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Vieilles Charrues

Carhaix, du 17 au 20 juillet 2014

Live-report rédigé par Clémentine Barraban le 13 août 2014

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Les émotions et la fatigue du voyage estompées par une nuit - pas forcément - réparatrice, le début de cette deuxième journée est l'occasion de faire plus amplement le tour des installations que proposent les différents lieux du site.

Bien que les activités soient un peu moins variées que les années précédentes, il y a toujours de quoi s'occuper au village du camping. En attendant l'heure des concerts - aux environs de 15h30 - on peut notamment faire photographier sa trombine pas très fraîche et l'imprimer sur une fausse une du journal local, ou récupérer une poignée de bandanas promotionnels turquoise et se les attacher un peu partout pour un style hipster assuré. A l'intérieur du festival, même si on peut jouer avec du light painting et toujours gagner ou simplement récupérer gratuitement un paquet de goodies variés, les stands semblent moins populaires et voient l'intérêt du public s'essouffler, lassé, pourrait-on croire, de voir une telle profusion de publicités envahir le lieu. Admettre qu'un festival vive en grande partie grâce à ses sponsors est une chose, d'autant plus que les organisateurs n'ont rien cachés de leur difficultés financières de l'an passé. Mais se faire vendre du rêve par une ascension poétique dans une montgolfière en forme de bonbonne de gaz en est une autre, et ça commencerait à être un peu gros.
Autre économie remarquable : la suppression du Verger des Curiosités, espace du festival dédié au cirque et arts de rue, qui présentait toutes sortes de spectacles et animations loufoques durant la journée. Une amputation douloureuse de fantaisie et sérénité entre deux concerts.



Mais aucun intérêt de s'attarder sur le blues du « C'était mieux avant ! » car des choses plus réjouissantes se profilent en direction de Kerouac où le combo londonien Jungle sévit pour palier au coup de barre du milieu d'après-midi. Sous un soleil écrasant, le duo entouré par sa bande de drôles d'oiseaux déménage de sons indie pop aux températures soul et funky dans un esprit totalement carpe diem. Les lumières serpentent derrière eux tandis que les bassins chaloupent dans une énergie voluptueuse et une symbiose parfaite. Dans la série « C'est pas comme l'année dernière ! », la scène Grall a été déplacée, se retrouvant repoussée à bonne distance des deux grandes scènes, si bien qu'il faut avoir un bon prétexte pour passer devant sans connaître le nom du groupe, c'est à dire au moins pour aller chercher une assiette de tartiflette ou un bon verre de cidre. Il arrive parfois d'être stoppé dans son élan par un groupe en train de jouer, oublier la détermination qui nous poussait à traverser ce bout de champ retiré, s'arrêter, s'asseoir sur l'herbe cramée et écouter. Preuve en est, c'est les mains vides que posée devant The Same Old Band, j'ai interrompu ma conversation pour écouter ce rock psychédélique proche de la transe, teinté de belles influences 70's. Le nouveau dispositif de label des Vieilles Charrues a pris sous ses ailes ces très jeunes français venus de Lorient, généreux en guitares discordantes et textures hypnotiques. A suivre et à vivement encourager.



Que ce soit les Tambours du Bronx versus les Frères Morvan en 2009 ou DJ Zébra versus le Bagad Karaez en 2011, les créations originales des Vieilles Charrues sont toujours des événements mémorables et ont pour point commun de réunir et de confronter modernité et tradition. De retour du côté de Kerouac, la formation The Celtic Social Club offre un étonnant brassage des sept territoires de la musique celtique avec des artistes hip-hop et reggae ainsi qu'un rappeur New-Yorkais, qui a traversé l'Atlantique pour l'occasion. Paris ambitieux de mêler tant de genres dans un amalgame un peu trop jeune et excité pour être cohérent. Tout de même de beaux moments de spontanéité et de partage musical face à quelque pétards mouillés, on salue la performance en attendant le concept un poil plus abouti.

