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Le Rock Dans Tous Ses Etats

Evreux, du 27 au 28 juin 2014

Live-report rédigé par Cyril Open Up le 9 août 2014

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samedi 28
Après une première journée sans se faire arroser, la consultation de tous les sites de prévisions météorologiques, quelques instants avant de se coucher alors que l'aurore pointe le bout de son nez, ne laisse pas trop d'espoir sur ce qui nous attendra en ce samedi 28 juin. Au réveil, il faut se rendre à l'évidence, le port du K-way est fortement recommandé. C'est ainsi sous la pluie que l'on reprend la direction de l'Hippodrome d'Evreux. L'équation voiture + intempéries se résout quasiment invariablement par ralentissements + embouteillages. C'est ainsi coincés sur la route, impuissants que l'on observe les aiguilles de la montre tourner et l'heure défiler en se disant que l'on va manquer l'un des rares groupes anglais de cette édition.

Lorsque l'on pénètre sur le site, il est désormais certain que cela n'est pas aujourd'hui que nous pourrons nous faire un avis sur le rock très british du jeune trio londonien Trampolene puisque l'on se dirige vers la scène B où le duo rémois ALB s'apprête à débuter sa prestation. Clément Daquin avait déjà sorti un premier opus d'électro pop intitulé Mange-Disque en 2007. Ceux qui en ont fait l'acquisition ne peuvent que se souvenir de son impeccable packaging orange qui représente un petit tourne-disque dans lequel est inséré le compact-disc. Il en aura fallu du temps pour que l'album suivant voit le jour puisque ce dernier n'est sorti qu'il y a quelques mois. Clément se place face à face à son acolyte et tous deux jouent sur le côté, donnant un point de vue original aux spectateurs. La batterie, les synthés et la voix se mélangent faisant entrer l'assistance dans la danse tout en tentant d'oublier la pluie qui s'abat à cet instant. Clément s'essaiera à faire stopper les gouttes mais ces dernières persisteront à tomber et à atteindre leurs cibles. Le délicat Whispers Under The Moonlight s'attirera les faveurs de la foule. Popularisé par une publicité automobile, Golden Chains et ses sonorités nous plongent en pleine électro 8 bits et donnent des airs de bande originale pour Mario Bros. Clément n'hésite pas non plus à y insérer quelques rythmes tropicaux pour nous ôter cette impression du cerveau ainsi qu'un refrain ponctué de « oh oh » qui ne demandent qu'à être entonnés par la foule qui s'exécute. L'individu sort ensuite sa guitare et use de boucles pour nous montrer la palette de ses possibilités musicales. Il remercie Raphael, son batteur, qualifié de meilleur batteur au monde ! Clément dédie ensuite un morceau à sa fille et il est déjà temps de prendre congé au bout de quarante petites minutes. L'agréable électro pop du duo aura bien joué son rôle et nous faisant oublier l'humidité ambiante.

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Le suédois Peter Von Poehl prend la suite. Son dernier album Big Issues Printed Small sorti il y a plus d'un an est injustement passé plutôt inaperçu. Au fur et à mesure que le concert s'écoule, on ne peut s'empêcher de penser que celui-ci aurait été idéal allongé dans l'herbe à lézarder sous le soleil plutôt que debout sous un ciel plombé. Souriant et honoré de pouvoir partager sa musique avec nous, l'elfe blond saisit sa guitare sèche et aidé d'un xylophone, d'une batterie et de claviers laisse le charme opérer tout en douceur. La voix et les compositions sont parfaites et il est difficile de ne pas se laisser emporter. L'un de ses premiers morceaux, A Broken Skeleton Key, est totalement réorchestré. L'orgue et la batterie sont mis en avant et booste cet hymne à la magie noire. Le calme et superbe Going To Where The Tea Trees Are provoquera quelques départs parmi la frange du public la plus dissipée. Peter n'hésite pas à se frotter à l'avant de la scène pour venir gratter les cordes de sa guitare tout en se tortillant. Les titres qui remportent le plus de succès sont extraits de son premier disque montrant ainsi que le fluet blondinet n'est pas encore parvenu à égaler le génie d'écriture de ce coup d'essai. La trop courte prestation s'achève sur The Story Of The Impossible, là encore réarrangée et qui gagne en beauté. Peter incite le public à chanter avec lui. Le tempo s'accélère, s'emballe et impose une cadence inhabituellement élevée pour ce morceau. Les applaudissements sont fournis, Peter est aux anges et souligne le grand plaisir qu'il éprouve à jouer ce soir sur ce festival. Un roadie présente une nouvelle guitare à Peter mais malheureusement le temps imparti est dépassé et le concert doit s'arrêter net avec un gros sentiment de frustration.

