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We Love Green

Paris, du 4 au 5 juin 2016

Live-report rédigé par Olivier Kalousdian le 16 juin 2016

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dimanche 5
We Love Green amplifie son audience d'année en année. Il devenait donc urgent pour le festival porté par le label Because Music d'investir des lieux plus vastes et, surtout, moins précieux que le Parc de Bagatelle. Etant donné le climat post-apocalyptique auquel l'Île de France a du faire face les dix jours précédent le festival, on peut dire que les organisateurs ont eu le nez creux ! Car, si la Plaine du bois de Vincennes possède la surface et la végétation nécessaires à l'absorption des pluies diluviennes tombées les jours précédents, on imagine mal comment aurait pu se tenir un We Love Green 2016 dans les jardins de Bagatelle...

Mais, même logé au sein d'une mini forêt, ce We Love Green 2016 a bien failli ne pas se tenir. Le préfet, jusqu'à la veille de l'ouverture, restant frileux à l'idée de signer l'autorisation de conformité en sécurité. De nouvelles pluies dans la nuit du 3 au 4 juin et c'en était fini du We Love Green 2016 !
Redoublant d'efforts et de moyens consacrés, l'organisation a du renforcer les accès (graviers, paille, déblaiement de boue...) et gréver son budget de plus de 135 000 euros pour satisfaire aux exigences de sécurité. Las, certains concerts (Inrocks Lab) et certaines facilités ont quand même du être annulés (comme la crèche pour enfants).
Après dix jours de pluie quasi ininterrompus, une brève accalmie aquatile se dessine, sous un ciel toujours menaçant et va permettre aux centaines de bénévoles et de membres de l'organisation du festival d'ouvrir ce We Love Green 2016 dont la première journée aura vu se produire le retour, ultra attendu et en très grande forme, de la formation phare du label DFA : LCD Soundsystem et son maître à penser, James Murphy, ont réussi à faire oublier la nuit de boue et la fine pluie qui s'est invitée pendant un set mémorable et totalement barré.

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Quand ré-ouvrent les portes du festival en ce dimanche 5 juin, la plaine est boueuse et la terre, pourtant recouverte d'un mille-feuille de paille épais, laisse apparaître des pièges marécageux qui embourbent, dans des sable mouvant impossibles à assécher, n'importe quelle paire de bottes caoutchoutée telle qu'il s'en est vendue par dizaines de milliers les jours précédents We Love Green.
Au village artistes, les Fat White Family sous l'égide de Lias Saoudi en pleine réflexion dans un fauteuil en bois, une cigarette en main et son amie sur ses genoux, tiennent conseil. Sobres, calmes et presque présentables, ils attendent leur heure. A 16h, ils déclenchent les hostilités sur la scène principale. Il en faut pour tous les goûts et, devant un Lias Saoudi qui va rapidement s'employer à quitter sa chemise pour finir en short, on se réjouit que la programmation du festival ait eu du goût pour le mauvais goût ! Suivant l'inévitable Auto Neutron ouvrant le set des Fat White Family, The Whitest Boy On The Beach agit comme une surdose de caféine sur le public, mais surtout et également sur Lias Saoudi qui passe de trublion excité à un démon hurlant dans son micro tout ce que ses noirs poumons lui accordent de capacité respiratoire. C'est là que le miracle survient : en l'espace d'un instant, plusieurs centaines de festivaliers se détournent de la scène et lèvent les yeux au ciel. Comme dans Blade Runner et nombres de films d'anticipation à la noirceur post-apocalyptique, il aura fallu attendre la fin du film ou presque, le moment où le héros embrasse enfin l’androïde magnifique pour que le ciel plombé se déchire sur une maigre bande laissant entrevoir, entre deux nuages moins denses que les autres un espoir lumineux couplé à la chaleur de radiations qu'on pensait reléguées aux souvenirs les plus anciens. A demi nu et au bord de l'apoplexie, Lias Saoudi accompagné de sa bande ont une fois de plus livré une prestation rock'n rollesque non linéaire où l'attitude et le talent se conjuguent pour renforcer l'adage qu'Alice Cooper, maître du genre aimait à rappeler : « Dans le rock il y a les hors-la-loi et les autres. Souvent, les autres ne font pas du rock ».

