Ça y est ! Le MaMa festival touche à sa fin et on est encore loin des 120 concerts cumulés. Mais à défaut de quantité, nous choisissons de la qualité. Ce soir, nous prenons notre temps, tout du moins, un peu plus que les autres soirs, il faut profiter bien sûr, mais profiter pleinement des artistes présents plutôt que de vouloir à tout prix tout voir et vérifier si l'herbe est plus verte ailleurs.
C'est à 20h30 que nous commençons ce troisième round, au Bus Palladium avec la londonienne
Anna B. Savage. Elle arrive sur scène avec une dizaine de minutes de retard, ce qui fait long quand on sait que des concerts nous attendent (pas) à l'autre bout de l'arrondissement dans peu de temps. Elle est seule avec sa guitare électrique. Sa voix grave et haute est saisissante. Les mots qu'elles chantent s'étirent donnant une grande place à la mélancolie. Si son talent est évident, le Bus Palladium est absent ce soir. Personne n'ose s'approcher et Anna est bien trop discrète pour venir chercher son public. Entre les titres, elle ré-accorde sa guitare mais ne parle pas, laissant planer un long silence. Elle est précise avec son instrument et aime la perfection, soucieuse de nous offrir le meilleur. Son regard est pénétrant, les traits de son visage se tire à chaque mot, sa voix pleine envahit l'espace alors que sa guitare saturée gronde fort dans la salle. Mais le déclic n'a pas lieu, elle ne nous transporte pas alors qu'elle en a, à n'en pas douter, la capacité. Peut-être lui manque-t-il un groupe pour étoffer sa musique, peut-être n'est-ce pas le bon soir, peut-être... On regrette d'avoir le sentiment d'être passé à côté d'elle ce soir.
A 21h30, nous attendons
Christophe à la Cigale. La scène est bien fournie. Des chiffres lumineux au plafond comme lors d'un décompte, plusieurs synthés, des instruments posés à même le sol en guise de décoration, mais pas pour longtemps. Christophe fait son entrée sur un bruit sourd, instaurant une tension avant qu'il ne dévoile sa voix sensible, prête à s'effondrer à tout moment nous semble-t-il. Il est venu nous présenter son dernier album
Les Vestiges Du Chaos qu'il a décidé de nous chanter en intégralité. Malgré une très belle orchestration, la voix de Christophe n'est plus celle qu'on a connue, elle est davantage dans l'économie. On regrette un peu qu'il n'ait pas osé s'aventurer sur ses anciens titres comme
Aline ou
Les Mots Bleus pour raviver en nous la nostalgie. On se contente donc de
Tu Te Moques ou de la belle collaboration avec Alan Vega sur
Tangerine, probablement son titre le plus dynamique. On reconnaît l'effort fourni dans la mise en scène avec notamment une machine de science fiction digne des années 80 qui projette des images aux couleurs orangés sur un dôme. A la fois futuriste et complètement ringard.
Un peu plus tard, ce sont les
3somesisters qui occupent le Divan du Monde. La première grosse surprise de cette soirée. En vérité, ils ne sont pas trois mais quatre. Trois hommes grimés en femmes dans des tenues étranges, à la fois traditionnelles et accompagnées de jeans coupés. Leurs visages sont cernés de gommettes dorées mettant en valeur leur visage. La quatrième est quand à elle bel et bien une femme. Ils usent de percussions mêlant pads et toms, ajoutés à des sons électroniques et un clavier. Ils sont mutli-instrumentalistes et s'échangent régulièrement les rôles, mais aussi polyphonique vocale. Ils jouent sur les genres et brouillent les pistes, comme dans une espèce de grande illusion savamment menée. Fermer les yeux et essayer de savoir qui chantent et vous serez surpris d'être incapable d'y répondre. Quatre voix capables de n'en former qu'une, une voix capable d'en former plusieurs différentes. De par leur présence scénique, les mouvements de leur corps, l'intensité de leur regard et de leur voix, ils nous envoûtent. Quarante-cinq minutes de concert qui passent en un éclair et nous régalent d'un bout à l'autre.
Comme en écho au premier concert, c'est un autre artiste londonien qui se produit seul sur la scène de la Boule Noire. Il s'agit de
Jake Isaac. En revanche, en termes d'ambiance, il est difficile d'établir un comparatif. Certains artistes se révèlent timides d'autre au contraire ont une tchatche naturelle qui leur permet d'emporter avec eux une salle entière. Il a voulu faire de ce concert, un moment convivial, à la cool, c'est pourquoi après quelques morceaux joués de façon assez formelle, il décide de briser la distance en venant directement jouer au milieu de son public, sans microphone, juste avec sa guitare. De nombreux "chut !" essayent de faire taire le brouhaha du bar pour qu'on n'entende que lui. Cela ne le décourage pas pour autant. Il remercie ceux qui l'écoutent et tentent d'imposer le silence. Il réveille en nous beaucoup d'émotions avec des titres comme
Waiting Here et ses mélodies énergiques. Il clôt son set avec la reprise de
I Can't Make You Love Me, qu'il entame a cappella.
Il assure son rôle d'interprète à 200% puisqu'il ne se contente pas de chanter, mais se sent lui même touché par ce qu'il chante.