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Pitchfork Music Festival

Paris, du 27 au 29 octobre 2016

Live-report rédigé par Cassandre Gouillaud le 1er novembre 2016

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Comme chaque année depuis 2011, la fin du mois d'octobre est agitée du côté de la Grande Halle de la Villette. Trois mois après avoir investi l'Union Park qui accueille l'édition mère de Chicago, les équipes du Pitchfork Music Festival reviennent poser leurs valises à Paris pour trois jours de musique.

Cette édition 2016 commence à peine qu'elle est déjà un peu particulière. Jusque-là, l'une des grandes spécificités du festival était de parvenir à attirer un public européen, fort d'une offre singulière et unique sur le continent pour les aficionados du site musical qui soufflait l'année dernière ses 20 bougies. Cette année pourtant les chiffres sont différents : l'équipe du festival a annoncé que le cru 2016 accueillerait 80% de festivaliers étrangers en moins, annoncé comme un contre-coup des attentats dont l'ombre plane toujours sur Paris et l'Europe. Un coup dur pour un festival qui compte, à juste titre, sur cette aura européenne dont il avait jusque-là bénéficié.

De fait, le jour et l'horaire n'aidant pas non plus, le premier artiste de cette édition, Aldous RH, débarque sur scène devant un public encore très clairsemé. Peu importe, le Mancunien et sa formation tâchent de lancer efficacement une édition qui, comme on le verra plus tard dans la soirée, fait la part belle à l'électro et promet de transformer la Villette en dancefloor géant. On le savait proche de Connan Mockasin, avec qui il a également collaboré, et l'influence de celui-ci transparaît rapidement dans la demi-heure efficace de pop groovy qu'Aldous RH nous propose. Son univers extravagant lui assure déjà un charme et une présence intéressante qui fait défaut chez un certain nombre de jeunes artistes.

Son set est donc un bon moyen de commencer une soirée qui se poursuit avec la première -et seule- artiste féminine de la soirée, l'américaine Lucy Dacus. Après avoir joué lors de l'Avant-Garde, elle amène cette fois son indie rock terriblement efficace sur la scène de l'événement principal. Bien qu'encore peu connue, celle qui a souvent été comparée à Courtney Barnett a déjà un solide premier album sous le bras, No Burden, dont le refrain du single principal I Don't Wanna Be Funny Anymore a un fort potentiel obsédant. Il y a fort à parier que, mêlant voix claire et guitare ardente, Lucy Dacus aura réussi à séduire une bonne partie de la Villette avec ce mélange. Elle est la belle surprise de cette première journée, totalement inattendue mais charmante au possible.

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S'en suit une tout autre branche du rock indépendant américain, et nouvelle configuration. Ils avaient déjà retourné la Gaîté Lyrique en juin dernier et animé notre printemps avec leur grand Human Performance, Parquet Courts sont de retour pour donner une leçon de rock à ascendant garage à une Grande Halle qui s'est bien remplie pour l'occasion. La batterie vient imposer le rythme de Master Of My Craft et quarante minutes de frénésie sont lancées. Certains diront que le groupe s'est légèrement assagi au fil des albums, mais sans perdre l'agitation du garage qui continue de les caractériser. Une bonne partie des premiers rangs finit d'ailleurs par se prendre au jeu, se faisant un peu plus remuant que d'ordinaire lorsque l'on connaît le calme assez légendaire du public de la Grande Halle. Mais la vraie claque de la journée, elle est encore à venir.

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Elle est canadienne et répond au doux nom de SUUNS. Réputés pour leurs lives en dehors du temps, leur rock organique et glacial ne manque encore pas de nous transporter dans une dimension nouvelle, où la noirceur règne en maître. Livrant un milieu de set et un 2020 proche de la transe, les canadiens démontrent une nouvelle fois qu'ils savent équilibrer à la perfection constructions éthérées post-punk et montées en puissance destructrices. Il aurait sans doute été bienvenu de réserver ce moment de grâce pour un moment plus tardif dans la soirée, mais face à l'intensité du set que nous venons de voir, on se garde bien d'être trop difficiles.

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Si SUUNS étaient programmés si tôt, c'est que nous entrons ensuite dans la partie électro de cette première soirée. Qui de mieux qu'un docteur en neurosciences pour inciter des festivaliers à danser ? Le second mancunien du jour, Floating Points, prend doucement mais sûrement le contrôle de la green stage, orchestrant une construction des plus efficaces qui acquiert une puissance croissante tout au long du set. Sam Shepherd prend son temps, mais finit par repousser les limites sonores et visuelles avec des dialogues de toute beauté entre synthés, claviers et guitares accompagnés de stroboscopes intermittents qui accentuent la tension ambiante.

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Pari réussi pour le Royaume-Uni, qui ce soir surpasse les États-Unis, représentés par un DJ Shadow dont le dynamique peine beaucoup plus à prendre. Celui qui livrait il y a dix ans son grand Endtroducing… livre un début de set confus, peu accrocheur malgré une maîtrise musicale digne des meilleurs. La faute sans doute à de derniers albums qui n'étaient tout simplement pas à la hauteur. La dernière partie de set, incluant l'immense Building Steam With A Grain Of Salt, corrige le tir et permet enfin à l'Américain de faire démonstration de son talent, mais un peu tardivement.

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C'est un peu perplexes qu'un mouvement de foule nous entraîne vers la fin de soirée anglaise, le duo Mount Kimbie qui nous fait le plaisir de réinvestir la Villette trois ans après leur dernier passage. Des années qui leur auront laissé le temps de mûrir leur post-dubstep envoûtante. La formation joue sur un joli contrastes entre phases portées par des nappes de synthés flottantes, très proches de l'effet de celles d'un certain James Blake, soutenues par des guitares aériennes aériennes, et des irruptions de beats plus prononcés qui dynamisent l'ensemble. L'électro de Mount Kimbie est plus subtile que ce que l'on avait pu entendre aujourd'hui, mais reste une façon extrêmement appréciable de terminer la soirée.

Un bon démarrage donc pour ce jeudi du Pitchfork Music Festival, qui était clairement le jour à ne pas manquer pour les amateurs de rock et pour ceux qui aiment circuler librement dans la Grande Halle sans être constamment bousculés. Pour les autres, reste à se préparer pour une seconde journée placée sous le signe de la pop et, bien sûr, de l'électro, qui, disons-le, se trouvait être extrêmement prometteuse sur le papier.
artistes
    Aldous RH
    Lucy Dacus
    Parquet Courts
    SUUNS
    Floating Points
    DJ Shadow
    Mount Kimbie
    Nick Murphy (Chet Faker)
photos du festival