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C'est un changement total d'univers qui s'opère pour la suite des festivités puisque la scène B est investie par le MC moustachu Blake Worrell. Ce californien installé à Berlin se produit d'ordinaire dissimulé derrière les brillantes marionnettes du collectif Puppetmastaz. C'est en chair et en os et aidé de deux rappeurs qu'il fera remuer les bras des festivaliers, leur faisant imprimer des mouvements d'essuie-glaces synchronisés. Habillés en marcels mais coiffés d'un bonnet, les deux rappeurs scandent leur hip-hop en arpentant la scène de long en large, invectivant la foule de temps à autre et ponctuant le tout de nombreuses incitations à « jumper ». Rien de vraiment original dans tout cela. Une reprise pas très fameuse de l'emblématique In The Death Car d'Iggy Pop, qui aura fait les beaux jours du film Arizona Dream, nous en persuade, il vaut mieux nous éloigner et conserver nos forces pour la suite.

La pause sera plus longue que prévu puisque pas réellement fan du genre, nous observerons l'agitation collégiale provoquée par le reggae des français Dub Inc. d'assez loin. Fondé en 1997, le collectif stéphanois a ses adeptes car la fosse est bien remplie pour vibrer aux sons du groupe. Les paroles ne nous font ni chaud, ni froid, au contraire des spectateurs qui sont à fond avec eux et sautent à la demande. Un louable message de soutien en faveur des intermittents, sans qui le festival n'existerait pas, est prononcé en cours de set. Les traditionnels « spéciale dédicace » se succèdent nous faisant prendre conscience que nous ne faisons vraiment pas partie du public auquel s'adresse ce groupe. Nous laissons donc les jeunes, pour la plupart, spectateurs transis en compagnie de leurs idoles et nous rapprochons de l'autre scène afin de profiter au mieux de la prestation suivante.

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Foudroyés en plein succès en 2010 par la mort du frère du chanteur également batteur du groupe, les belges de Girls In Hawaii pansent leurs plaies avant de refaire surface en avril 2013 avec la sortie d'un EP au titre évocateur Misses. Depuis un nouvel album est sorti et les concerts se succèdent à un rythme effréné. Les six membres du groupe prennent place derrière leurs instruments avec la pochette du dernier né, Everest, en fond de scène. Malgré la pluie qui fait son retour, le mariage des derniers morceaux comme Not Dead avec les plus anciens comme The Fog fonctionne à merveille. Le groupe n'a rien perdu de son sens de l'écriture et propose une heure durant un florilège de son répertoire. This Farm Will End Up In Fire extrait du second opus s'accorde au mieux au ciel orangé mais aussi aux gouttes qui ont décidé de s'abattre sur nous. Bien plus que sur disque, la musique de Girls In Hawaii prend une dimension plus rock certainement due aux passages où les musiciens n'hésitent pas à faire vrombir trois guitares et une basse en même temps comme sur Time To Forgive The Winter. Alliant autant la délicatesse que la fureur, les belges jouent avec nos émotions. Et le moins que l'on puisse c'est qu'il est sacrément agréable de se laisser emporter par un morceau tel que Found In The Ground démarrant lentement avant de lâcher les brides. Les membres du groupe prennent le concert à coeur et donnent tout ce qu'ils ont pour livrer une prestation de grande qualité. Juste avant Misses, Antoine Wielemans fera mettre le public de côté afin de mieux lui faire profiter de l'arc en ciel qui s'est formé, annonciateur de la proche fin des intempéries. L'arrière scène transformée en ciel étoilé et scintillant à la tombée de la nuit, un vieux combiné de téléphone à cadran recyclé en microphone déformant la voix sont autant d'éléments qui donnent à cet instant quelque chose d'intemporel, le transformant en une sorte de grand messe. La puissance mélodique des belges est très élevée, ils parviennent toujours à glisser un je ne sais quoi d'attrayant et d'entêtant qui va faire que le morceau va vous pénétrer l'oreille et ne plus vous lâcher pendant un bon bout de temps. L'écoute de Girls In Hawaii rend dépendant et donne envie de se rester plongé dans cet étrange univers pas vraiment rock, pas vraiment pop, mêlant bien des genres pour mieux nous entraîner dans ses méandres à l'instar de Flavor, le morceau final joué ce soir. Le titre débute sur des cordes de guitare grattées en boucle qu'une voix berçante vient rejoindre avant qu'une batterie électronique ne vienne donner un peu de peps à l'ensemble puis que le tout ne prenne un accent post-rock avec un chant à la limite du cri et des guitares qui se mettent à hurler, le tout souligné par d'intenses lumières rouges. Les applaudissements sont fournis et le groupe sort de scène pour laisser sa place sur la scène voisine à la suite de la programmation.

