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Friendly Fires

Interview publiée par Jean-Christophe Gé le 12 octobre 2008

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Rencontre dans les bureaux de leur label avec Ed Macfarlane, chanteur de Friendly Fires. Il y sera question d'hardcore, de grindcore et de garage, mais surtout de pop, car c'est après la chanson pop parfaite que court le trio. La veille leur concert à la Flèche d’Or a bien été apprécié par le public. Le groupe, lui, a trouvé que le son n’était pas assez fort et râle sur la législation française qui protège nos oreilles. Mais moi, à trente ans passés, je suis bien content de ne plus sortir des concerts avec des oreilles en coton et de porter des bouchons qui me permettent d’entendre les notes que jouent les musiciens. Il est aussi question de la législation en Suisse qui est bien pire, et de celle en Grande-Bretagne qui ne s’intéresse qu’au volume à l’extérieur des salles pour ne pas gêner le voisinage...

Tout cela est fort intéressant, mais si on parlait de votre premier album ?

Euh ouais bien sûr. Il a été complètement enregistré dans notre garage. Il se trouve à St Alban au nord de Londres. Ça nous a pris deux ans pour l’enregistrer. On voulait réunir dix de nos chansons, celles que nous pensions être les meilleures chansons pop. Enregistrer dans son garage ça a beaucoup de charme, sur certains titres on peut entendre que la production n’est pas parfaite. Sur les morceaux les plus récents vous pouvez aussi entendre que nous nous améliorons.

Justement, lesquelles sont les plus récentes ?

Jump In The Pool est la plus récente. C’est la seule que nous ayons enregistré avec un producteur [Paul Epworth qui a travaillé avec Bloc Party, Babyshambles, Maxïmo Park, The Rakes...]., mais nous l’avons enregistrée dans son garage, pas dans son studio. C’était très sympa et c’était vraiment une collaboration, nous avons travaillé et discuté ensemble sur la manière de la produire. C’est vraiment comme ça que la musique doit être enregistrée. Quand tu es sous pression dans un studio avec des gens qui t'observent tu ne peux rien faire de vraiment bien.

Mais si ce n’était pas une question d’argent ? Si pour votre prochain album votre label vous donnait un budget illimité, continueriez-vous comme ça ?

Oui probablement. En fait nous achèterions surtout du meilleur matériel !

Et un garage plus grand ?

Oui, c’est ça, un garage plus grand avec du meilleur matériel. Mais nous continuerions à enregistrer nous-mêmes. Nous avons enregistré une fois dans un grand studio. C’était horrible, il y avait des racks plein d’équipement, une table de mixage énorme, des tonnes de synthétiseurs super cool, des pré-ampli d’enfer. Mais c’était trop, ça nous enlevait toute créativité, nous passions notre temps à nous demander quel équipement nous allions utiliser. Nous avons enregistré tout notre album avec un seul micro, nous voulons nous concentrer sur la musique et la manière d’écrire les meilleurs chansons.

Et comment Paul Epworth a-t’il réagit quand vous lui avez dit que vous vouliez enregistrer dans son garage et pas dans un studio ?

Avant que nous ne signions avec XL, nous avons rencontré beaucoup de labels qui nous ont dit « vos démos sont super, mais il va falloir tout réenregistrer dans un grand studio avec un super producteur ». Ce n’était pas du tout ce que nous voulions. XL nous a seulement suggéré d’essayer de travailler sur un titre avec un producteur pour découvrir une autre approche. C’est comme ça que nous avons collaboré avec Paul. XL a compris ce que nous voulions, nous aimons les originaux et nous ne voulions pas les réenregistrer.

Et comment les jouez-vous en live ?

Quand on enregistre, on ne se soucie jamais de la manière dont nous les jouerons live. On se soucie du live après.

Et inversement, y a-t-il un morceau que vous jouez live et que vous n’arrivez pas à enregistrer ?

Je ne me considère pas comme un bon musicien, je ne joue pas bien de la guitare, et je ne sais pas jouer du piano. Je fais de la musique en enregistrant. Nous utilisons l’ordinateur comme un instrument et nous composons en studio donc le problème ne s’est jamais posé. Nous n’avons pas non plus une méthode stricte pour enregistrer sinon à la fin toutes nos chansons se ressembleraient et nous nous ennuierions. Pour revenir à la question du producteur, quand nous avons enregistré notre album, nous voulions que ce soit un album de Friendly Fires et pas de tel ou tel producteur.

