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The Long Blondes

Interview publiée par Fab le 4 avril 2008

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Toujours menés par la captivante Kate Jackson, récemment de passage à Paris, The Long Blondes effectuent ce mois-ci leur retour avec un second album dérourant et novateur pour les fans de la première heure. Une évolution mûrement réfléchie et cadrée de main de maître par un certain Erol Alkan...

L'an dernier vous avez disparu pendant un peu plus de six mois, principalement pour enregistrement votre second album, comment cela s'est-il passé ?

Après nos concerts à Reading et Leeds à la fin de l'été dernier on a décidé de prendre un peu de repos et de ne plus donner de concerts tant que l'album ne serait pas écrit et enregistré. On avait déjà quelques titres à l'époque mais on avait besoin de prendre un peu de recul pour pouvoir travailler correctement. On est donc repartis à Sheffield pour écrire des chansons, et après environ un mois de travail le plus dur était fait : les chansons étaient prêtes à être enregistrées. L'étape suivante a été de partir pour Londres en octobre, et c'est en studio que le disque est né après quelques semaines de travail. On a pris environ un mois pour l'enregistrer puis un autre mois pour le mixer. Je me suis ensuite occupé de l'artwork.

Penses-tu que le groupe qui a enregistré ce second album est différend de celui qui avait composé Someone To Drive You Home ?

Cet album est une vraie collaboration entre tous les membres du groupe alors que Someone To Drive You Home n'avait été écrit et composé que par Dorian et moi. Dorian jouait un rôle très important au départ, il avait pour habitude de donner naissance aux chansons avec une simple idée puis il expliquait à Screetch et Reenie comment jouer les parties de batterie et de basse. Il lui arrivait même parfois d'écrire les paroles, je n'avais donc plus qu'à chanter ! Les choses ont beaucoup changé sur cet album, tout le monde a su apporter des idées nouvelles pour certaines chansons. Round The Hairpin est par exemple née suite à un rythme imaginé par Screetch à la batterie. Pendant des mois il a joué ces quelques notes sans savoir quoi en faire puis on a décidé d'en faire quelque chose de très abstrait et original. On a donc essayé un jam sans trop savoir où cela allait nous amener, je crois même que c'était la première fois qu'on travaillait de cette manière. Le résultat est venu de lui-même sans qu'on sache trop comment ni pourquoi avec des sons de claviers, un riff de guitare... et quelques paroles tirées des textes d'une autre chanson. Tout a été très spontanée pour cette chanson, comme si on l'avait enregistrée pendant un simple soundcheck.

Les sonorités électroniques sont très présentes sur cet album, est-ce l'une des idées qu'Erol Alkan vous a suggérées ? Ou avez-vous justement choisi de travailler avec Erol Alkan car vous vouliez explorer cette voie plus expérimentale ?

Notre intérêt pour la musique électronique s'est développé au fil des mois, notamment après notre première collaboration avec Erol Alkan. On avait enregistré quelques titres avec lui l'an dernier, notamment de nouvelles versions de Fulwood Babylon et Five Ways To End It, et c'est à la suite de cela qu'on a voulu travailler avec lui à nouveau sur Couples. Je suis consciente du fossé qu'il existe entre nos deux albums et il y a de nombreuses explications à cela. L'influence d'Erol Alkan bien évidemment, mais aussi le fait que Dorian a beaucoup travaillé aux claviers ces derniers temps, peut-être même plus qu'à la guitare. Le talent d'Erol Alkan réside dans sa capacité à structurer les chansons de telles manières que les instruments de base se marient à merveille avec les sons électroniques, comme il l'avait fait sur des remixes pour Klaxons ou Franz Ferdinand.

Sens-tu que le regard de votre public a lui aussi changé suite à cette évolution ?

Je le pense oui, car auparavant pour beaucoup de gens on n'était qu'un groupe garage-rock de plus, même si notre côté arty était souvent souligné. On a vraiment cherché à aller dans une nouvelle direction sur ce disque afin de montrer qu'on pouvait nous aussi évoluer et essayer de nouvelles choses. Pour prouver qu'on est un vrai groupe. Erol Alkan a beaucoup travaillé avec la basse et la batterie sur ces chansons afin d'apporter une nouvelle dynamique aux chansons et nous permettre d'explorer une nouvelle voie.

