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Eurockéennes

Belfort, du 3 au 5 juillet 2015

Live-report rédigé par Xavier Turlot le 24 juillet 2015

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dimanche 5
C'est au trio malien Songhoy Blues que revient d'entamer la dernière journée du festival en offrant au public un séduisant mélange de blues rock et de musique traditionnelle malienne.

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Le trio produit par le guitariste des Yeah Yeah Yeahs excelle dans cette fusion qui paraît évidente : ritournelles, basse qui groove et impressionnants solos de guitare caractérisent leur musique. Quoique physiquement très statiques, les trois musiciens instaurent vite une complicité avec le public grâce à une bonne humeur et une détente contagieuses. La sobriété de la production rend le concert extrêmement confortable à écouter, personne ne déborde sur la partie d'un autre et le guitariste parvient à imposer ses parties techniques parée d'un son moelleux sans aucune détérioration auditive. Sa nonchalance jure avec sa dextérité, mise au service de mélodies traditionnelles, de gros riffs blues ou de solos rock dévastateurs. Une maîtrise qui donnera envie de se pencher sur leur album Music In Exile.

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Les Australiens de Parkway Drive débarquent sur la grande scène au milieu d'un décor post-apocalyptique digne de Mad Max fait d'un bric-à-brac de garagiste. Leur aisance détone autant que leur musique, axée sur le grand spectacle et la débauche sonore et visuelle. Qu'on aime ou pas, les bûcherons de Byron Bay divertissent immédiatement avec leur déluge de hurlements rauques et de distorsions heavy. L'ambiance est tout de suite détendue et bonne enfant et Winston McCall n'hésite pas à chauffer les fans et à partager son plaisir.

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C'est ensuite un duo difficile à oublier qui enchaîne au club loggia : Slaves, groupe de punk minimaliste survolté. Isaac Holman arrive en caleçon rose sur la scène surmontée d'une gigantesque toile figurant deux caniches sur fond rose, suivi de son acolyte Laurie Vincent à la guitare. Le chanteur bat le rythme sur un tome basse et une caisse claire, il sue des litres de transpiration en hurlant sa rage tandis que le guitariste balance une purée punk vintage du plus bel acabit. Question style nous sommes dans le rigorisme le plus absolu : le tempo, l'absence d'ornementations et bien sûr l'accent à couper au couteau viennent ancrer le caractère intemporel de ce punk anglais pur sang. Holman présente les chansons, demande aux spectateurs comment ils vont, parle de Londres et de sa peur du Yeti en forêt la nuit...
Les riffs d'outre-tombe de The Hunter et de Cheer Up London font mouche, un fan arrive sur scène affublé d'un flying suit et parcourt la scène au milieu des deux musiciens sans que la sécurité s'en soucie plus que ça, puis un problème technique retarde l'interprétation des deux dernières chansons : Sugar Coated Bitter Truth et Hey, qui fermeront ce concert suintant l'énergie et l'efficacité.

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Après le déversement de violence hip-hop électro de Run The Jewels sur la Plage, c'est un plus grand déversement encore qui s'apprête à sévir sur la grande scène, avec l'arrivée de Die Antwoord, le très sulfureux trio d'Afrique du Sud. Au-dessus de la scène ornementée de dessins zef apparaît le visage glaçant de Leon Botha alias DJ Solarize, ancien collaborateur du groupe mort prématurément. Après l'arrivée de DJ Hi-Tek qui se met à ses platines affublé d'un masque de singe, le logo du groupe figurant un springbok apparaît et la violence électronique commence sur fond de vidéos obscènes en 3D. Le duo arrive habillé dans les habituelles combinaisons de peluches et entame un morceau inconnu qui n'empêche pas la foule de se déchaîner. Yolandi Visser danse, monte sur la table du DJ, saute et court tout en chantant et poussant des cris suraigus. Fatty Boom Boom déclenche une quasi émeute avec les deux meneurs qui rivalisent de folie et de mauvais goût, la partie visuelle de leur univers malsain qui allie sexe, crasse et difformités. Leur expérience scénique est impressionnante : ils chauffent les spectateurs en permanence, au milieu même de leurs morceaux. Le show est orienté pour fournir des impacts visuels continuels, que ce soit par les vidéos, les costumes ou les danseurs. Quelques titres de Donker Mag défilent, dont Cookie Thumper et Pitbull Terrier sont les fers de lance. On remarque que les chanteurs ont changé de vêtements alors que leur disparition était passée inaperçue, même les microphones sont assortis. Baby's On Fire et I Fink U Freeky déclenchent à nouveau une quasi émeute dans le public, avant une conclusion par Enter The Ninja dont la durée a été triplée.

