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Bad Lieutenant

Interview publiée par Fab le 6 septembre 2009

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Deux années après le départ de Peter Hook et la séparation de New Order, c'est sous le nom de Bad Lieutenant que Bernard Sumner s'apprête à effectuer son grand retour. Un nouveau départ accompagné d'une nouvelle orientation musicale et de l'arrivée de Jake Evans à ses côtés...

Deux années après la séparation de New Order, vous avez récemment annoncé qui se cachait derrière Bad Lieutenant ainsi que la sortie d'un album le mois prochain. Quel est votre état d'esprit maintenant ?

Bernard : Je suis serein car je sais que nous avons enregistré le meilleur album possible par rapport à nos capacités à tous. Je n'aurais rien à gagner à être anxieux, advienne que pourra... Nous sommes fiers du résultat mais nous n'avons pas cherché à changer la face du monde avec ce groupe, c'est un simple disque qui, je l'espère, sera apprécié par le public auquel il est destiné. D'un point de vue personnel, ce disque est la continuité de ce que j'ai débuté il y a maintenant plusieurs décennies. J'aimerais aussi qu'il permette au public de découvrir l'incroyable talent qu'a Jake, il est tout aussi brillant en tant que guitariste que chanteur et il mérite de voir sa carrière décoller. Lorsque personne ne regarde dans ta direction, peu importe tes capacités, tu ne pourras jamais être reconnu à ta juste valeur.

Pourquoi avoir tenu à garder l'existence du groupe secrète pendant si longtemps ?

Bernard : Ce n'était pas un secret à proprement parler mais nous n'avions rien d'important à annoncer alors nous avons préféré nous taire. Il était hors de question de publier des communiqués de presse juste pour faire parler de nous, du moins pas tant qu'il n'y avait rien de concret à dévoiler. Le hasard a voulu que notre premier disque prêt à sortir soit directement un album, alors à partir de cet instant nous avons décidé qu'il était temps de briser le silence. Bien entendu nous aurions pu utiliser un blog pour faire parler de nous, mais je n'en voyais pas l'intérêt tant que je n'avais rien d'intéressant à dire.

Les attentes venant du public et de la presse vont probablement être amplifiées à cause de ton passé...

Bernard : Ce n'est pas un motif d'inquiétudes pour moi. Peu importe avec qui je travaille au sein d'un groupe, je fais toujours le nécessaire pour être impliqué autant que je peux l'être. Que ce soit New Order ou Bad Lieutenant, mon comportement est le même. C'est sans doute pour cette raison que je suis si confiant en ce premier album de Bad Lieutenant, parce que je sais que j'ai donné mon maximum pour donner naissance à ce disque que je considère comme réussi.
Jake : Je suis aussi très confiant, c'est pour moi le meilleur disque écrit ces quarante dernières années (rires) !
Bernard : Je suis confiant... mais peut-être pas autant que Jake (rires) ! En toute objectivité, ce disque est le résultat de notre travail durant des mois et je ne vois honnêtement pas comment nous aurions encore pu l'améliorer. Ce n'est bien sûr pas une garantie, et peut-être que le public le trouvera raté, mais j'ai l'esprit libre par rapport à notre travail.

Pouvez-vous me dire comment la rencontre avec Jake a eu lieu ?

Bernard : C'est une histoire en deux parties mais j'ai quelques doutes sur l'ordre des événements...
Jake : Une première rencontre dans un restaurant avec Phil !
Bernard : Voilà ! J'étais donc allé au restaurant pour fêter l'anniversaire de Karl Jackson et une personne jouait des chansons avec une guitare acoustique ce soir là. Le résultat était vraiment mauvais et quelqu'un a proposé à Jake de le remplacer. Je l'avais trouvé courageux de faire cela et il se trouve qu'il a choisi de jouer une reprise de Heart Of Gold de Neil Young... qui était presque parfaite en tous points.
Jake : J'ai laissé Bernard croire que c'était improvisé mais il était prévu que je fasse une apparition durant la soirée, j'avais donc préparé cette reprise pour l'occasion.
Bernard : C'était un lieu atypique pour une audition mais j'étais vraiment impressionné.
Jake : Quelques mois plus tard, j'ai croisé Bernard sur un parking où je garais ma vieille voiture. New Order avaient une tournée à venir et je lui ai dit que s'il cherchait une première partie il pouvait m'appeler quand il le voulait. Après qu'il en ait parlé avec Phil Cunningham, c'est ce qu'il a fait.
Bernard : Voilà pour la première partie de l'histoire. Quelques temps plus tard je suis allé à une fête chez un voisin d'Alex James pour le jour de l'an. Jake était présent et aux alentours de quatre heures du matin, alors que j'avais manifestement beaucoup trop bu, je lui ai demandé s'il serait intéressé par l'idée d'écrire quelques chansons avec moi.

Alex James était partie intégrante du groupe au départ avant de cesser sa collaboration. Pourquoi ?

Bernard : C'est dans la maison d'Alex, suite à cette soirée, que nous avons écrit les premières chansons de Bad Lieutenant. Je pense qu'il a collaboré avec nous le temps de trois sessions, peut-être plus, mais il était compliqué de tous nous rassembler car Alex habite à près de 300 kilomètres de chez moi. Il avait aussi d'autres occupations comme son show télévisé et il était trop difficile de continuer ainsi.

Vous avez aussi essayé pas moins de quatre batteurs...