Est-ce que vos goûts musicaux ont évolué pendant l'enregistrement de ce disque ? Peut-être sont-ils à la base de cette évolution ?

Dorian et moi avons beaucoup écouté les albums de Brian Eno ces derniers mois, notamment Taking Tiger Mountain (By Strategy) que je trouve fantastique. Je pense que le son des synthés nous a été suggéré à l'écoute de sa sa musique mais aussi par Can par exemple. D'une manière générale j'apprécie beaucoup Eno pour son talent artistique et sa personnalité, ses idées sont toujours très intéressantes quelque soit la manière dont il les exploite. L'écoute de ses chansons nous a poussée dans notre créativité. La musique disco a aussi été une source d'inspiration, notamment le groupe Glass Candy de New York. Je crois qu'Erol Alkan a su ouvrir nos esprits à de nouvelles choses qu'on n'aurait pas écoutées naturellement. Parfois il passait un disque pour nous montrer la voie à suivre, comme avec du Suede ou Talk Talk...

Couples est indéniablement très marqué par le travail d'Erol Alkan, est-ce que le résultat est conforme à vos attentes initiales ?

Je ne pense pas qu'on ait vraiment pris un risque en décidant de travailler avec lui, ce qu'il nous avait prouvé sur nos bsides auparavant était une raison suffisante pour lui faire confiance à nouveau. On a eu la chance de pouvoir collaborer avec une personne très ouverte et toujours à l'écoute de nos besoins, ce qui n'aurait peut-être pas été le cas avec un autre producteur plus connu... Un véritable dialogue s'est instauré entre lui et les membres du groupe, chacune des parties n'hésitait pas à dire à l'autre ce qui lui plaisait ou non. Dans une relation entre deux personnes, le dialogue est impératif.

Ce disque est plus ambitieux que le précédent, sans doute plus complexe également...

Je crois que cet album reflète l'image d'un groupe plus mature. Il est aussi beaucoup moins immédiat, il ne contient aucune chanson comparable à Once And Never Again ou à l'un de nos anciens singles. Cet album va très probablement toucher un public différent et qui ne nous connaissait pas jusqu'à maintenant, c'est un point très positif de pouvoir faire découvrir le groupe en changeant de ligne directrice. On aurait pu essayer de le rendre très accessible mais on a décidé de faire l'inverse en expérimentant un peu plus.

Dirais-tu que l'enregistrement de Couples a été plus simple ou plus complexe que celui de Someone To Drive You Home ?

Tout a été vraiment plus facile cette fois-ci. J'ai aussi ressenti beaucoup moins de pression contrairement à l'époque de notre premier album où la presse et le NME en particulier essayait de créer une hype autour de nous. On nous a longtemps présentés comme le meilleur groupe non signé du Royaume-Uni, ce qui a poussé un large public à écouter nos chansons, télécharger certains de nos concerts et aussi apprendre les paroles par coeur... il y avait donc une vraie attente avec laquelle on a appris à cohabiter.

Ta voix est très impressionnante et mise en avant sur ce disque, plus encore que sur votre premier album. As-tu suivi des cours ou est-ce une évolution naturelle ?

Je n'ai pris aucun cours mais j'avoue avoir décidé de changer quelque peu ma manière de chanter sur cet album. A force d'écouter de la musique disco j'ai moi aussi voulu chanter à la manière de certaines artistes avec de longues envolées comme sur Century. Cela m'a demandé un vrai travail pour trouver le ton juste, j'ai fait de nombreux essais en studios avec différents micro pour arriver à ce résultat. Je crois encore progresser dans ma manière de retranscrire cette technique en live mais je progresse de manière constante sur ce point. Je suis autodidacte, j'expérimente seule jusqu'à être satisfaite de ce que je parviens à produire vocalement.

Les chansons ont pour la plupart été écrites sur la route, je suppose que ces conditions de travail un peu particulières vous ont influencés ?

