiques avant d'en arriver à une longue improvisation funky qui fait la joie de l'audience détrempée.

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Après la bimbo écossaise Nina Esbitt, encore une artiste taillée pour les ondes, c'est au duo mexicain en vogue Rodrigo y Gabriela d'entrer en scène. Partis du Mexique pour rejoindre l'Irlande, frustrés par le manque de reconnaissance du métal dans leur pays d'origine, c'est en Europe qu'ils perceront grâce à leur virtuosité, mais dans un style bien éloigné. La sobriété de la configuration scénique frappe : ni batterie, ni basse, ni amplificateurs ou même un seul microphone, les deux musiciens n'ont que leur guitare acoustique pour tenir en haleine leurs fans. Gabriela parvient à marquer le rythme en frappant sur la caisse de son instrument en même temps qu'elle tient la partie rythmique, pendant que son acolyte étale son sens mélodique avec une technicité impeccable. Souriants, sautillants et incapables de tenir en place, les guitaristes livrent une setlist certes largement hispanique mais qui sait s'affranchir de la tradition avec évidence. Équipés chacun d'une caméra sur la tête de leur manche, ils peuvent offrir au public des fondus-enchaînés de leurs mains virevoltant avec aisance de corde en corde.
Chacun des deux s'offre un long moment seul sur scène, durant lequel il devra se débrouiller sans filet pendant une petite dizaine de minutes. Quand Gabriel s'appuie sur de lourdes rythmiques et un passage de fusion avec une pédale wah-wah qui la transporte bien loin du flamenco originel, Rodrigo se transforme en guitar hero, allant jusque aux frontières des ultrasons grâce à une bouteille de bière dont il se sert de bottleneck. A la fin du concert ils font venir un microphone et désirent faire chanter la foule avec eux. Entamant brièvement Breaking The Girl des Red Hot Chili Peppers, le duo essuie un échec avec l'absence totale de réaction du public, mais puise immédiatement dans sa réserve de survie et lance Creep de Radiohead, que cette fois-ci les gens chantent à l'unisson dès la première phrase.

C'est ensuite au tour de The Parov Stelar Band de prendre la suite des opérations. La formation vise à adapter en live les compositions du DJ autrichien Parov Stelar, spécialisé dans un mélange d'électro-swing et de house. Sur scène, outre lui-même trônant derrière ses platines, sont présents un batteur, un guitariste/bassiste, un saxophoniste, un trompettiste et la charismatique chanteuse Cleo Panther. Une grosse formation donc, et qui n'aime pas rester statique. La diva joue à fond le jeu et chauffe en permanence la foule maintenant immense qui s'est amoncelée dans la citadelle, venue danser sur les beats lounge et les envolées de cuivres. Le groupe a adopté aujourd'hui un dress code assez strict : ils sont tous vêtus de costumes blancs éclatants, recherchant visiblement une esthétique vestimentaire rétro qui colle à leur musique à cheval sur plusieurs époques. Les célèbres Booty Swing et Libella Swing déchaînent les fans aveuglés à grands coups de flashs multicolores qui jaillissent de partout sur scène, y compris du socle de la batterie et du DJ.

Le sol de la Green Room s'est maintenant transformé en bain de boue, le passage de dizaines de milliers de festivaliers sur la pelouse noyée a anéanti tout espoir d'en ressortir propre. Les bottes en caoutchouc sont sorties après les K-ways, certains tombent, d'autres ne peuvent esquiver des flaques géantes qui les engloutissent jusqu'aux chevilles... L'équipe de Belgique a été éliminée par l'Argentine lors de la Coupe du Monde de football mais les nombreux Wallons présents à Arras ont une bonne occasion de se consoler avec l'arrivée d'un groupe myhtique qui ne s'était plus montré depuis fort longtemps : Girls In Hawaii.

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Le sextet connu de tous les fans de pop indé des années 2000 revient dans l'actualité musicale avec la sortie d'un nouvel album, Everest, prévu pour la rentrée. Quand retentit Sun Of The Sons, c'est pour beaucoup une plongée dans de lointains souvenirs de jeunesse. Les trois guitares et les deux voix remplissent facilement l'espace sonore avec une énergie foudroyante malgré le registre qui n'est pas franchement brutal. Le côté rock est nettement plus appuyé que sur les enregistrement studio, il y a plus de saturation, le batteur ne s'endort jamais et le synthétiseur vient mettre en relief des textures électroniques pas facilement identifiables sur disque. Antoine Wielemans et Lionel Vancauwenberghe se partagent les parties vocales, parfois à l'aide d'un téléphone qui filtre le chant. La sombre et très électro The Fog emballe le public avec sa lente et langoureuse montée en puissance, tout comme l'hypnotique This Farm Will End Up On Fire et sa grosse caisse qui bat tous les temps. La power pop très américaine de Time To Forgive Winter nous emmène enfin vers l'actualité du groupe avec Changes et Connection, qui nous permettent d'apprécier la trajectoire esthétique de la formation. Planantes et introspectives, les nouvelles chansons sont lentes et ne démarrent pas vraiment, elles ne seront pas le point d'orgue du concert. En revanche, Misses, issue d'un EP sorti l'année dernière, est une magnifique ballade qui remporte facilement le respect admiratif du public. La célébrissime Found In The Ground reçoit ce qu'elle était venu chercher, puis un nouveau single très électronique, Rorschach, vient confirmer le talent scénique des Belges. Le concert se termine dans une apothéose bruitiste entre synthétiseur débridé, guitares saturées et déluges de cymbales qui vient offrir une image plus complexe et variée de ce groupe étonnant. Le leader conseille au public de courir voir Détroit qui ont commencé leur concert il y a déjà un quart d'heure.