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La programmation de James Blake est malheureusement assez malvenue, juste après le duo sud-africain de bêtes de scène et le phénomène Alabama Shakes. Ce n'est certainement pas le moment idoine pour jouer une musique minimaliste et introspective, et la foule sera dure à maintenir devant la greenroom ; d'autant plus que de lourds nuages s'amoncellent portés par le vent froid qui se lève. L'Anglais arrive sur scène accompagné d'un guitariste et d'un batteur puis attaque une introduction instrumentale lente et langoureuse qui ne fera rien pour retenir les curieux qui ne le connaissent pas. Les magnifiques superpositions de voix de I Never Learnt To Share nous plongent dans l'abysse électronique si distinctif de Blake, un brassage de mélodies soyeuses et de passages instrumentaux bancals (dans le sens élogieux du terme). Idem pour Limit To Your Love, la reprise de la chanson de Feist, minimaliste parmi les minimalistes... De grosses gouttes froides commencent à tomber sur les spectateurs dont la densité décroît peu à peu, il se passe plus ou moins la même chose au même endroit que pour Foxygen un jour plus tôt : l'artiste ne rencontre pas son public. On peut faire un tabac au Pitchfork Music Festival et un flop aux Eurocks, peut-être parce que c'est la bonne heure pour dîner ou que le métal d'Electric Wizard s'inscrit plus dans la tradition des festivaliers… Le groupe ne démérite pourtant à aucun moment, le set propre et sombre déroule son lot d'expérimentations synthétiques et vocales avec son brio habituel, ainsi qu'avec une immobilité qui les rendrait plus à leur place dans une petite salle à l'ambiance feutrée, mais peu importe, les fans auront droit à une prestation à la hauteur de leurs espérances.

C'est ensuite au tour de Flume, jeune DJ australien d'à peine vingt-trois ans, de chauffer la plage avec ses mélanges d'electronica et de trip-hop langoureux. La pluie froide est devenue pénible et l'orage gronde au loin, pourtant la foule se masse pour danser sur le sable détrempé, et ce au détriment de Sting qui se produit en même temps sur la grande scène. Son fameux remix vaguement dubstep de Disclosure, You & Me, remporte un fier succès. Un spectacle de marionnettes aériennes et un feu d'artifice lacustre viennent clore cette édition des Eurockéennes, qui se sera déroulée dans des conditions climatiques décidément très étranges.

A côté des groupes taillés pour les stades encore nécessaires pour rentabiliser une manifestation d'une telle envergure, on aura pu apprécier la programmation plus éclectique et risquée de la scène de la plage le samedi, même si le « rock » d'Eurockéennes devient de plus en plus difficile à identifier.
artistes
    Sting
    Die Antwoord
    Damian 'jr. gong' Marley
    Parkway Drive
    Eagles Of Death Metal
    Flume
    Alabama Shakes
    James Blake
    Batida
    Songhoy Blues
    Kevin Gates
    Run The Jewels
    Sinkane
    Electric Wizard
    Grand Blanc
    Slaves
    Puts Marie
    Les Plasticiens Volants
photos du festival