Pendant que Fatima Yamaha envoie des kicks et fait résonner les beats électroniques sur la scène de la Clairière, le Think Tank accueille nombres d'invités venus parler d'écologie sous toutes ses formes devant un public très nombreux. Alimentation, économie, digital... quasiment tous les sujets de l'avenir de nos sociétés seront traités en deux jours de débats sur l'estrade située un peu trop près de la scène principale.

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Deuxième grosse attente de la journée, les amazones de Savages. Sur la scène de la Prairie – qui n'en est plus une depuis dix jours – Jehnny Beth (qui fut, un jour, la Française Camille Berthomier) et ses girls entament un tour de chant dont le but à atteindre semble être : plus fort, plus haut, plus couillu que tous leurs homologues masculins. Théâtrale et charismatique malgré un différent parfois évident entre son public et elle, Jehnny Beth est une bête de scène qui n'hésite ni à pénétrer le public, au sens propre comme figuré ni à en faire un peu trop. Sad Person ou I Need Something New sont les exemples parfaits de titres forts en testostérone, mais si volontairement brouillons qu'ils en deviennent parfois indigestes. Restent la puissance et la conviction de titres comme Husbands et surtout Fuckers, fermant la marche pour convaincre les plus hésitants que le groupe Savages a bel et bien révolutionné les « gilrs bands » et ne craint aucun de ses confrères, même sévèrement burnés !

A la Clairière, le norvégien Lido tente d'imposer ton trip-hop bercé d'électronica. Mais, déjà il est l'heure de la course aux stands d'alimentation. Vegan, gluten free, viandards (mais en version bio)... il y en a pour tous les goûts et de toutes les cultures. Le choix est cornélien tant les stands sont nombreux et alléchants : seuls les tarifs incitent souvent à choisir le plus frugal des repas... Ici, comme cela devrait se faire ailleurs, on tente de consommer moins, mais mieux.
C'est également l'occasion d'aller rendre visite aux nombreux stands associatifs qui défendent les migrants rejetés en mer, l'électrification durable de l'Afrique ou les cultures éthiques et responsables de café ou de cacao... We Love Green est d'abord et surtout un festival engagé.

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Pour le dîner, quoi de plus apaisant qu'un James Blake mélancolique en prime time et sur la grande scène ? Sous un ciel qui joue avec les nerfs des festivaliers, passant du grand bleu à une nouvelle bande de nuages menaçants, James Blake, assis à son clavier déroule son set nostalgisant et mélodramatisant accompagné d'un batteur et d'un guitariste, assis, eux aussi. Les rayons du soleil qui se mettent à inonder la scène réchauffent le moral des festivaliers et l'ambiance sonore de titres nuageux comme le célèbre Life Round Here ou Radio Silence.
Jugé un peu trop ténébreux, certains se détournent pour la belle afro américaine Kelela et ses rythmes R&B qui attire à elle, sur la scène de la Clairière, celles et ceux qui pensent qu'il est un peu trop tôt pour se voir imposer un set d'une absolue beauté, soit, mais définitivement soporifique. La cover de Feist, Limit To Your Love ou le titre The Wilhelm Scream seront les points d'orgue d'une prestation offerte à tous les amoureux qui s'étreignent, les yeux dans les yeux et les pieds dans la boue.

