logo SOV

Fête de l'Humanité

Paris, du 12 au 14 septembre 2014

Live-report rédigé par Olivier Kalousdian le 17 septembre 2014

Bookmark and Share
vendredi 12
Joe Dassin, lui-même se serait étonné de l'été indien qui plane au dessus de la France et du parc de la Courneuve, jouxtant l'aéroport du Bourget, pour cette 79ème édition de la Fête de l'Humanité. Narguant les Festivals, Rock en Seine et autres Solidays, qui ont subi la pire météo estivale qu'on ait connue depuis cinquante ans, le festival de musique qui accompagne la grande messe « humaniste » du mois de septembre en Île de France propose, cette année, une programmation assez peu inspirée. À deux exceptions près : Temples et Massive Attack, en tête d'affiche du vendredi soir.

SOV

Le soleil est encore chaud. Il illumine autant les visages d'un public en déficit de vitamines D que les artifices glam des quatre prodiges anglais de Temples qui ouvrent les festivités. Vêtus de tenues noires aux coupes étriquées, surmontées de coupes de cheveux piquées aux Ramones et T Rex, James Edward Bagshaw, Thomas Edison Warmsley, Sam Toms et Adam Smith réinventent le rock à remonter le temps. Habités par les Kinks et les premiers Pink Floyd, agrémentés d'un soupçon d'Electric Prunes, les Temples remettent au goût du jour une musique psychotrope qui aurait sûrement comblé Timothy Leary. Avec un premier album, Sun Structures perçu comme un des moments forts du rock anglais cette année par de nombreux fans, dont font partie Johnny Marr et Noël Gallagher, Temples déroulent des titres qui font déjà autorité dans le genre, rock psychédélique : un Mesmerise mémorable dans une version de plus de sept minutes rallongée de solos longs et tortueux ; Move With The Seasons, son chant évanescent et sa mélodie méditative ou le très Beatles (période Hare Krishna) Shelter Song qui invite l'auditoire au voyage, quelque part dans la twillight zone...
Celles et ceux qui découvrent Temples, et ils sont nombreux alors que le parc de la Courneuve n'est pas encore aux maximum de sa capacité d'accueil, sont conquis par les sonorités sixties et la maîtrise qui émanent de ces quatre post adolescents. Peu expressifs en live, Temples compensent le manque d'occupation scénique (sur une scène démesurément grande, il est vrai) par des compositions quasi parfaites et un talent à faire sourire Syd Barrett, lequel contemple, sans aucun doute, le spectacle donné du haut d'un ciel totalement dégagé où Lucy se pare de diamants. La grande scène de la Fête de l'Humanité démarre son show sous des mantras alimentés d'un flot de pédales wah-wah et de sonorités distordues, mais définitivement au sec ! Un événement, en soi.

SOV

Fort de dix-sept albums sortis depuis 1982 et qui ont tous, ou presque, fait le tour du monde des radios et des platines de discothèques, Alpha Blondy et son groupe, le Solar System, sont les agitateurs d'un reggae africain et populaire dont l'interprétation de titres inoubliables comme Brigadier Sabari (dénonçant la corruption et les violences policières en Côte d'Ivoire) ou Opération Coup de Poing font encore danser le public et tousser les rasta en 2014.
Un set haut en couleur que Seydou Koné conclura par une reprise ragga et totalement inattendue (mais au combien de circonstance, après le set des Temples) du Wish You Were Here des Pink Floyd. Premier concert à la Fête de l'Humanité pour Alpha Blondy, mais sûrement pas le dernier si dieu (que Seydou Koné ne quitte plus, quitte à écrire une chanson anti-avortement) lui prête vie, à en juger par ses échanges avec le public et son amour de l'humanité tout entière, distillé à chaque intermède.

Il semblerait que l'engagement politique des jeunes musiciens soit aussi rare et ténu que celui des anciens est grandissant et de plus en plus affirmé ! Après un état des lieux, plutôt triste des rapports entre les Africains et leurs dirigeants et dans une ambiance nationale extrêmement tendue, c'est au tour de Massive Attack de démontrer que rock et politique ont plus d'affinités et de sujets en communs qu'on pourrait le croire, au premier abord. Cela tombe bien, nous sommes à la grande parade du Parti Communiste.
Robert Del Naja (alias 3D) et Grant Marshall (alias Daddy G) sont des précurseurs et des instigateurs de talents, comme il y en a peu en Angleterre. Avec les débuts de Massive Attack en 1988 et de leur premier album coup de poing, Blue Lines, naissait le trip-hop. En version noire, saupoudrée d'un esprit post-punk. Tellement punk que seules les tensions au sein du groupe semblaient pouvoir donner le jour à des titres puissants et mémorables. Si Tricky ne s'en est jamais remis et a préféré développer sa carrière solo, Martina Topley-Bird et Horace Andy ont rangé leurs rancœurs et jouent les invités surprises de ce concert à la Courneuve. Dans une enceinte maintenant noire de monde avec plus de 30 000 personnes et aussi politisée qu'un syndicaliste à la manifestation du 1er mai, Massive Attack surprennent et ravissent les néophytes en affichant sur d'immenses écrans digitaux d'arrière-scène des messages ultra engagés et sans aucune ambiguïté. Robert Del Naja n'a jamais caché son militantisme alter mondialiste et, ce soir, les informations qui frappent la rétine du public en police « apple » tournent toutes autour des multinationales douteuses et des conflits du Moyen-Orient.

SOV

Sur le titre ouvrant le set, Battle Box 001, une myriade de logos d'entreprises cotées en bourse dans le monde entier s'enchaîne à une vitesse folle, mais calculée pour que la rétine ait juste le temps de s'en imprégner. Les multinationales françaises sont à l'honneur dans ce qui semble être un règlement de compte avec le grand capital et le pouvoir grandissant de ces groupes, tentaculaires. Untitled Snakes fait monter les basses à un niveau quasi anesthésiant et les messages logo-typés laissent la place à des écrits, tels des mails décodés par Wikileaks, dénonçant Georges Bush, les USA et leur désir expansionniste, aussi bien que les djihadistes et leurs meurtres odieux. Les invités politiques, comme le public, boivent du petit lait...
Sur Paradise Circus, Martina Toplay Bird apparaît, les cheveux attachés en chignon et revêtue d'une tenue noire futuriste lui donnant un air de Rachel dans Blade Runner... Elle insuffle un peu de douceur à ce feu d'artifice sonore et visuel. Teardrop ou Angel remettent les pendules à l'heure du trip-hop seul et provoquent la communion sur le terre-plein où plus un seul centimètre carré de pelouse n'est visible. Si Elisabeth Fraser (Cocteau Twins) n'est plus de la partie, Horace Andy, du haut de ses soixante-quatre ans, est bien là et joue de sa voix quasi androgyne dans ce collectif protéiforme qu'est Massive Attack. C'est sur un des plus vieux titres du groupe que la fête se termine en ce vendredi soir, Unfinished Sympathy le bien nommé.

Dans une fête de l'Humanité qui souffre d'un côté gauche atteint de tendinite aiguë, les Massive Attack font résonner leurs violons, leurs percussions et leurs messages, au-delà du parc de la Courneuve et, qui sait, peut être jusqu'à la rue de Solférino, devenue douteusement, ambidextre.
artistes
    Temples
    Alpha Blondy
    Massive Attack
    Vex
    Tigers Can Swim
    Florent Marchet
    Yves Jamait
    Francesco Bearzatti Tinissima 4et
photos du festival