logo SOV

Paris International Festival Of Psychedelic Music

Paris, du 4 au 5 juillet 2014

Live-report rédigé par Xavier Ridel le 19 juillet 2014

Bookmark and Share
vendredi 4
Voici plusieurs années que la musique psychédélique renait de ses cendres, en particulier dans les grandes métropoles. La cause de la résurrection de ce phoenix coloré est assez simple et presque mathématique. Diderot le disait à propos des poètes, c'est lorsqu'ils se sentent mal dans leur monde que les gens éprouvent le besoin de créer et de s'évader. Quoi de mieux en temps de crise économique et en période de multiples perturbations qu'un album des 13th Floors Elevators ou une chanson de Slowdive ? Pas grand-chose, et c'est sûrement ce que se sont dit chacun des groupes injustement appelés néo-psychédéliques ou néo-shoegaze. Car non, ce ne sont pas des « néo » quelque chose. Il s'agit là de groupes à l'identité propre, au son clairement marqué par les années 2010, et non pas d'une pâle copie de leurs ancêtres, desquels ils s'inspirent bien entendu grandement. Mais le débat, si intéressant soit-il, n'est pas ici.

Aujourd'hui est en quelque sorte un évènement au cœur de la nuit parisienne. Le tout premier festival psychédélique dans la capitale, le second en France (le Levitation d'Angers, annexe du Psych Fest d'Austin, ayant ouvert la voie), suite de multiples festivals mondiaux : le susnommé Austin Psych Fest ou encore celui de Liverpool. Et avec ça, une affiche des plus alléchante.

A l'extérieur de la Machine du Moulin Rouge, pas un chat,toutes les personnes présentes en avance s'étant amassées au bar, où se vendent vinyles et très belles affiches sérigraphiées, pour regarder le match qui verra la France se faire éliminer de la Coupe Du Monde de football. Étrange sensation que de voir son équipe perdre en écoutant à fond les riffs des Black Angels ! Les visages qui sortent de là pour descendre en direction du fumoir sont déçus, mais pas découragés. Le psychédélisme est là pour faire oublier tout ça.

Et seconde déception, ce sont Moonsters (anciennement Underground Beats) qui, sur la petite scène souterraine du Basement, s'attellent à ouvrir le festival. Les français remplacent Spectral Park, lesquels ont annulé leur venue pour des causes jusqu'alors inconnues. Les parisiens ne se démontent pas devant un public clairsemée et balancent un rock très marqué par les Doors et le Velvet Underground. L'ensemble fonctionne très bien et se trouve être sublimé par un jeu de lumières du meilleur effet. Les musiciens sont excellents et l'ensemble est parfaitement en place, peut-être même trop. Le chanteur, s'il est doté d'un puissant organe vocal, sonne parfois trop comme un pastiche de Jim Morrison, mais cela n'enlève rien au talent dont font preuve les Frenchies qui ouvrent finalement le festival d'une jolie manière. On se dépêche pour arriver dans l'enceinte du Main Stage et voir les Wall Of Death terminer leur concert avec leur organiste fou, leur guitare blues et une voix noyée dans la reverb. Du rock démoniaque joué à toute vitesse. Ici, on oublie le coté lénifiant du psychédélisme au profit de l'énergie, mais sans toutefois délaisser l'utilisation de fuzz, delay et autres effets. C'est d'ailleurs ce qui fera la caractéristique de la plupart des groupes présents dans ce festival. Juste le temps de voir trois chansons, dont la très entrainante From Hell With Love et le groupe signé chez Born Bad Records termine son set, laissant la place à The Underground Youth après un bref changement de plateau.

Et de là vient la claque du soir. On connaissait bien les anglais en studio, leur savant mélange entre le Velvet Undergound et Joy Division, mais n'avions jamais eu la chance de les voir sur scène. Tous vêtus de noir, la batteuse debout derrière ses fûts (nous rappelant ainsi une certaine Moe Tucker), un chanteur charismatique comme pas deux, les quatre musiciens lancent un concert effectué à la perfection. Morning Sun, Persona, Rules Of Attraction et tous leurs morceaux résonnent comme autant d'hymnes à l'introspection. Chacun d'entre eux, s'il a son propre univers, est ciselé comme un couteau à cran d'arrêt. Une lumière bleue enveloppe les musiciens et leur public amassé devant la grande scène, béat.

Le duo The KVB, que nous verrons assez peu, parait un peu fade en comparaison. La musique est ultra-bruitiste, ce qui n'est d'ordinaire pas pour mous déranger. Mais là, c'est trop. Trop de fuzz empêche l'auditeur de n'entendre ne serait-ce qu'une bribe de paroles, trop de reverb et de delay l'empêchent également de saisir une seule note de synthétiseur. Leur dernier EP Out Of Body s'avérait pourtant être une bonne surprise, dommage. Il nous faudra de toute manière nous enfuir rapidement pour ne pas rater The Soft Moon, annoncés comme la tête d'affiche de la soirée.

Et là encore, un bel uppercut décroché dans la mâchoire du spectateur abasourdi par la puissance du groupe, la magnificence des jeux de lumières mais aussi par la chaleur étouffante qui règne au cœur de la fosse. Le stroboscope est déchainé et met en exergue la noirceur des chansons de Luis Vasquez. Une ambiance post-apocalyptique se dégage immédiatement du fin fond de la scène, et chacun se balance de gauche à droite, des images d'éclipses plein le crane. Le mélange entre shoegaze, noise et électro prend toute son ampleur en live. We Are We, Total Decay... tant de chansons qui, on en est absolument certains, marqueront les années d'une pierre brune.

La première soirée se clôture donc sur cet excellent concert des Soft Moon, laissant planer une vague d'impatience quant au deuxième jour du festival. Une très belle ouverture, qui confirme le psychédélisme actuel comme un véritable mouvement à part entière.
artistes
    THE SOFT MOON
    THE KVB
    THE COSMIC DEAD
    WALL OF DEATH
    THE UNDERGROUND YOUTH
    MOONSTERS