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Le Rock Dans Tous Ses Etats

Evreux, du 27 au 28 juin 2014

Live-report rédigé par Cyril Open Up le 23 juillet 2014

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vendredi 27
Le dernier week-end du mois de juin, depuis quelques années c'est la tradition, il se livre à moins d'une centaine de kilomètres de distance une guerre d'un type bien particulier, la guerre des hippodromes. D'un côté le mastodonte Solidays avec sa programmation de plus en plus grand public et qui tire un peu trop dans tous les sens, de l'autre celle du Rock Dans Tous Ses États avec un casting plus exigeant qui allie découvertes et belles têtes d'affiche à faire saliver pas mal de concurrents.

Durant tout le trajet pour rallier Évreux, la plus grande interrogation reste celle de la météo, le ciel est particulièrement chargé et l'intensité lumineuse diminue à mesure des kilomètres parcourus. A quelques minutes du point d'arrivée, c'est un véritable déluge qui s'abat. Les nuages menaçants laissent place à des litres d'eau qui se répandent sur la chaussée et nous font prendre conscience de la chance que l'on a d'être encore bien à l'abri de notre véhicule. Le timing ne pouvait être plus parfait, à peine la voiture garée, la pluie s'arrête. Nous pouvons donc rejoindre l'enceinte de l'Hippodrome de Navarre secs. Avec ses trois scènes (A, B et Gonzomobile), sa superficie peu étendue, le festival reste à taille humaine, là où d'autres ont vite eu une propension au gigantisme. De part leur proximité, les scènes A et B jouent en alternance, permettant ainsi de profiter au mieux de l'intégralité des concerts proposés tout au long de ces deux journées.

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Peu avant 18h00, ce sont les quatre américains de Kuroma qui ouvrent le bal sur la scène A. Bien qu'inconnus de la majorité du public, ils ne sont pas là totalement par hasard puisque Hank Sullivant, guitariste de MGMT (également présents à l'affiche) fait partie de cette autre formation. Leur pop débraillée déborde de garage, de punk et de psychédélisme. Quelques passages au synthé ne feront qu'accentuer leur appétence pour les musiques à effets psychotropes. La plupart des membres portent le cheveu long et décoloré et respirent la joie de vivre.
Des titres comme Big Bad Money ou Passionate People sont parfaits pour un après-midi à la cool et accompagnent idéalement le retour progressif du soleil. Sur Love Is On The Way, le fantôme de David Bowie surgit et plonge le set un peu plus dans les 60s. La basse se fait plus présente et lourde sur le morceau Heavenly Justice, montrant la variété stylistique de ce que le groupe est capable de jouer. Les paroles de ce titre résument assez bien la philosophie du collectif, « I want to have fun ». Kuroma et leur rock pas prise de tête pour un sou nous ont offert un concert tout en bonne humeur et légèreté, on pouvait difficilement rêver d'un meilleur démarrage. On en redemande.

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Le temps de se déplacer de quelques mètres tout en évitant les nuages de poudre colorée qui volent à tout va, grâce aux sachets distribués par une banque désireuse de faire parler d'elle en surfant sur la mode de la fête indienne Holi qui célèbre l'équinoxe de printemps (sic). La scène B est inaugurée par un trio champion du blues rock qui frappe fort, Birth Of Joy. Les hollandais, dont il s'agit de la seconde venue au Rock Dans Tous Ses États, débarquent dans un boucan d'enfer. Le potentiomètre s'affole dangereusement. Le chant de Kevin Stunnenberg est fort et puissant. Il saute et brandit sa guitare, incitant ainsi la foule à se déchainer. Leur musique emprunte également au grunge, au rock stoner et là encore un orgue fait pencher le tout lors de quelques longs passages instrumentaux dans la balance du psyché et des 60s. Bob Hogenelst, à la batterie, frappe de toutes ses forces sur ses percussions et ne tarde pas à se délester de son t-shirt pour mieux redoubler ses coups. Le public exulte et lève les bras au ciel entre chaque morceau comme pour mieux implorer les dieux du rock'n'roll pour que ce moment dure le plus longtemps possible. Grow, tout fraichement extrait de leur nouvel album Prisoner, continuera d'attiser le feu répandu sur les spectateurs dans une version rallongée offrant la part belle successivement à la guitare, à l'orgue et à la batterie mais également aux déchirants « You're not the only one » hurlés à toute berzingue et qui viennent se fracasser dans nos tympans. Le groupe s'apprête à dégainer un nouveau titre mais le timing est malheureusement très serré et ils nous laisseront sur une frustration. Là où les Birth Of Joy passent, les décibels trépassent.