Jean-Benoit Dunckel et Nicolas Godin, alias Air, ne se sont plus beaucoup produits sur scène ces dernières années et, notamment le succès planétaire auquel ils ont légitimement eu droit entre 1998 et 2007. Entre la tentative avortée de Jean-Benoit Dunckel et Lou Hayter (New Young Pony Club) dans leur combo Tomorrow's World et le side-project Starwalker, le duo Air n'est jamais vraiment resté inactif. Musiques de films, collaborations extérieures et, surtout, préparation de ce nouveau show dont l'exclusivité parisienne est donnée au festival We Love Green. De blanc vêtus, en harmonie avec les visuels projetés sur l'arrière-scène, les quatre membres du groupe sur scène vont proposer, en ce début de soirée une belle surprise aux plus sceptiques des festivaliers en interprétant une setlist de rêve pour tous les amateurs de cette french touch qui porta, il y a quelques années, la créativité française au firmament de l'industrie du disque. La Femme d'Argent, Sexy Boy et le très beau Playground Love transportent un public massif quelque part de la terre à la lune et offrent la plus belle transition qu'il soit, entre chien et loup, sous un ciel enfin dégagé où luisent quelques étoiles... Armés d'un double Best Of, Twentyears, Air, les biens nommés, sont bel et bien de retour et marquent d'une pierre blanche la deuxième journée de We Love Green 2016.

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Avant le rock'n roll, aucune musique ne permettait de décrire ce qui se passait dans le monde par de simples paroles de chansons ni que le bruit du monde ne soit une musique par lui même. Ce constat prend toute son ampleur lorsqu'à 22h, la grande prêtresse du rock marécageux anglais pénètre sur la scène principale au son de Chain In Keys, accompagnée d'une armée de musiciens, une fanfare fantasmagorique aux allures d'avant garde guerrière des siècles passés...
En dix-sept titres, PJ Harvey va transformer le bois de Vincennes en foret de Brocéliande, mystifiant tous les groupes précédents dans un déluge sonique et visuel dignes des plus grands concerts qu'il nous ait été donné de voir dans des festivals. Cette fois, c'est le noir qui domine outrageusement et il fallait bien ça pour accompagner les titres de The Hope Six Demolition Project, une ode en forme de protest songs new wave contant les méfaits et les dérives d'une société divisée et aux abois.
Avec un casting de rêve réunissant James Johnston (Gallon Drunk), Mick Harvey (The Bad Seeds) ou son compagnon de toujours John Parish, les dix membres du groupe vont enchanter ce We Love Green 2016 en déroulant six titres du dernier album en date puis quatre du mythique Let England Shake. Dans une tenue à couper le souffle (couronne de lauriers noirs ; mini jupe cuir noir satin et longs voiles noirs recouvrant ses bras jusqu'au sol) et avec une allure de chaman rock, PJ Harvey met son public à genoux quand résonnent les premières mesures de Down By The Water puis To Bring You My Love après une longue présentation de ses musiciens, ou devrait-on dire, des légendes musicales vivantes présentes à ses cotés. C'est alors qu'une lune rougeoyante fait son apparition à l'horizon, en écho au jeux de lumière orangé détachant le fond de la scène de ses dix héros du rock bayou.

On dit du public de We Love Green qu'il est parisianiste, hippie chic ou bobo (si tant est que ce terme ait une vraie signification ?). En cette année tourmentée par les éléments naturels, nulle trace de ce public réputé difficile, endormi, feutré... voire pédant. Le mélange des genres fut plus hétéroclite que jamais, que ce soit question programmation ou classes sociales représentées. 2016 restera comme le meilleur cru de We Love Green ne serait-ce que pour les prestations de LCD Soundsystem, PJ Harvey et Air, et ce malgré des conditions à la limite du praticable, mais une organisation qui a redoublé d'effort et de solutions de dernières minutes pour faire de cette première édition au Bois de Vincennes un succès retentissant. Nul doute qu'ils remercieront le préfet et la mairie du 12ème arrondissement de Paris pour leur avoir fait confiance, de bout en bout.
artistes
    PJ Harvey
    Air
    Diplo
    James Blake
    Fetty Wap
    Savages
    Kelela
    Dam Funk
    Fat White Family
    Son Little
    Ame
    Lido
    Dave Harrington Group
    Fatima Yamaha
    Superpoze
    Jacques
    Shanti Celeste
    Pascal Comelade & Les Liminanas
    Masomenos
    Ariel Ariel
    Norma
    Lago
    Blow
    Clara Luciani