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La Route du Rock

Saint-Malo, du 13 au 16 août 2015

Live-report rédigé par François Freundlich le 29 août 2015

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Nous sommes le samedi 15 août, le jour que l'on attendait depuis plusieurs mois comme le jour de « Björk à la Route du Rock », jour qui n'aura donc pas lieu pour cause inconnue. Nous ravalons donc nos karma-points, comme l'a si bien dit l'islandaise, décidant d'apprécier cette soirée qui n'aura pas la saveur attendue.

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Des anglais pour ouvrir la scène des Remparts, voilà qui devrait nous consoler un peu. Le londonien de Only Real s'essaie à une summer-pop un brin laid back, portée par ses faux airs de Ron Howard dans Happy Days, effet renforcé par ses mimiques rigolotes. Les effets psychédéliques font vibrer les guitares ou claviers qui trouvent des airs californiens, alors que les chœurs y surfent en toute quiétude. Si on peut parfois être séduits par ces gentillettes compositions pouvant accompagner la sieste de fin d'après-midi, on pourra reprocher un manque d'originalité dans cette réponse anglaise à Mac DeMarco. L'ambiance estivale du festival joue beaucoup pour nous remuer, mais il ne se passe pas grand chose musicalement. On se dit rapidement que cet artiste risque d'être oublié aussi vite qu'il n'est apparu mais il aura réussi à nous distraire pendant quelques minutes.

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L'Islande sera tout de même représentée ce soir avec Kiasmos, duo mené par le pianiste virtuose Ólafur Arnalds, accompagné par Janus Rasmussen. Pour avoir été ébloui par les accords de piano d'Ólafur Arnalds, nous ne pouvons que regretter de le voir sans son instrument fétiche, pourtant nous allons vite nous apercevoir qu'il a de nombreuses cordes à son arc. Les deux DJs apparaissent éclairés par le soleil pour une ambiance électro minimaliste qu'on a d'avantage l'habitude d'entendre à la nuit tombée. Nous voilà pourtant immédiatement sous le charme de ces sonorités empreintes d'une subtilité délicate, ou les cordes planantes s'emmêlent à chaque beat sous-pesés pour rester dans une certaine légèreté. Quelques notes de piano ou de xylophone pour débuter dans une amertume contemplative, quelques velléités bruitistes en écho, une grande maîtrise et nous obtenons le concert électro parfait. Chaque note semble toucher la perfection et une froideur vaporeuse s'échappe des titres de Kiasmos. Les deux DJs remuent allègrement devant leurs laptops, semblant possédés par les montées instrumentales parfois lumineuses, parfois sombres et inquiétantes. On a touché le glacier de près avec ces deux vikings fragiles et leur machinerie intra-organique.

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Après le froid, la chaleur des Madrilènes de Hinds est parée à envahir la scène des remparts. Ce quatuor formé par des demoiselles qui n'avaient jamais joué devant autant de monde nous laissera plutôt perplexe. On a apprécié les sourires et les tentatives gênantes de parler en français (au bout de dix fois, il faut abandonner), mais on n'a pas trop compris ce que ce groupe amateur pas très en place faisait à la Route du Rock. Cela pourrait être charmant sur une scène tremplin mais l'indie rock 60's des Hinds n'a pas vraiment d'intérêt. On avait pourtant apprécié leurs compatriotes catalanes de Mourn à l'édition hiver du festival mais il n'y ici rien à entendre ou à retenir, si ce n'est un emballement excessif de la presse et des parties vocales à coté de la plaque. Nous préférons donc ne pas en rajouter sur ce flop monumental.