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Le quatuor (quintet pour la scène) californien Family Of The Year prend la suite des opérations en main. Leur pop chorale semble joyeuse mais si l'on se penche sur les paroles, il n'en est pas vraiment de même. Buried parle ainsi du désir de se faire enterrer avec sa guitare et de son plus beau t-shirt aux côtés de sa mère. Rien que ça ! Mélangeant guitares sèche et électrique, basse, synthés et batterie, le rock des américains allie les forces du rock, de la folk et de la country pour en sortir une pop des grands espaces. Les américains ne dissimulent pas tout le plaisir qu'ils ont de jouer ici pour nous. Ils déroulent les tubes comme Diversity qui fait plutôt bien le boulot avec son refrain accrocheur et pourrait presque passer pour une reprise des Foo Fighters à la différence près des « oh yeah » et autres « oh oh oh oh » hurlés à plein régime. Christina Schroeter, dans son mini short, interprète ensuite un titre sans l'aide vocale de ses compères et s'étonne qu'elle le fasse pour la première fois en plein jour, ce qui la déstabilisera légèrement. Puis voici le temps du morceau emblématique du groupe, Hero, qui aura permis de les révéler à un plus grand public grâce à son utilisation par le cinéma, la publicité ou la télévision. Le groupe communique avec le public, la prestation n'est pas désagréable mais ne restera pas gravée dans les mémoires non plus. Au moment où il ne leur reste qu'une poignée de minutes, le groupe se lance dans un dernier titre qu'ils allongent au maximum sous l’œil paniqué des responsables de plateau qui voient les minutes défiler et l'heure de fin de set copieusement dépassée. Un petit mot discret à l'oreille du batteur leur indiquera qu'il faut vite en finir, ce qu'ils s'emploieront à faire.

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Gaspard Royant prend ensuite place sur la scène voisine avec ses quatre acolytes dont Laurent Blot (connu également sous le nom de Franz Is Dead) à la guitare électrique. Ils sont tous vêtus de noir à l'exception de Gaspard qui a opté pour une veste d'un blanc éclatant. Certains esprits ont craint que celle-ci ne termine maculée de pigments colorés mais il n'en a rien été malgré les nombreuses fois où ce dernier s'est approché des premiers rangs plutôt chahuteurs et recouverts pour le coup de bleu, de jaune, de rouge ou encore de violet et de vert.
Gaspard Royant est tout sourire et enchaine les titres. La prestation est assez énergique, le garçon tenant difficilement en place et gesticulant à tout va. Son rock qui swingue et remémore l'âge d'or du label Stax dans les 60s. Entre deux morceaux, tel un Monsieur Loyal, il s'avance vers les spectateurs et lance quelques exemplaires de ses quarante-cinq tours au public. Son album 10 Hits Wonder a ainsi l'originalité de rassembler les chansons sorties sur les faces A et B de ses premiers singles. Le public semble conquis et s'agite sur le titre Europe, répondant à l'énergie déployée par le chanteur. Gaspard s'empare ensuite d'une guitare sèche pour interpréter une ballade qui s'accorde parfaitement avec le soleil que l'on devine en train de se coucher derrière quelques nuages blancs. Une petite provocation à l'encontre des spectateurs les plus proches pour leur signifier que cela ne devait pas leur être arrivé depuis un bon bout de temps lance ensuite « la chanson pour pécho ». Gaspard Royant achève sa prestation en escaladant la colonne soutenant le toit de la scène. Au final, un concert tout en énergie plutôt convaincant.

