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Shitdisco

Interview publiée par Fab le 17 avril 2007

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Soutenus par Fierce Panda chez qui leur premier album, Kingdom Of Fear, sort en ce mois d'avril, Shitdisco s'apprêtent à partir à l'assaut des salles et festivals de France durant les mois à venir. Rencontre avec Joel Reeves et Darren Cullen, deux jeunes écossais aux idées bien forgées...

Pouvez-vous me dire comment a débuté l’histoire de Shitdisco ?

Darren : Dans une école d’art de Glasgow ! Jan et moi étions dans une même classe, tout comme les deux Joel dans une autre. On s’était rencontré à quelques reprises grâce à des cours et des projets et on a donc formé le groupe durant l’année 2003. On a commencé à jouer dans des lieux désaffectés, comme de vieilles usines ou des dépôts… enfin ce n’était pas vraiment de la musique, plus du bruit ! (rires)
Joel : A cette époque on voulait surtout s’amuser avec nos amis, on invitait les gens à monter sur scène avec nous pour faire encore plus de bruit, d’autres musiciens nous rejoignaient lors de nos « répétitions »... c’était avant tout pour le fun qu’on faisait de la musique, rien d’autre. Puis on a en quelque sorte déménagé vers l’appartement de Darren…

Je crois que vous organisiez des fêtes et des concerts chez lui, avec parfois deux cent personnes !

Darren : Deux cent personnes dans le salon uniquement ! (rires). Mon appartement de l’époque était immense, on a parfois accueilli entre trois cent et quatre cent personnes ! L’idée est née naturellement... beaucoup de jeunes n’avaient rien à faire et pas assez d’argent pour aller en boite de nuit ou dans les soirées payantes, alors on a commencé à organiser tout cela gratuitement chez moi. L’immeuble était ancien donc les dégats importaient peu.
Joel : Des morceaux de mur ou de plafond s’écroulaient parfois durant les concerts à cause des basses ou de la batterie, mais ça ne nous arrêtait pas. Le lendemain on réparait avec du plastique ou autre chose et on recommençait quelques jours plus tard.
Darren : On avait parfois du mal à gérer toutes les personnes présentes, c’était comme si tout un quartier Glasgow se donnait rendez-vous chez moi pour faire la fête. C’était assez bizarre mais les gens adoraient ça !
Joel : Il n’y avait pas la moindre règle ! La porte était ouverte pour tous, sans aucune contrepartie. Chacun amenait à boire ou à manger, partageait avec ses voisins… aucune restriction. Certaines personnes restaient même pendant plus d’une journée chez moi, elles dormaient par terre après la fête et étaient déjà sur place pour la prochaine soirée !

Jusqu’au jour où le propriétaire de l’immeuble a menacé de vous poursuivre...

Joel : On nous avait déjà envoyés des plaintes à plusieurs reprises, mais sans rien de véritablement concret. On se calmait quelques jours et on recommençait dès qu’on le pouvait.
Darren : On avait même prévu d’organiser un festival durant deux jours, mais j’ai été contraint de quitter l’immeuble avant qu’on puisse développer cette idée. Le propriétaire voulait m’envoyer au tribunal pour un procès, il me menaçait régulièrement avec des fortes amendes mais ce n’étaient que des paroles en l’air. On a quand même passé d’excellents moments là-bas…
Joel : On a arrêté toutes ces soirées lorsque tout est devenu ingérable. Il y avait beaucoup d’inconnus chaque soir, et même nos amis ne pouvaient plus entrer. Il y a avait la queue sur le trottoir parfois !
Darren : Je me souviens avoir vu quelque chose d’incroyable en regardant un guide de Glasgow pour touristes un jour... mon appartement et nos soirées était spécifiées sur le plan comme un des lieux à visiter pour s’amuser la nuit. C'était dingue !

Durant la période où vous avez organisé ces fameuses soirées dans l’appartement de Darren, que cherchiez-vous à promouvoir ?