Sur scène, vous jouez quand même une reprise. Your Love de Frankie Knuckles. Pourquoi reprendre cette chanson ?

Parce que c’est une chanson pop formidable de Frankie Knuckles et Jamie Principle. Les gens disent que c’est une des chansons fondatrices de la House music. J’aime les relations entre la dance et la pop. Nous voulons faire de la pop et je déteste quand on nous met une étiquette électro-pop. Nous mettons du synthétiseur dans une chanson quand nous pensons que c’est bien pour celle-ci, pas pour appartenir à un courant musical. Chaque fois que j’entends Your Love elle me fait beaucoup d’effet, je veux que notre musique soit émotionnelle, que l’on puisse l’écouter dans son salon ou danser dessus dans un club. Nous avons reçu un email de Jamie Principal qui nous disait qu’il aimait beaucoup a manière dont nous avions repris sa chanson.

J’ai lu sur votre site que vous avez commencé par faire du hardcore et que votre nom vient d’une chanson de Section 25. Quand j’écoute votre musique, je vois bien la connexion avec eux, mais pas vraiment avec le hardcore...

Tu endends la relation avec Section 25 ?

Oui, même si c’est assez différent, mais le son très froid, l’usage des synthés et des guitares. D’ailleurs il leur est arrivé la même chose que vous avec Factory. Quand ils sont arrivés avec les bandes de leur dernier album, Love And Hate, Factory leur a dit « c’est super, maintenant vous pouvez aller en studio l’enregistrer ». Mais c’était les bandes définitives...

Nous avons choisi le nom parce que nous aimions bien la manière dont il sonnait. Je trouve que c’est un groupe super, mais s’il y a un groupe de Factory duquel nous nous sentons proche, ce serait plutôt New Order. Ils ont commencé punk et ont fini dans les stades, un mélange de rock et d’électronique. Ca fait pas cool, mais je préfère largement New Order à Joy Division.

Et le hardcore ?

Quand nous avons commencé, nous écoutions beaucoup de hardcore, et puis avec le temps les goûts évoluent. Mais en live on peut retrouver un peu de ces éléments dans notre côté plus brut. Nous écoutons aussi du post-punk et de la house. Nous essayons de prendre plein d’éléments qui ne sont pas pop et d'en faire des chansons pop. On prend des guitares shoegaze et au lieu de faire une voix lancinantes par dessus on met un refrain sautillant.

Pour en revenir à l’album, qui en a fait la pochette ?

C’est Jon Beasley, un artiste de LA. Il a fait des pochettes marrantes pour un groupe appelé 90 Day Men et pour Genghis Tron, un groupe de grindcore. Pour un de leurs albums il y a un piano dans une sorte d’igloo en feu, c’est la chose la plus épique que j’ai jamais vue et probablement la pochette de disque que je préfère [NDLR : visible en cliquant là ]. Généralement, nous aimons bien avoir un contrôle complet sur tout ce qui touche à notre groupe et nous étions très contents qu'il accepte de la faire. C'est comme pour les vidéos, généralement je les déteste et il très difficile d'avoir quelqu'un qui traduit en image la musique que vous avez écrite et enregistrée. Nous avons refait le clip de Paris et cette fois-ci nous nous sommes complètement impliqués.

Quelles indications avez-vous donné à Jon Beasley quand vous lui avez commandé la pochette ?

Il y a une scène dans Holy Mountain [La Montagne sacrée en Français, un film de Alejandro Jodorowsky de 1973]... tu l'as vu ?

Ça ne me dit rien...

C'est un film des années 70 assez barré, probablement mon film préféré de tous les temps. Il y a une scène où ils détruisent un obélisque avec une hache en miroir avec des éclats contre la roche, j'adore cet effet.

Vous vous voyez où dans vingt ans ?

Je me verrais bien faire le Barry White sur un gros Yacht quelque part. Mais il y a de fortes chances pour que je sois toujours dans mon garage.

Une dernière question. Aujourd'hui tu es à Paris, il fait un temps dégueulasse et tu bosses. Alors est-ce qu'un jour tu voudras toujours habiter à Paris ?

[rires] Que les choses soient bien claires, il s'agit seulement du refrain de la chanson Paris. Je n'ai jamais eu l'intention d'habiter à Paris, c'est juste une chanson sur le fait qu'un jour les choses seront meilleures qu'elles ne le sont aujourd'hui. En fait j'aimerais un jour habiter à Berlin. Il faudrait que je change les paroles de la chanson à chaque fois que nous jouons dans une ville.