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On reste en France pour la suite des réjouissances avec les six membres de Sarah W Papsun. Leur math rock tropical, souvent comparé à celui de Foals, a la singularité d'enchainer le plus possible les morceaux pour qu'à la fin on ait l'impression que leur prestation n'était en fait qu'un seul et même long titre à multiples facettes. Kids Of Guerilla et Hey Hey ne manquent pas de lancer ce rouleau-compresseur ultra efficace qui donne envie de remuer les moindres parties de son corps à l'image d'Erwan Desplanques qui saute tout en chantant avec son micro bien en main. La musique des Papsun flirte souvent avec l'électro punk et redouble ainsi les effets escomptés. Les membres du groupe se positionnent sur une ligne et bougent en rythme comme un seul homme incitant le public de même.
Drugstore Montmartre et At The Disco poursuivent le travail entamé et ensorcellent encore un peu plus la foule. Bien plus que sur disque, les compositions de Sarah W Papsun hypnotisent, pénètrent le conduit auditif et contaminent tout ce qui s'y relie faisant entrer tout ce qui s'y frotte en état de transe. Le public s'agite encore et ce ne sont pas Lucky Like Stars ou encore Night (reprise en illustration sonore par le magazine Le Tube de Canal+) pour calmer les hardeurs. Pour mieux enfoncer le clou, le groupe poursuit sur une reprise de Territorial Pissings de Nirvana, tout en rage et en fureur. Juste ce qu'il faut pour confirmer nos impressions des précédents concerts, les français de Sarah W Papsun sont bien taillés pour le live.

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C'est une véritable tornade sonore qui s'abat sur la scène B avec l'arrivée des américains de The Dillinger Escape Plan. Ces cinq maitres du hardcore, leurs riffs de guitare sauvages et le chant guttural qui va avec, ne vont pas tarder à faire déserter une partie des spectateurs. Il faut reconnaître que le volume est assez impressionnant et que pour quiconque ne s'est pas frotté à ce genre musical, il y a de quoi défaillir. La voix ressemble à d'énormes cris poussés à la nuit tombante. La musique est comme un amas de notes informes qui n'ont plus qu'un seul but : faire le plus de bruit possible. Toutes les conditions sont donc réunies pour nous offrir une pause ravitaillement qui nous permettra de nous sustenter d'un poulet frites de plutôt bonne facture, chose assez rare sur les festivals pour être soulignée.
Assis par terre à plusieurs dizaines de mètres de la scène, on peut ressentir les intenses basses qui se dégagent des enceintes jusqu'à ce qu'une coupure de son ne vienne offrir une bonne minute de repos à nos oreilles. Une coupure dont les américains ne doivent pas s'être aperçus puisqu'ils continuent de vociférer et de s'agiter comme si de rien n'était. Étrangement, après cette interruption, les chansons semblent plus mélodieuses et nous incitent à assister à la fin du concert qui se termine à coup de guitare sur une cymbale puis par un beau balancé de cette même cymbale décidément bien maltraitée.

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La transition est plutôt rude puisque les américains de MGMT prennent le relai. « This Is MGMT » est scandé dans les hauts-parleurs avant que les six gaillards ne fassent leur apparition. Un écran placé derrière eux nous abreuvera d'images psychédéliques et de vidéos de leur étrange homard à ombrelle durant toute la durée de la prestation. Will Berman à la batterie surplombe ses camarades depuis son estrade sur le côté droit. C'est Alien Days qui ouvre le bal devant un public plutôt dubitatif mais néanmoins attentif. Time To Pretend ne manque pas de changer la donne et de provoquer quelques cris de joie dans l'assemblée. Assez statiques et loin d'être communicatifs lors de l'heure qui leur est impartie, les six musiciens déroulent les titres de leurs trois albums sans grande conviction, un peu en pilotage automatique. Il faut bien l'avouer, MGMT n'ont jamais été des bêtes de scène. Il ne faut pas bouder son plaisir, il est quand même plus qu'appréciable d'entendre jouer les plus anciens Weekend Wars ou Electric Feel qui obtiennent tous les suffrages à l'applaudimètre. Extrait de leur deuxième album, Siberian Breaks, qui dépasse les dix minutes, permettra au groupe de s'étaler lors de sa chevauchée instrumentale et de faire basculer un peu plus le concert dans un univers peuplé d'étranges champignons aux effets incontrôlés. Puis vient le moment que, comme un seul homme, tout à chacun attend, le tube Kids entendu et réentendu. Le public exulte et saute. Andrew VanWyngarden quitte enfin la position derrière son micro et vient attiser un peu les cris en se rapprochant légèrement de la foule. Un des guitaristes s'empare d'une baguette de pain qu'il frotte contre les cordes de son instrument et d'une bouteille de vin dont il avale une bonne gorgée pour un moment qui frôle la caricature et n'est pas forcément du meilleur goût. Le groupe fait durer le plaisir et étire le morceau sur la longueur avant de s'octroyer de l'unique remerciement de la soirée au « charmant peuple de France ». Enfin Congratulations, tiré de l'album du même nom, viendra mettre un terme à ce moment très professionnel et carré qui aura manqué de magie.