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Absents également de l'affiche depuis quelques années, les new-yorkais d'Interpol qui s'étaient échauffés quelques jours plus tôt à l'Alhambra de Paris copieusement rempli, représentent l'une des tête d'affiche de la soirée. Si le départ du bassiste Carlos Dengler avait quelque peu jeté un froid sur l'avenir du groupe, on ne peut que constater que Paul Banks et sa bande sont parvenus à tourner la page. Toujours très classieux dans leurs costumes trois pièces, pour le plus grand plaisir des spectateurs, le groupe va proposer un florilège des meilleurs titres de leurs deux emblématiques premiers albums Turn On The Bright Lights et Antics. Ils vont cependant éviter copieusement de s'attarder sur leur troisième et quatrième efforts à l'exception notable de Lights, seul survivant de cette période où le chant déchirant de Paul Banks sur les paroles finales « That's why I hold dear » ne manquera pas de nous attraper les tripes et de nous les retourner. D'entrée de jeu, Say Hello To The Angels, Evil et son entêtante Rosemary ou encore C'Mere mettent les choses à leur place, Interpol demeure un des grands groupes que les Etats-Unis nous ont apporté au début des années 2000. Paul Banks, tout sourire, et le reste de la troupe sont parfaitement en place et déroulent leur efficace répertoire. Ça et là, entre deux titres, Paul s'essaiera à glisser quelques remerciements en français, rendant la prestation d'autant plus conviviale. Sam Fogarino imprime la cadence derrière sa batterie. A l'instar des autres membres du groupe, il est loin d'être statique et offre un appréciable dynamisme à l'ensemble qu'il est bon de souligner. Le premier des trois titres extraits du prochain El Pintor dont on peut admirer la pochette en fond de la sobre scène sera My Desire et son utilisation inhabituelle de batterie électronique. L'intensité est à son comble lorsque la formation entame un anthologique triplé composé de Not Even Jail, Obstacle 1 et NYC. Toute la magie d'écriture d'Interpol se déploie alors montrant toute leur aptitude à alterner les phases plus claires et les plus sombres, de la fureur au calme. L'intensité du nouveau morceau Anywhere nous convainc que le groupe s'apprête à faire un brillant retour discographique. Puis les premières notes à la guitare si caractéristiques de Narc attisent les attentes de reprendre de concert avec Paul Banks « You should be in my space, you should be in my life » enchaîné comme sur l'album avec le prenant Take You On A Cruise, ses déchirants riffs de guitare et son divin phrasé sur les paroles finales. L'énergique PDA maintiendra le niveau du concert sur une note élevée. Exécuté à la perfection, le titre agite les foules et captive. Le très réussi et nouveau All The Rage Back Home poursuivra le travail avec son introduction sur la voix embrumée de Paul avant de dérouler son accrocheur refrain. La prestation aura filé à la vitesse de l'éclair et le dernier titre se profile déjà. L'efficace Slow Hands donnera le coup de grâce d'un impeccable concert qui nous aura permis de retrouver Interpol en très grande forme.

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Les fans de hip-hop se dirigent ensuite sur la scène B où le super groupe Deltron 3030 réunissant Kid Koala, Dan The Automator et Del The Funky Homosapien. Sans vouloir caricaturer, c'est encore un concours de bras en l'air et d'essuie-glaces qui s'opère sous nos yeux. Quelques lourds riffs de guitare viendront sortir l'ennuyeux set des américains. Ce mélange de rap et de rock ne fonctionne pas vraiment et finit par lasser. Les turn tables peuvent bien continuer à tourner, l'heure qui leur est impartie semble bien longue, certainement aidée par la fatigue qui commence à pointer le bout de son nez. Profitant de leur participation à Gorillaz, ces derniers reprennent donc le titre Clint Eastswood en milieu de prestation mais rien n'y fait, la sauce ne prend pas avec cette bien décevante réinterprétation. On laisse donc le scratch se poursuivre et on se rend sur la grande scène.