Bernard : Nous n'avions fait aucun choix pour ce poste au départ alors nous avons voulu tester plusieurs personnes. Karl Jackson tout d'abord, mais ce n'est pas un batteur professionnel, il joue pour le plaisir et préférait continuer travailler à l'Apollo de Manchester. Ensuite ce fut le jour du frère de Jake, Matt Evans, puis Jack Mitchell et Stephen Morris pour finir. Quatre batteur donc, le compte est bon.
Jake : Ce qui fait cinq avec la boîte à rythmes (rires) !
Bernard : Chacun des batteurs a participé à l'enregistrement de chansons différentes, mais le il était nécessaire que le cœur du groupe demeure fixe. Je n'en veux pas à Alex de ne pas avoir pu trouver le temps de continuer l'aventure mais il nous a fallu prendre une décision. Au final, Jake, Phil et moi sommes rapidement devenus la base de Bad Lieutenant. Les démos des chansons ont dans un premier temps été enregistrées avec la boîte à rythmes, notamment puis les batteurs nous ont rejoints lorsque cela était nécessaire. Ce qui n'était qu'un groupe d'amis jouant ensemble au départ est ainsi devenu un vrai projet.

Après avoir joué avec Stephen Morris pendant trois décennies, pourquoi ne pas l'avoir incorporé au groupe dès le départ ?

Bernard : Je ne veux pas m'étendre sur le sujet mais une personne dans la famille de Stephen était très malade à cette époque et il ne voulait pas s'éloigner. Les choses se sont arrangées depuis et il a pu nous rejoindre en studio pour deux des chansons de l'album. Et bien entendu, il sera avec nous lors des concerts de Bad Lieutenant, tout est redevenu normal en quelque sorte.

Tu partages le chant avec Jake sur ce disque, comment le vis-tu ?

Bernard : Ce n'est pas la première fois que cela m'arrive, je n'y pense donc pas trop. Je l'ai déjà fait avec Neil Tennant dans Electronic, Ana Matronic de Scissor Sisters pour Jetstream et aussi sur la chanson Out Of Control des Chemical Brothers avec Boby Gillepsie. J'avais donc eu plusieurs expériences similaires mais je n'avais jamais vécu cela lors de l'écriture des chansons pour mon groupe. Je pense que c'est un point très positif pour tout le monde, cela rend les choses plus intéressantes, d'autant plus qu'il était nécessaire d'enregistrer dix-sept ou dix-huit chansons au total pour en faire des bsides pour les singles. Avoir Jake à mes côtés était une bénédiction, pas seulement d'un côté artistique, mais aussi du côté pratique pour pouvoir partager les tâches.

L'enregistrement de l'album s'est étalé sur près d'une année, pensiez-vous prendre autant de temps dès le départ ?

Bernard : Un an et demi même... mais je crois que c'était inévitable. Pour tout nouveau groupe une période d'adaptation est nécessaire, il faut trouver de nouveaux automatismes et apprendre à connaitre les musiciens avec qui tu travailles. Connaître les points forts et faibles de chacun. Notre rythme de travail explique aussi cette durée. Nous ne commencions nos journées que tard, aux alentours de midi pour les achever à deux ou trois heures du matin, et je tenais absolument à ce que nous fassions des pauses durant les vacances scolaires afin que je puisse m'occuper des mes enfants comme il se doit. Le studio avait beau être dans ma propriété, j'avais l'impression d'être à l'écart de ma famille.
Jake : Bernard ne parvenait à composer le matin, il préférait se consacrer à ça une fois la journée bien entamée. Et puis, quand tu n'as pas de vraie contrainte horaire, tu ne te force pas à te lever tôt juste pour vérifier si tu en es capable (rires) !
Bernard : Si j'avais été plus jeune, notre rythme de travail aurait été tout autre. Il m'arrive parfois d'être insomniaque et donc de travailler la nuit. C'est en général à des heures tardives que je suis le plus prolifique pour écrire des textes, lorsque je suis entouré par l'obscurité.
Jake : Je suis moins instinctif que Bernard, je suis incapable de prévoir à quel moment je vais réussir à composer une chanson. J'ai besoin de marcher pour me clarifier les idées puis je m'assois dans le canapé avec une bande son et j'attends que les mots me viennent. Et s'il le faut, je sors pour marcher à nouveau.

Ce disque se démarque de la musique de tes précédents groupes par l'importance de la guitare au sein de la plupart des chansons. Comment l'expliques-tu ?

Bernard : L'explication est simple... le groupe compte trois musiciens qui sont tous guitaristes. Il aurait été stupide d'aller contre nos natures dans une telle situation. Notre manière de travailler à tous les trois nous a amenés à ce résultat au final. Les conditions ont aussi joué un rôle, notamment lorsque nous sommes allés dans un studio choisi par Jake pour mixer l'album. Dans les pièces attenantes se trouvait un groupe jouant sans cesse des reprises, un autre de métal, et il y avait aussi le propriétaire des lieux venant sans cesse nous voir pour nous demander quand l'album serait fini. C'était un sacré personnage, curieux et toujours là à entrouvrir la porte et à prendre des nouvelles sur notre avancée...

Les conditions étaient pour le moins originales...

Bernard : Certaines choses qui nous auraient dérangé en temps normal sont au final devenues des habitudes. La table de mixage était par exemple située à deux mètres du sol, des claviers étaient accrochés perpendiculairement au mûr... mais tout s'est bien passé et quelques bonnes chansons sont nées de cette expérience.

De nombreuses personnes espèrent encore une reformation future de New Order, quelle est votre vision de Bad Lieutenant à long terme ?

Bernard : Je ne vois pas aussi loin. La première étape a été d'enregistrer d'un album et maintenant nous sommes entrés dans la phase promotionnelle en attendant sa sortie. Rien ne nous presse alors nous allons prendre notre temps, répéter en vue de nos futurs concerts... et surtout ne pas retourner dans notre studio trop rapidement (rires) !
Jake : Nous y avons passé suffisamment de temps. Pour le moment, je pense uniquement à partir en tournée.