logo SOV

Jack Peñate

Interview publiée par Anne-Line le 17 juin 2009

Bookmark and Share
Après Matinée, un album de indie frais et pêchu sorti en 2007, Jack Peñate revient le 22 juin avec Everything Is New, qui, comme son nom l'indique, emmène l'auditeur vers un univers différent, peuplé de chœurs gospel et des rythmes électro-dance. Sound Of Violence est allé rencontrer El Señor Peñate pour découvrir ce qui a pu entraîner ce changement de direction si soudain et si précoce dans sa courte carrière.

Ton premier album était très orienté guitare, assez basique et brut. Tu reviens maintenant avec un album de dance, que s'est-il passé ?

Je me suis dit qu’il n’y avait pas beaucoup d’intérêt à être musicien sans être audacieux. Les musiciens que j’admire le sont, et là je parle surtout des artistes solo, ce que je suis, et c’est de là que je tire mon inspiration. Je ne vois pas l’intérêt d’avoir à se répéter tout le temps. La répétition est ce qu’il y a de pire dans la musique. Je ne vais pas citer de noms, mais rien que dans l’indie Britannique, je n’ai jamais envie d’écouter plus d’un album d’un même groupe. C’est toujours la même chose, avec seulement des tout petits changements : « Tiens donc, ajoutons un beat électro !», juste pour que ça ait l’air un peu différent. Moi je voulais être radical, je voulais faire quelque chose de vraiment audacieux, je voulais que les gens se posent la question « Mais pourquoi a-t-il fait ça ? » et surtout je voulais me débarrasser des gens qui pensent que la musique se limite à un seul type, un seul genre, un seul endroit. Bien sûr je vais perdre beaucoup de fans avec cet album, mais je vais en gagner d’autres, et c’est quelque chose de positif. Je pense que ça fait partie du job d’un artiste, de mettre au défi les gens qui t’aiment bien et de forcer ceux qui ne t’aiment pas à changer leur avis sur toi. C’est ce que tous les artistes devraient faire. Personne ne se souviendrait de David Bowie aujourd’hui s’il avait continué à ne faire que des albums folk ennuyeux comme il faisait à ses débuts. On se souvient de lui parce qu’il a été radical dans ses choix. Mais je n’essaye pas de copier qui que ce soit. Ça m’a juste paru normal de faire ça, de changer.

C’est quand même un gros risque, non ? La plupart des artistes qui sortent un deuxième album cherchent au contraire à préserver leurs fans de la première heure...

Je n’y ai pas pensé. Ce n’est pas un risque d’être audacieux. Le seul risque que je voyais, c’était celui de me répéter et de devenir ennuyeux. C’est tout ce qui m’importait. L’idée de revenir avec un album qui aurait été comme le premier, mais légèrement différent, c’était tellement déprimant, je savais que je n’allais pas faire ça. Ça ne me ressemble pas. Je ne voulais surtout pas que les gens s’ennuient de moi. Je préfère que les gens me détestent plutôt qu’ils me trouvent ennuyeux. Je préfère largement que les gens qui ont acheté mon premier album détestent le nouveau, plutôt qu’ils pensent « Ouais, il est bien... mais pas aussi bien que le premier ». Rien n’aurait pu être plus déprimant que ça.

Quand tu as commencé à écrire cet album, tu savais que tu allais prendre cette direction radicale ?

Non, pas vraiment. Entre le moment où j’ai fini le premier album et celui où j’ai commencé le deuxième, j’ai dû écrire au moins trente ou quarante chansons, c’est beaucoup.

Pourtant il n’y a que neuf chansons sur cet album...

Oui. Je ne voulais mettre que les chansons auxquelles je croyais vraiment. Je voulais que ce soit le genre d’album où, lorsqu’on arrive à la fin, on a tout de suite envie de le remettre au début. Je voulais que les gens en redemandent. Tu sais, je suis un grand fan de Neil Young, la plupart du temps ses albums n’avaient que sept chansons, voire neuf. C’est pourquoi je le trouve si incroyable, il a fait quarante albums et on en redemande toujours. Ses albums sont appétissants, on a envie de les manger ! Quand j’étais adolescent, j’achetais tous ses albums les uns après les autres, j’ai eu Harvest et je me suis dit « Ah! il me faut Gold Rush !». Comme c’était très court, il allait toujours à l’essentiel. Et c’est ce que je voulais avec cet album, aller à l’essentiel.

Alors quelle est l’essence de cet album ?

Dans la joie il y a la souffrance absolue, et après la souffrance il y a toujours la joie. Il y a beaucoup d’émotion, il y a beaucoup d’atmosphère. C’est assez difficile pour moi de définir ça avec précision, rien n’est figé. Tu sais, Neil Young va faire Glastonbury cette année. Il a près de 70 ans ! Je préfère de loin avoir une carrière comme la sienne que d’être le genre de personne qui fait un bon album et disparaît. Je tire mon inspiration des artistes solo qui sont capables de longévité.

Lorsque Bob Dylan a changé de style, les puristes l’ont détesté...