La première grosse déflagration sonore de la soirée a pour nom The Soft Moon. Nous aurions pu appeler S.O.S. synthés maltraités dès le premier morceau mais préférons voir les américains prendre possession du festival et l'étrangler de sa tenaille industrielle. Le trio réinvente le post-punk et l'indus à coup d'assauts drones, de saccades dérangeantes et de nappes de synthés futuristes. La voix aériennes s'extirpe du marasme dans toute sa noirceur avant de s'envoler vers des chœurs aigües passionnés. Le rapace déploie ses ailes sombres et tempétueuses pour faire vibrer nos organes jusqu'à l'implosion. Le rocher The Soft Moon est brut, tranchant et ne s'attrape pas en plein vol. Les guitares crissent sur une rythmique qui ne lâche jamais les armes tandis que les cris habités de Luis Vasquez s'y empalent. La comparaison avec Nine Inch Nails est inévitable mais on trouve ici quelque chose en plus, une urgence contemporaine qui nous irradie complètement. Le show évoluera vers des influences new-wave avec ces guitares torturées rappelant The Cure, nous prenant encore plus par surprise. The Soft Moon a invoqué les dieux lunaires et chassé le soleil de la nuit malouine, pour notre extase personnelle.

Les guitares incisives sont décidément de sortie puisque les Anglais de Spectres vont remettre une couche de noise viscérale sous le tapis. Une voix monocorde, fantomatique et voilée récite des incantations sur fond de bruissements sourd de guitares torturées et déchainées. Spectres nous jettent au visage leurs assauts machiavéliques et nous l'absorbons comme du pain béni. De sourds moments planants et dérivants succèdent à des murs déstructurés et chaotiques d'électricité pas si statique. Le quatuor de Bristol ne nous laisse pas vraiment dans un état de joie insouciante, on pourrait même dire qu'ils auraient pu suspendre le chanteur de Only Real par les pieds au-dessus de leur concert. Malgré les assauts, nous tenons bons mais sans nous approcher trop près de peur de sombrer dans des abysses dont on ne revient plus. Le tensiomètre a atteint le maximum de son stress lors de cette prestation rageuse de Spectres s'approchant plus de Zuul que de Casper.

Nous attendons la tête d'affiche remplaçante, les anglais de Foals alors qu'une annonce au micro se fait entendre dans le festival : leur bassiste étant à l'hôpital et le groupe voulant vraiment jouer ce soir, il sera remplacé par un des technicien backliner. La prestation s'en trouvera quelque peu réduite mais peu de monde aura relevé la différence, le remplaçant parmi les remplaçants s'amusant même comme un petit fou. La setlist a certainement due en être modifiée, ce qui n'empêchera pas Foals de présenter quelques titres de son nouvel album à paraître, dont Snake Oil en introduction. Ces habitués du festival ont fait évoluer leur musique vers des sonorités plus radio-friendly : reconnaissons que Red Socks Pugie ou Two Steps Twice nous rappelleront avec nostalgie le Foals originel. Avant cela, le tube My Number a su lancer idéalement le concert, faisant danser une foule qui est tout de même venue en masse malgré le désistement. Il sera enchainé avec un nouveau titre que nous découvrons en live, Mountains At My Gates qui n'a pas à rougir face à son prédécesseur mais confirmant encore plus le virage pop de Foals. Malgré cela, la voix parfaite de Yannis Philippakis fait toujours tilt dans notre tête et nous parvenons difficilement à en vouloir aux Oxfordiens, qui possèdent toujours cette amplitude gigantesque en live. Après le moment d'extase Spanish Sahara, Yannis n'hésitera pas à descendre dans la fosse pour brandir sa guitare vers la foule. Inhaler et son riff explosif un brin putassier ne suffira pas à nous faire oublier les concerts de 2008 ou 2010 ou Foals n'était pas encore l'immense tête d'affiche qui envoie du poney. Qu'importe, le groupe a répondu présent, fait le job et réussit à nous exciter un minimum, même si le souvenir ne sera pas aussi impérissable.

Ce samedi soir s'achèvera avec la house insipide de Daniel Avery qui parviendra à nous perdre complètement et à abandonner cette soirée en demi-teinte. Si Kiasmos ou The Soft Moon sont clairement sortis du lot, d'autres prestations sombreront dans l'oubli le plus total. Un samedi « peut mieux faire » avant un dimanche canon.
artistes
    Christophe Brault
    Daniel Avery
    Flavien Berger
    Foals
    Hinds
    Kiasmos
    Lindstrøm
    Only Real
    The Soft Moon
    Spectres