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Du côté de la scène A, ça s'affaire pour installer l'imposant matériel des anglais de Massive Attack. Leur dernier né Heligoland est sorti en 2010 et l'on avait un peu perdu de vue le collectif depuis. L'annonce du retour de Tricky vingt ans après sa dernière participation pour l'enregistrement du prochain disque a de quoi attiser toutes les curiosités. Alors que le concert précédent s'achève, le son des amplis commence à monter pour laisser place à plusieurs titres de reggae à volume élevé. Après deux faux espoirs, la musique d'attente prend fin et c'est avec quinze minutes de retard que le concert débute sous les compréhensibles sifflets d'impatience de la foule. Le trip-hop de 3D et Daddy G peut alors se mettre en marche.
Les aveuglantes lumières et l'écran en fond de scène multiplie les effets stroboscopiques se calquant sur les coups sourds frappés sur les deux batteries. La prestation est entamée avec Battle Box sorti en single en édition très limitée l'année dernière. La rayonnante Martina Topley-Bird pose sa voix sur ce morceau hypnotisant. Les infra-basses sont assez poussées et cohabitent avec une longue liste de médicaments et posologie qui défile sur l'écran à un rythme soutenu. Le procédé est repris de la tournée précédente laissant un désagréable arrière goût de déjà vu, de redite. Contrairement à ce que l'on aurait pu attendre en festival, le groupe ne joue pas la facilité et poursuit avec une face B. Là encore les batteries et les lumières vont de paire et bombardent nos sens pour mieux nous faire entrer dans la transe. Robert Del Naja prend le micro pour l'inquiétant Rinsingson. Le son lourd et puissant de cet extrait de Mezzanine agit encore un peu plus sur notre impression d'être déboussolé. 3D lance un franc bonsoir avant que Martina ne revienne pour interpréter l'éthéré Paradise Circus issu de leur dernier opus. De subtiles jeux d'ombres succèdent ainsi aux intenses flashs des morceaux précédents pour mieux coller à l'ambiance langoureuse du titre. Un peu comme lors des prestations de leurs compatriotes d'Archive, un concert de Massive Attack donne un peu l'impression d'assister à plusieurs concerts en un seul avec sa forme à géométrie variable et ses différents invités qui se succèdent sur scène. C'est ensuite une grande figure de la scène reggae, Horace Andy, qui rejoint la troupe avec son singulier timbre de voix sur le morceau Girl I Love You. L'atmosphérique Future Proof chuchoté par 3D continue de nous plonger en plein rêve éveillé prolongé par le délicieux et sublime Teardrop entonné par la voix de velours de Martina Topley-Bird. Les lourdes basses résonnent à nouveau pour le titre Angel sur lequel les guitares se mettent à hurler et où l'intensité des lumières se remet à imiter les rayons du soleil se reflétant dans un miroir. Les « love you » lancés en écho se perdent dans toute l'immensité de la fosse et résonnent à nos oreilles pour un long moment. Martina fait son retour pour Jupiter où cette fois-ci, elle peut lâcher sa puissante voix. Sur les écrans défilent des phrases dans un français approximatif ressemblant visiblement à des ordres militaires, qui avaient également déjà servi sur la tournée précédente. Alors que le groupe s'apprête à entamer un nouveau morceau, sans aucune explication, tous les membres de la troupe sortent de scène sans adresser un mot au public. Suite au retard pris, il est l'heure de passer à la suite. Quelques minutes s'écoulent avant de réaliser qu'il est vain de patienter dans l'espoir de les voir revenir. Ces cinquante-cinq très courtes minutes n'auront pas suffi à rassasier notre appétit. Trois morceaux présents sur la setlist n'ont ainsi pas été joués.

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Le festival se poursuit et se termine cependant avec les versaillais Etienne de Crécy, Alex Gopher et Julien Delfaud qui derrière leurs platines et leur table Super Discount gravée en 3D vont aider les festivaliers à se remettre de leur déception au son de cette house électro parfaite pour achever les dernières forces. Le cru 2014 du Rock Dans Tous Ses Etats aura donc tenu ses promesses avec une météo relativement clémente et des concerts de qualité malgré la prestation quelque peu écourtée de Massive Attack et la présence de quelques artistes qui ne correspondent pas vraiment à nos goûts personnels.
artistes
    Massive Attack
    Interpol
    SuperDiscount 3
    Girls In Hawaii
    Dub Inc.
    Deltron 3030
    Mars Red Sky
    Salut C'est Cool
    Vundabar
    ALB
    Peter Von Poehl
    Trempolene
    Blake Worrell
    Hill Valley
    Dorian's Grace
    Primal Age