Le nouveau projet musical de Bertrand Cantat s'est concrétisé par la sortie d'un disque, Horizons, l'année dernière. La voix si typique du leader de Noir Désir est toujours au service de textes poétiques et sombres, ici accompagnés d'arrangements musicaux globalement plus paisibles que ceux de son ancien groupe. Le chanteur est heureux de retrouver son public, à l'heure où l'affluence devient la plus importante de tout le festival, et lui dit sa joie de jouer devant lui.
Après avoir défendu le nouvel album en jouant la très belle Droit Dans Le Soleil, l'électrique et dissonante Ma Muse ainsi que Le Creux De Ta Main, de facture très classique et jouée à l'harmonica, ce sont les anciens morceaux de Noir Désir qui serviront de terreau au feu qu'il convient de mettre à une telle scène. Les déchirures de distorsion iront de pair avec celles des cordes vocales sur un Lazy dont le public s'emparera facilement de la ritournelle finale, puis viendra une version épique de Le Fleuve, chanson qui a maintenant vingt-cinq ans, avant d'en arriver à une saillie politique en guise d'introduction à Null And Void dont Cantat précise la traduction "Nul et non-avenu". Après avoir défendu la situation des intermittents du spectacle vient une version nerveuse à l'extrême de Tostaky qui ravit tous les fans des premières heures avec ses arrangements survitaminés presque grunge.

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Il faut anticiper les mouvements de foule avec le bon timing pour espérer obtenir un emplacement correct devant les Anglais de London Grammar. Le trio de Nottingham qui s'est illustré par un album loin d'être passé inaperçu l'année dernière a su conquérir un nombre impressionnant d'admirateurs, sans doute aidé par la voix atypique et le charme de Hannah Reid. Les deux musiciens attrapent guitare et synthétiseur pour lancer Hey Now avant que la chanteuse arrive d'un air grave et concentré, vêtue de noir et de blanc, sous les acclamations de la foule massée sur les amoncellements de gadoue.
Les sons clairs et chauds de guitare électrique trouvent écho dans les rythmiques jouées au djembé sur l'introduction de Darling Are You Gonna Leave Me, un magnifique morceau qui révèlera les capacités vocales de la chanteuse, à l'aise sur un nombre impressionnant d'octaves. Toujours aussi concentrée, Hannah Reid s'assied à un piano et pose les accords de l'hivernale Interlude pendant que Dot Major assure la partie de batterie. Le single Wasting My Young Years, à la popularité planétaire, est accueilli avec un engouement euphorique. La jeune Anglaise arrive à séduire avec une voix unique qui jongle entre distance et intimité, et dont l'intelligence a sans doute été de la coupler à des instrumentations subtiles et non à une batterie d'arrangements de studio pré-pensés. Les nuages ont disparu et c'est sur un lent coucher de soleil d'été que le concert se poursuit avec la quasi intégralité des titres de If You Wait. Le minimalisme des instrumentations laisse toujours des boulevards gigantesques à la voix se développant dans toute sa richesse, faisant souvent l'économie de paroles pour se concentrer sur l'aspect purement lyrique. Les membres du groupe ne sont pas spécialement loquaces, encore intimidés par leur succès précoce et la tension qu'ils doivent mettre dans l'exécution d'une musique qui ne souffre aucun écart. Beaucoup quittent prématurément le concert pour aller voir -M- dont le set débute sur la Main Stage dix minutes avant la fin du set des Anglais, mais le trio n'y prête pas attention et enchaîne sur If You Wait et Metal & Dust, que la chanteuse assure avec la même perfection, sans aucun début de fatigue dans la voix qu'elle a pourtant assidûment sollicitée une heure durant.

La suite de la soirée sera consacrée à deux artistes francophones, -M- et David Guetta, tous deux rodés aux concerts titanesques calculés à la microseconde. Mathieu Chedid livrera un show dopé aux amphétamines et truffé de solos de guitare épiques, de breaks en tous genres et de jeux à n'en plus finir avec son public de fans surchauffés, soignant le visuel associé à chaque morceau.
artistes
    DAVID GUETTA
    -M-
    DÉTROIT
    THE PAROV STELAR BAND
    RODRIGO Y GABRIELA
    KEZIAH JONES
    BAKERMAT
    LONDON GRAMMAR
    GIRLS IN HAWAII
    JAMES ARTHUR
    NINA NESBITT
    PINK FALDA
photos du festival