Mais c’est ce qui l’a consacré. Certaines personnes vont sans doute penser que je suis un traître ou autre chose, et je le comprends tout-à-fait, mais c’est négatif de penser comme ça. Je trouve déprimant que les gens se cantonnent à une seule manière de penser, et qu’ils aient peur de tester des musiques différentes. De toute façon, je pense que l’indie, c’est fini. Surtout en Angleterre. Quand on regarde les groupes qui ont marché cette année, ils n’étaient pas vraiment indie. Comme MGMT par exemple...

Tu veux dire qu’il n’y a plus d’inspiration ?

Je pense que le filon est épuisé. Cela fait trop longtemps que les gens essaient de faire mieux qu’Oasis. Ça ne se résume qu’à ça. Tous les groupes, les uns après les autres… Moi je n’essaye pas de faire mieux qu’Oasis. Bien sûr les deux premiers albums sont incroyables, et j’adore les adore, mais je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir cette compétition entre les groupes. Il ne faut pas essayer d’être quelqu’un d’autre, il faut tracer son propre chemin.

Calvin Harris a déclaré récemment que « Tout était devenu si ennuyeux avec tous ces groupes interchangeables, les charts étaient envahis de groupes déprimants. Le public en ces temps de crise a envie de s’amuser !». Qu’en penses-tu ?

Ce n’est pas comme si j’étais devenu un artiste électronique du jour au lendemain non plus. Tout l’album est joué avec un groupe live. Deux guitares, une basse, beaucoup de chœurs, mais c’est tout. Ce n’est pas comme si je revenais avec des samples de batterie par exemple, je ne suis pas allé aussi loin que ça. Tout peut être joué par un groupe live. Pour cet album, j’ai modifié mon jeu de guitare, j’ai modifié ma façon de chanter, mais c’est tout. J’ai le même batteur et le même bassiste qu’avant.

Tu n’as pas fait ce choix en espérant échapper à la pression du deuxième album ? Tout le monde dit que c’est le plus difficile à faire...

Non pas du tout. Au contraire il y a beaucoup plus de pression quand on fait quelque chose de différent. Il aurait été beaucoup plus facile pour moi de revenir avec un album identique au premier.

Comment ont réagi les gens de ton entourage? Est-ce qu’ils t’ont encouragé ?

Tout est venu de moi. Tonight's Today est une des premières chansons à avoir été enregistrée, si ce n’est la première. Je l’ai enregistrée avec Paul [Epworth, le producteur], je l’ai faite écouter au label, et ils ont été très contents. Ils m’ont dit : « Ecoute, on te fait confiance, fais le disque dont tu as envie !». Je suis chez XL, le même label que MIA, Dizzee Rascal, les White Stripes... Des gens qui ne font rien comme les autres ! C’est l’individualité qui prime. Ils n’essayent pas de copier qui que ce soit. Ça me correspond tout-à-fait.

Lorsque tu as commencé l’enregistrement, avais-tu déjà décidé de prendre une direction différente ou bien c’est venu en cours de route ?

Un peu des deux, ça dépend des chansons ! La plupart ont été construites comme on construit une chanson dance. On commence à construire à partir d’une base et on rajoute les autres instruments, on colorie au fur et à mesure. Je voulais faire un disque vraiment démocratique. Sur mon premier disque il y avait juste moi et ma guitare, mais là je voulais qu’il y ait un son global. Je voulais que chaque musicien ait autant d’importance que les autres. La voix a autant d’importance que la batterie, et ainsi de suite. Je voulais être un musicien parmi les autres, et pas uniquement me focaliser sur la partie vocale.

Tu avais peur de devenir ennuyeux pour toi ou pour le public ?

Il ne faut pas trop penser au public quand on fait un disque. Il faut le faire d’abord pour soi. Après si tu es satisfait de ton disque, alors les autres le seront aussi. En écrivant, je n’ai pas trop pensé au public. J’ai juste pensé à ce qu’il me faisait ressentir. Et j’ai cru que s’il me rendait heureux, et bien d’autres gens le seraient aussi.

Tu n’as donc eu aucune appréhension ?

Bien sûr que si! Mais ça arrive à tout le monde. La vie n’est faite que de ça. Tout peut être effrayant. On doit sans cesse se lancer des défis, repousser ses limites.

Tu avais le titre de l’album, Everything Is New, avant de commencer ?

Non, c’était pratiquement la dernière chanson qu’on a faite. C’était la dernière pièce du puzzle.

Doit-on alors s’attendre à quelque chose d'encore plus différent pour ton prochain album ?

Je ne sais pas! Je ne peux pas savoir avant d’avoir commencé. Mais j’aimerais bien faire quelque chose d’assez dépouillé. J’aime les choses atmosphériques. Tout ce que je veux c’est de continuer à explorer, je veux faire des disques que personne n’a jamais entendu avant, c’est la seule chose qui me rende heureux d’être un musicien. Il y a tellement de gens dans la musique qui ne sont pas heureux, ils se sont lassés de ce qu’ils font. Ils sont dans une routine, et je ne veux surtout pas de ça ! Je ne veux jamais être lassé de la musique, ce serait déprimant, parce que c’est la chose que j’aime le plus dans la vie.