Je ne crois pas que cela nous ait vraiment marqué car les chansons sont toujours centrées sur les relations entre hommes et femmes... Le fait de voyager était à contrario une excellente chose car il nous a permis de puiser une nouvelle inspiration dans certaines villes et situations. Tu sors de l'hôtel avec comme unique but de te promener dans une ville que tu ne connais pas et tu fais des découvertes inattendues qui te marquent d'une manière ou d'une autre. Je ne dis pas que nos nouvelles chansons sont dédiées aux villes qu'on a visitées mais plutôt aux sentiments que celles-ci faisaient naître chez nous. Tu n'écris pas les mêmes chansons selon que tu es triste, enjoué ou d'humeur tendre.

Le titre de l'album, Couples, semble parfaitement symboliser votre musique. Votre premier album aurait pu s'intituler de la même manière...

Il y avait aussi deux couples dans le groupe à une époque mais ce n'est plus le cas... on aurait donc pu choisir ce titre pour souligner l'absence de couples ! [rires]

Votre nouveau single, Century, est radicalement différent de tout ce que vous avez publié jusqu'à maintenant. Est-ce un défi pour vous de le sortir si rapidement ?

La version album du titre dure plus de cinq minutes mais notre label a décidé d'en faire une version radio de trois minutes, personne n'aurait voulu le diffuser sinon ! En choisissant de sortir Century immédiatement on a vraiment voulu marquer le coup pour faire comprendre à tout le monde que les Long Blondes avaient changé. Il nous fallait marquer les esprits et faire comprendre que ce nouveau son est bien le notre.

Gilt était supposé être ce premier single, pourquoi avoir changé d'avis à la dernière minute ?

Gilt sera notre prochain single après Century. C'est l'une des chansons les plus proches de celles de Someone To Drive You Home mais on n'a jamais cherché à composer ce genre de titres. Certaines personnes ont peut-être cru qu'Erol Alkan allait nous pousser à écrire des singles pour les radios mais cette idée ne nous a même pas effleurés. On ne voulait pas enregistrer une collection de bonnes chansons mais plutôt un bon album, l'approche était très différente. Si on avait sorti Gilt immédiatement en single les gens auraient attendu un second album identique au premier, il a donc fallu réfléchir pendant un certain temps pour choisir une chanson plus marquante. Cette chanson ne représente pas notre nouveau son contrairement à Century.

Qui est cette fameuse Erin O'Connor dont parle l'une des nouvelles chansons ?

C'est un top modèle anglais que Dorian aime beaucoup, je pense qu'il fantasme souvent sur elle ! Je crois qu'il garde le secret espoir qu'elle entendra parler de cette chanson un jour et qu'elle viendra nous voir jouer lors d'un concert. Elle le remarquera et ils tomberont amoureux ! [rires] D'un point de vue personnel j'apprécie beaucoup sa personnalité, c'est une femme avec un style très particulier, presque intemporelle. C'est une vraie célébrité en Grande-Bretagne mais elle ne cherche pas à faire la une des magazines people, elle essaye de vivre le plus simplement possible sans trop s'exposer et je respecte beaucoup cela.

L'art compte énormément pour toi et tu as donc créé l'artwork de Couples comme tu le faisais pour vos anciennes pochettes. Ton style semble malgré tout avoir beaucoup évolué, à la fois techniquement et visuellement...

Auparavant j'utilisais principalement la peinture mais cette fois-ci j'ai voulu travailler à base de collages. Ce n'était pas une volonté de ma part dès le départ, mais après quelques essais je me suis sentie plus à l'aise avec cette nouvelle technique. Notre musique a évolué et je suppose que j'ai été influencée dans ma manière de travailler sans m'en rendre compte. Mon style visuel était facilement reconnaissable sur nos anciennes pochettes et il me semblait fonctionner de paire avec la musique, avec un aspect nostalgique et féminin très marqué.

De quelle manière l'artwork de Couples peut-il être lié à vos chansons ?

Je ne sais pas s'il peut l'être car ce qu'il représente n'a vraiment rien à voir avec les textes des chansons. Cette pochette est une sorte de labyrinthe abstrait dont l'idée m'est venue en écoutant Century en studio. J'ai eu envie d'utiliser des collages sur une simple peinture de départ. Le background de la pochette est donc classique mais les collages, notamment le zèbre, apportent une touche de folie en quelque sorte. Il ne faut pas chercher de logique dans ce visuel, il n'y en a pas !

Ce disque n'est donc pas dédié aux zèbres ?

Pas le moins du monde ! [rires]