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Fête de l'Humanité

Paris, du 12 au 14 septembre 2008

Live-report rédigé par Chloé Thomas le 18 septembre 2008

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vendredi 12
Live – La fête de l'Huma 2008 La gauche française et le PCF en particulier n'ont pas spécialement de raisons d'avoir le coeur content; heureusement, la Fête de l'Huma est là pour redonner le moral, voire redonner un souffle à l'opposition. Et pour l'y aider, et surtout aider à renflouer les caisses vides de L'Humanité (le journal, donc), le Parti a convaincu, comme chaque année, quelques grands artistes de venir jouer pour attirer les foules parmi les stands des fédérations communistes qui proposent leur " bouillabaisse rebelle " ou quelques bons moments de débats passionnés.

Vendredi, c'est Femi Kuti qui ouvre les festivités sur la grande scène. Le fils de Fela Futi (le pionnier de l'afrobeat) bénéficie d'un temps superbe qui va plutôt bien avec les sons chauds de son saxo et de sa voix. Tandis que des danseuses à la Josephine Baker (mais en moins colonialiste) promènent leurs jolis costumes oranges et font les choeurs, il nous sert de belles envolées parfois a capella qui font du bien au moral.

Ensuite Dub Inc, du rap français gentillet tout plein d'un discours un peu éculé et un peu facile sur la diversité, le métissage et la beauté du mélange; mais il vaut mieux entendre ça que l'inverse, même si les bonnes intentions qui dégoulinent ne font pas forcément de la musique intelligente. C'est vrai qu'à force de mêler rap, reggae et pop africaine on ne sait plus trop ce qu'on écoute. Engagé mais pas très engageant. En revanche N*E*R*D*, mené par Farell Williams, fait une très bonne performance devant un public chauffé à blanc. Les Américains font un concert parfois plus pop que rap, mais ultra-puissant. Ce qui frappe aussi, c'est que pour les groupes étrangers, la fête de l'huma n'est qu'un festival comme un autre et qu'ils ne se permettent du coup aucun discours proprement politique. Ils font monter des gamines sur scène pour un moment très rock.

Le samedi, j'entends juste la fin du concert de Thomas Dutronc, plein de bonne humeur. Guitariste talentueux, il s'est entouré de musiciens bien choisis pour produire du jazz manouche enthousiasmant, qui prouve qu'il a passé le cap du " tuer le père " (son " il est cinq heure, Paris s'endort ") pour trouver sa voix. Des envolées instrumentales sur un rythme endiablé couronnent la prestation, très bien suivie par le public.

C'est le rockeur belge Arno qui prend la suite. Fidèle à lui-même, il enchaîne les titres avec sa voix rauque et ses paroles incompréhensibles (est-ce l'accent wallon ou le côté arty?) en français ou en anglais. On retiendra le très beau " Ma mère ", émouvant mais tout sauf mièvre (émouvant et trash, finalement: ça colle au personnage). Il nous présente ses musiciens: Carla Bruni à la guitare, Mireille Mathieu au piano, Vanessa Paradis à la batterie et Sarkozy à la basse. Tout de même, c'est méchant pour Vanessa, non?

Petit tour à la scène Zebrock, tremplin de la jeune scène française. On y entend un peu de Spoke Orchestra, du rap français sans prétention mais assez juste quand il égratigne les bobos et ce Cauet qui, paraît-il, a crû bon de se définir comme " le dernier punk français ". C'est vrai qu'il y a de quoi s'énerver et ça fait tout de même plaisir de voir qu'il y a encore quelques braves petits qui sont capable de s'élever contre des débilités pareilles. La fête de l'Huma,ça redonne un peu espoir en la jeunesse.

Le détour par Zebrock avait pour but avouer d'éviter Bashung à la grande scène, qui, à en croire les quelques minutes que je me suis quand même imposée, a fait son Bashung. Casquette noire, il pose, et termine par un vieux tube, " Vertiges de l'Amour " (tandis qu'au loin un avion décolle du Bourget et s'élève dans un ciel crépusculaire).

Mais la tête d'affiche, l'immanquable, arrive ensuite, et attention, les pisseuses de douze ans qui se sont précipitées devant la scène dès Alain disparu vont partir dans les aigus. Il s'agit évidemment de Babyshambles et de Pete Doherty, qui cette fois n'a pas raté son avion (c'est que sa présence à ses propres concerts devient un peu aléatoire dernièrement, à ce qu'il paraît). Le début semble plutôt mal parti, Doherty a du mal à poser sa voix et chante un peu n'importe comment. Mais l'élégance revient ensuite, heureusement, et le groupe se concentre sur des chansons efficaces et denses: on commence par " La belle et la bête ", qui ouvrait le premier album du groupe, puis suit " Carry On Up The Morning", soit le premier titre du deuxième opus. Un peu trop mécanique? Pourtant, le ton est vraiment différent de celui des albums, plus violent, moins précis aussi peut-être, mais après tout les chansons y gagnent. " Back From The Dead " donne aussi lieu à une belle performance. De manière générale, le concert est porté par un batteur assez génial et connaît quelques superbes moments quand Doherty se permet de longues impros à la guitare. On termine avec " Fuck Forever ", tube adolescent qui répond aux attentes du public, par ailleurs ravi d'avoir entendu quelques nouvelles chansons.

C'est dur de passer après Babyshambles, et il faut dire que Roger " la voix de Supertramp " Hodgson ne fait pas très envie avec ses airs de vieux beau qui vous promet de " share his love " et autres mièvreries. Je me suis donc détournée de ses tubes un peu trop syrupeux à mon goût pour me remettre des autres (vraies) émotions musicales de la journée.

Dimanche s'avère beaucoup plus calme; l'Orchestre National de France, dirigé par Daniele Gatti, joue la septième de Beethoven dans un contexte idéal: temps superbe, ambiance familiale et envie générale de farniente. C'est vrai qu'on ne peut rêver mieux, un dimanche après midi, que de s'allonger dans l'herbe et d'écouter tranquillement de la musique assez universelle pour donner du plaisir à tout le monde.

Petit passage à la scène jazz, que l'on regrette forcément d'avoir trop négligé, pour l'excellent Ibrahim Maalouf Quintett. Puis retour à la grande scène pour le discours de Marie-George Buffet, très rock, et pour Cali. Même si l'on n'aime pas la chanson française, il faut au moins lui reconnaître qu'en concert il donne beaucoup et que c'est un chauffeur de salle qui vaut son pesant d'or. Dédiant ses chansons " aux forces de gauche de notre pays ", " à tous les sans-papiers " et " aux réfugiés politiques espagnols ", le catalan nous rappelle que la Fête de l'Huma, ce n'est pas seulement de la musique. Il est vrai que les tubes du type " Je m'en vais ", ou " Je crois que je ne t'aime plus " sont assez consensuels, mais finalement, l'idée est aussi de rechercher un consensus... à gauche.

artistes
    Femi Kuti
    Babyshambles
    Cali
    Roger Hodgson
    Orchestre National de France
    N*E*R*D*
    Dub Inc
    Arno
    Alain Bashung
    Plasticines
    Tiken Jah Fakoli
    Thomas Dutronc