L'appendicite, c'est de l'histoire ancienne. Patrick Bruel en remplacement au pied levé, également ! Elton John a embarqué à bord de son hélicoptère depuis Lorient pour honorer sa parole suite à son manqué de dernière minute l'année passée. Et il faut reconnaître que Sir Elton ne tient pas ses promesses à demi-mot. Veste bleue roi étincelante imprimée dans le dos de la typographie de l'album Madman Accross The Water et lunettes teintées assorties, le kitsch qu'on lui connait bien ne manque pas à l'appel et le contraire aurait été bien triste. En guise d'amuse-bouche, un duo de violoncellistes ainsi qu'un batteur, l'historique Nigel Olsson, réinterprètent en virtuoses les grands standards de Nirvana, AC/DC... histoire de prévenir, les légendes sont là. Puis débarque le Lord de sa Majesté et c'est parti pour deux heures de grands classiques de son cru pour traverser quarante-cinq années de carrière. C'est le défilé des hits : Bennie And The Jets, Candle In The Wind, Sorry Seems To Be The Hardest Word, I'm Still Standing, tout y passe. Pas le temps de s'attrister de l'absence du Roi Lion de notre enfance et de Can You Feel The Love Tonight car Your Song a déjà accéléré les pouls et fait improviser quelque slows malgré une foule très compacte. D'une voix claire, puissante, Elton John incarne avec élégance et simplicité le personnage que l'on attendait : ni plus ni moins un grand messager, depuis des décennies, porteur de l'amour universel face à une homophobie pandémique.

Si le parterre de la grande scène était noir de monde pour saluer Elton John, ce n'était rien en comparaison de ce qui attend Stromae. Certains sont venus de loin, et en famille pour l’événement. On a même rarement vu autant de têtes blondes sautiller sur la pelouse des Vieilles Charrues. Une vingtaine de minutes avant que le belge ne déchaîne tout ce beau monde, Kid Wise investit la scène Gall et fait immédiatement pleuvoir des trombes d'hymnes indie-pop insouciants. Au piano/synthé, le toulousain Augustin Charnet mène son équipe d'une main assurée et l'ensemble de cordes et de cuivres suspend le temps dans un univers rock entre hypnotisme et réjouissances.

A l'autre bout du festival, Stromae entame Ta Fête et le public qui avait applaudi Kid Wise tourne les talons en direction de la grande scène, laissant aux toulousains un parvis de scène déserté à moins d'une demi heure de concert. On crierait au scandale ou à l'injustice que personne n'entendrait. Quand Stromae opère, il obnubile la foule et s'accapare le périmètre avec son show de transe pharamineuse. Trois rangées de public, c'est ce qu'il reste devant Kid Wise. Le combo ne se démonte pas et montre sans réserve sa reconnaissance à ceux qui les ont choisis face à ce que certains considèrent quand même comme des textes malmenant la langue française dans le lieu commun sur une musique inécoutable. Eh oui, personne ne fait l'unanimité.

Pour finir en beauté cette soirée grandiloquente place à la déferlante de tubes de Franz Ferdinand sur la scène Kerouac. Du rock en velours, du rodé, un peu plaqué mais diablement efficace. Face à Take Me Out et aux morceaux tout frais de leur dernier album Right Thoughs, Right Words, Right Action, la position statique est inenvisageable. Le charismatique leader Alex Krapanos ne semble pas vouloir se plier docilement aux lois de la gravité et parcourt la scène en sauts de cabris galvanisants. Dingue.
artistes
    Tinariwen
    Elton John
    Stromae
    Gesaffelstein
    Jungle
    The Celtic Social Club
    Miossec
    Franz Ferdinand
    The Same Old Band
    Saint Michel
    Casseurs Flowters
    Kid Wise
    Young Fathers
    Crew Peligrosos
    Christine Salem
    Dù Bartas
    Dakh Daughters
    Violons Barbares