Darren : Il n’y avait pas de règle particulière, mais le but premier était de pouvoir faire danser les gens. On ne connaissait pas beaucoup de groupes dansants à Glasgow en dehors d’Errors, et ce n’est qu’après avoir eu la possibilité de donner des concerts dans d’autres villes qu’on a véritablement créé des liens… malheureusement les soirées n’existaient plus à ce moment là.

A partir de cette époque vous avez donc pu vous consacrer au groupe… que vous avez donc baptisé Shitdisco ! Vous ne trouvez pas que ce nom est un peu paradoxal ?

Darren : Là encore, le nom est lié aux soirées qu’on organisait ! On jouait de la musique sans se prendre au sérieux, on passait de disques plus ou moins bons… c’était une discothèque improvisée avec des points positifs et des négatifs. Tout était très amateur, parfois pas très bon, ce qui nous a amené vers le nom de « Shitdisco » qu’on a donc conservé par la suite. L’idée est sensiblement la même que pour Daft Punk. Ce nom aurait pu nous convenir je pense, mais on ne pouvait évidemment par le copier !
Joel : Shitdisco décrit dans un premier temps notre musique, mais aussi l’atmosphère de nos soirées et de nos premiers concerts. C’était certes un nom péjoratif au départ, mais ça ne l’est plus vraiment. Ce nom décrit d’une certaine façon à la fois notre identité et notre musique. Les morceaux qu’on joue sont très dansants, avec une influence disco ou punk, et ils pourraient sans doute être diffusés en discothèque, que celle-ci soit bonne ou mauvaise.

Ces derniers mois, la presse parle de vous comme un énième groupe de la scène « nu rave », alors que votre création et le début de votre renommée sont à l’évidence antérieurs à tout cela…

Joel : Ca n’a aucun intérêt. On joue la même musique depuis 2003 et la presse décide subitement depuis quelques mois d’encenser un mouvement « nu rave » sorti de nulle part. Aucun groupe ne revendique ce style musical, mais les journalistes continuent d’en parler !
Darren : Pour simplifier les choses, je dirais que notre musique est punk-funk… punk avec des éléments funk sans doute, à moins que ce ne soit l’inverse. Je ne pense pas que notre son a vraiment évolué depuis notre premier single, on a poursuivi sur la lignée de nos débuts mais la presse a effectué un rapprochement sans queue ni tête entre Shitdisco et la « nu rave ». Ce ne sont que des conneries… Le seul point positif dans toute cette histoire, c’est que la presse et les radios ont parlé de Shitdisco ces derniers mois, ce qui n’était pas toujours le cas dans le passé. Nos nouveaux fans ont une mentalité de clubbers, ce sont des gens qui aiment faire la fête et qui pensent trouver des éléments de satisfaction dans notre musique.
Joel : Et pourtant ils se trompent ! Cette image est faussée par la presse. Certaines personnes perçoivent nos concerts comme des soirées électroniques alors que ce ne sont que des concerts ! Il nous arrive parfois d’organiser un dj set en fin de soirée, mais généralement la salle ferme ses portes à 23h, pas à 6h du matin comme dans les boites de nuit !

Vous êtes fidèles à Fierce Panda depuis votre premier single, c’est une fierté de pouvoir travailler avec ce label ?

Darren : C’est un label important au Royaume-Uni car il a lancé beaucoup de groupes majeurs, comme Coldplay, Supergrass ou Idlewild. Ces gens savent ce qu’il font, et ils font bien.
Joel : Nous avons batti une sorte d’amitié avec les personnes qui gèrent Fierce Panda, une relation de confiance qui nous permet de vivre sans crainte en tant que groupe. Ils nous arrive d’avoir des idées ou des envies étranges, et je ne crois pas que toutes les maisons de disques auraient joué le jeu. Nos paroles ou nos clips sont parfois spéciaux, mais Fierce Panda n’a jamais eu le moindre problème vis-à-vis de cela.

La culture électronique semble plus importante en France qu’au Royaume-Uni, n’aimeriez vous pas vous développer un peu plus dans notre pays ?