Il est 23h45 et ce sont les français de Deluxe qui prennent le relai sur la scène B. Les cinq moustachus et leur chanteuse qui font les beaux jours du label Chinese Man Records se déchaînent comme de beaux diables mais leur hip-hop soul, jazzy et funky nous laisse totalement hermétique. Le public lui se laisse happer par cette tornade groovy et répond favorablement aux nombreuses injonctions du type « Ca va ou quoi ? », « Y a du monde ? On vous entend pas ! » qui ne manquent pas d'émailler la prestation. Ce mélange des genres pas vraiment à notre goût nous permet de regagner prématurément la grande scène pour mieux nous placer pour le groupe suivant.

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Les anglais de Kasabian, qui n'ont jusqu'à présent donné qu'un concert au Bataclan pour la sortie de leur nouvel album, sont attendus par une grande partie du public présent ce soir. Un grand rideau où est inscrit le nom de leur nouvel album 48:13 est situé en fond de scène. Les six musiciens accompagnés d'un septième larron aux cuivres font leur entrée sur l'instrumental Shiva qu'ils enchaînent, comme sur le disque, avec Bumblebeee qui met tout de suite dans l'ambiance avec son chant puissant et nous plonge dans un jeu de lumières violettes impressionnant. Les membres du groupe sont déchaînés et montrent leur joie d'être présents ce soir. Ils ne manquent quasiment pas entre chaque titre d'envoyer un « merci beaucoup, thank you » ou encore « merci fucking beaucoup » à notre encontre.
La setlist est composée pour un tiers de nouveaux titres et pour le reste d'un Best Of des quatre disques précédents. La série Shoot The Runner, Underdog, Fast Fuse et Days Are Forgotten fait des ravages. Les bras se lèvent, une partie des spectateurs scande les paroles. Les « I’m waiting » résonnent aux quatre coins de l'hippodrome qui se transforme peu à peu en club à ciel ouvert. Le groupe offre une prestation de haute volée rappelant que Madchester fait partie de leurs influences avec The Stones Roses ou bien les Happy Mondays en modèles. Tom Meighan, habillé tout en noir, et Sergio Pizzorno, vêtu d'un t-shirt blanc avec Gyoza en inscription, se partagent le chant. Ils incitent régulièrement le public à frapper dans les mains et sont pour beaucoup dans l'énergie qui se dégage de la scène.
L'exutoire sera à son comble sur Fire qui montrera aux plus sceptiques que Kasabian est décidément un groupe taillé pour la scène. Tom s'empare du microphone et le brandit pour recueillir les applaudissements du public. Vlad The Impaler sera une belle démonstration de l'existence d'un « universal language of jumping » (dixit Tom). Le concert s'achève sur la reprise de Praise You de Fatboy Slim mêlé à l'unique représentant de leur premier essai, L.S.F., pour un dernier instant de défouloir où les bras s'agitent et les gorges s'emploient à extirper des « la la la » du plus profond de ses tripes. Kasabian ont plus que rempli leur rôle de tête d'affiche de la soirée et se retirent en saluant chaleureusement et généreusement l'assistance.

A quasiment 2h du matin, c'est au tour de l'allemand Fritz Kalkbrenner de conclure. Derrière ses platines et un épais nuage de fumigènes, il transportera les spectateurs aux sons de son électro subtile et voyageuse, mais il est temps pour nous de regagner la capitale, sans avoir reçu la moindre goutte de pluie, tout en pensant à la journée du lendemain au casting tout aussi attrayant.
artistes
    Kasabian
    MGMT
    The Dillinger Escape Plan
    Family Of The Year
    Fritz Kalkbrenner
    Birth Of Joy
    Gaspard Royant
    Kuroma
    Acid Arab
    Sarah W Papsun
    Deluxe
    Throes + The Shine
    Two Bunnies In Love
    Metro Verlaine
    For The Hackers