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Sziget Festival

Budapest, du 10 au 17 août 2016

Live-report rédigé par Clémentine Barraban le 31 août 2016

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Un festival est une expérience hors du commun. Plutôt des expériences, que l'on pourrait comparer à une fête entre amis, des vacances, un voyage... Un festival comme le Sziget regroupe d'innombrables aspects à vivre, un peu plus fort que son quotidien, à expérimenter pleinement, de ses cinq sens (voire davantage).

Le Sziget Festival c'est, pendant une semaine, être isolé sur une île pour partir à la découverte du monde. Etre tantôt spectateur, tantôt artiste. Perdre le contrôle de soi, ou bien réinvestir son corps. Faire des rencontres, se découvrir, se dépasser... Sur l'Île de la Liberté tout est possible. Mais s'il est possible d'être globalement objectif pour rapporter un concert ou parler de musique, je ne pourrai raconter que mon expérience. Celle où je n'ai pas toujours eu la force d'aller aux concerts auxquels j'aurais voulu assister, où je n'ai pas tout vu, tout goûté, tout senti. Où j'ai raté des choses à cause de mon anglais bancal, où j'en ai gagné d'inattendues pour avoir compris de travers. Où j'étais parfois seule, parfois avec quatre cent mille personnes. Où j'ai lâché job en CDI et vie parisienne pour partir vibrer aux sons du plus grand festival de musique d'Europe, mais que j'y ai trouvé bien plus que des têtes d'affiche.

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Evidemment le Sziget ne sera pas dans ces lignes, qu'il ne surgira pas de l'écran du PC de la maison, ou du bureau. J'en ai simplement ramené un morceau, comme on ramène chez soi une pierre du mur de Berlin : un petit caillou chargé d'histoires.

Pour ce qui est de l'Histoire, le festival est né en 1993 suite au changement de système politique qui a marqué les années 90 dans le pays. Un tournant qui a fait souffler un vent de liberté sur la jeune génération hongroise, qui en l'absence de camps d'été socialistes, avait besoin d'un événement de grande ampleur pour se réunir pendant les vacances. Péter Müller et Károly Gerendai, respectivement musicien et manager, ont alors eu l'idée du Sziget (« L'Île », en hongrois) pour rassembler les jeunes dans une ambiance chaleureuse de fêtes et de concerts, sur l ‘île d'Óbudai, en plein centre de Budapest.

Le pont sur le Danube (pas tellement bleu), surmonté de drapeaux colorés souhaitant la bienvenue dans toutes les langues, conduit aux soixante-seize hectares de l'île, où campings, installations, chapiteaux et pas moins de cinquante scènes cohabitent étroitement. L'Apéro Camping, point de rencontre des festivaliers et journalistes francophones, avec confort et convivialité à la française, se révèle un lieu d'ancrage idéal pour trouver un peu de repos (et l'apéro, forcément !).

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Mercredi, première journée des festivités et coup d'envoi des concerts. La fête bat déjà son plein, les bars sont envahis, le taux d'alcoolémie général grimpe gentiment, les allées s'engorgent sous les décorations lumineuses, aux concepts variés et colorés, et la pluie tombe !

Sur le Main Stage, Die Antwoord pousse la loufoquerie à ses extrêmes, où le mouvement Zef sud-africain est un way of life à cent mille volts. Où la chanteuse, Yo-Landi Vi$$er est une poupée diabolique, sorte de Harley Quinn des bas fonds, accompagnée de Ninja, son gorille protecteur, une masse de nerfs qui débite son flow, tantôt en langue afrikaaner, tantôt en anglais. Le trio hyperactif aux multiples facettes (musique, films, marchandising de jouets et même leur propre marque de cannabis...) déchaîne les éléments en une explosion visuelle et sonore avec leurs titres phares et provocateurs, Rich Bitch, I Fink U Freeky ou Enter The Ninja, pousse la foule à répondre par des slams et pogos dans la boue, alors que le live prend des allures de freak show post apocalyptique.

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Aux platines, The Chemical Brothers traversent leur discographie comme un train glisse sur ses rails, passant à travers les titres massivement entendus de spots publicitaires et bandes originales de films. Si le big beat était un genre cinématographique, Tom Rowlands et Ed Simons en seraient, d'une certaine façon, les Georges Lucas : précurseurs, spectaculaires, obstinés et perfectionnistes à l'extrême, les frères chimistes trafiquent leurs samples avec une précision scientifique, tandis que les fresques surréalistes défilent sur les écrans géants aux rythmes de l'électro suave, micro-symphonie de sons métalliques. A voir de loin, les ombres se déforment et prennent des couleurs saturées antinaturelles.

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23h : en s'éloignant du Main Stage en direction de la plage (indication regroupant un certain nombre de possibilités, sachant qu'il s'agit d'une île...) se trouve le Magic Mirror, petit salle parquetée, pleine de miroirs et ronde comme un Royal Albert Hall, abritant un collectif qui a eu la brillante de réaliser un tribute à David Bowie (on se console comme on peut quand on a raté son passage au Sziget en 1997. J'avais huit ans, j'ai presque une excuse). La crème des chanteurs et performers hongrois s'est réunie pour prêter son souffle et donner une nouvelle existence à la discographie chargée du Grand Monsieur, des titres de légende (Heroes, Life On Mars, Aladdin Sane...) aux airs plus enfouis. Jeunes filles gracieuses, femmes de caractère, vieux rockers, voix douces ou enragées... tous semblent avoir été l'un des nombreux visages que David Bowie a porté durant son immortelle carrière.

La première journée s'achève doucement, aux sons plus ou moins lointains des dancefloors qui accompagnent ma progression vers le camping, et la nuit de fête, qui, elle, ne fait que commencer...

Crédit photos : Rockstar Photographers
artistes
    Marky Ramone's Blitzkrieg
    Skunk Anansie
    Die Antwoord
    The Chemical Brothers