Joel : Je m’intéresse à la musique électronique, avec des groupes comme Air ou Daft Punk, et je connais quelques labels comme Institubes ou Kitsuné qui nous plairaient, peut-être que ces gens nous connaissent aussi ? Notre management nous tient informés des différents contact, mais il n’ya rien de concret à l’heure actuelle.
Le fait que notre musique ne soit pas purement électronique est peut être un problème. On puisse notre inspiration dans la dance music ou la house, mais nos chansons sont relativement éloignés de ces mouvements musicaux.
Darren : La France semble plus propice au développement d’artistes électroniques que l’Ecosse ou l’Angleterre. Je m’intéresse à ces modes par curiosité et votre pays possède beaucoup de groupes intéressants, comme Justice ou Sebastian que Joel n’a pas cité.

Les remixes sur vos singles sont majoritairement l’œuvre d’artistes anglosaxons comme James Ford ou Errors, par quel artiste français aimeriez-vous voir une de vos chansons remixée ?

Darren : Justice ou Daft Punk !
Joel : N’importe lequel des groupes dont on a parlé précédemment… j’apprécie toute cette scène et je serais fier qu’une de nos chansons soit remixée par eux.

Et qui aimeriez-vous remixer un jour ?

Joel : Je travaille depuis peu sur un remix d’une de nos chansons. On m’avait proposé de remixer 22 Grand Job des Rakes pour en faire une bside l’année passée… mais ma version était catastrophique. C’était une bouillie krautrock avec des éléments joués à l’envers, je comprends pourquoi le groupe ne l’a pas utilisée finalement ! Personne n’aurait eu envie de l’écouter ! (rires)

Vous avez choisi d’intituler votre première album Kingdom Of Fear. C’est un titre sombre, un peu effrayant…

Joel : On a eu beaucoup de mal à faire un choix qui nous plaise à tous les quatre. C’est un titre qui colle à notre époque, au mode de vie qu’ont la plupart des gens dans beaucoup de pays civilisés.
Darren : Shitdisco ce n’est pas de la musique, c’est une analyse des modes de vie !
Joel : Les gens ont peur de perdre pied, de se retrouver un jour sans travail et sans solution pour s’en sortir. Pour survivre certaines personnes sont obligées de trouver un travail minable, de se lever à l’aube et de rentrer le soir en étant vidées. C’est une vision cynique du monde mais aussi très réaliste car dans beaucoup de pays développés une part de la population a de grandes difficultés à garder la tête hors de l’eau. Peut-être que la situation au Royaume-Uni ou ailleurs sera totalement différente dans une dizaine d’années, mais pour le moment… Je ne ressens aucune connexion avec ces pays, si je le pouvais je partirais m’installer loin d'ici !

Les versions de Disco Blood et I Know Kung Fu sur votre album sont différentes de celles de vos premiers singles, pourquoi avez-vous ressenti le besoin de les réenregistrer ?

Joel : Les premières versions étaient moyennes… on avait très peu d’argent à ce moment-là et donc très peu de temps à passer en studio. On a travaillé vite, sans pouvoir améliorer ce qui devait l’être. A l’époque, c’était un début pour nous. Lors de l’enregistrement de l’album, on a pu mettre en pratique tout notre savoir-faire et aboutir à un résultat conforme à l’énergie qu’on dégage sur scène. On a enregistré ces titres, comme le reste du disque, avec un vrai son live.

Votre dernier single en date se nomme simplement OK. De quoi traite-il ?

Joel : Des modes, de ce que les magazines veulent faire passer pour cool ou hype… Ces personnes provoquent de vraies crises d’identité chez les jeunes alors qu’ils ne devraient même pas y prêter attention. Il ne faut pas se laisser influencer par qui que ce soit, il faut rester naturel et suivre sa propre voie. Ne fais jamais ce qu’on te dit mais ce que tu veux faire toi !

Je vous laisse le mot de la fin…

Joel : On espère que notre album plaira au plus de gens possible. On veut pouvoir partir en tournée dans de nombreux pays, voyager, rencontrer nos fans partout dans le monde. On n’est pas Franz Ferdinand, mais on aimerait bien pouvoir vivre un peu de notre musique !