logo SOV

Editors

Interview publiée par Fab le 22 septembre 2009

Bookmark and Share
Devenus l'une des formations les plus populaires outre-Manche après la parution de deux albums seulement, Editors reviennent le 12 octobre avec In This Light And On This Evening. Un disque marqué par une rupture brutale dans leur univers musical et une évolution plus sombre que jamais...

Votre troisième album sort dans quelques semaines après plusieurs mois de travail, pouvez-vous m'en dire plus sur la manière dont il a été enregistré ?

Chris : Tout a été plutôt rapide. Dès que notre dernière tournée s'est terminée nous sommes retournés dans notre studio de répétition pour préparer les premières démos mais nous n'avons jamais fait de vraie pause si ce n'est le temps de quelques semaines aux alentours de Noël. En réalité je n'ai pas le sentiment que le groupe se soit arrêté à aucun moment.

Avec la première diffusion de Papillon récemment et le début de votre campagne promotionnelle, ressentez-vous maintenant une pression grandissante par rapport à cette sortie ?

Chris : Ce n'est pas dans notre nature... ou peut-être est-elle autour de nous mais elle ne nous touche absolument pas. Actuellement j'ai l'impression d'évoluer au sein d'un « No Man's Land » : la première étape a été d'écrire puis enregistrer un nouvel album, la seconde de le sortir et la troisième de partir en tournée pour jouer nos nouvelle chansons. A l'heure actuelle, nous sommes entre deux étapes car très peu de gens ont pu écouter l'album. Alors nous prenons notre mal en patience et nous attendons que le 12 octobre arrive.
Ed : J'ai vraiment réalisé ces derniers mois à quel point le processus de création d'un album peut sembler long et fastidieux. C'est étrange car au final tout s'accélère et j'ai l'impression de perdre un peu le contrôle avec les sessions photos, les interviews, le tournage des vidéo clips... Je sais que notre rythme de vie va être un peu fou durant les prochaines semaines mais je me focalise sur la sortie du disque qui approche à grands pas.

Ce disque marque un réel tournant dans votre univers musical, n'avez-vous pas cherché d'une certaine manière à briser l'image que le public s'était fait de vous avec The Back Room et An End Has A Start ?

Chris : De la même manière que la pression ne me touche pas, je préfère ne pas me préoccuper de que les gens peuvent penser du groupe. Nous avons fait ce que nous avions à faire avec cet album, tout comme cela avait été le cas avec le précédent. Nous avons suivi une nouvelle voie mais elle ne me semble pas tellement éloignée de nos racines. Sur notre premier album, certaines chansons comme Camera ou Blood incorporaient déjà des éléments électroniques dans leurs rythmiques. Il était hors de question de nous parodier, cela aurait été une source d'ennui selon moi.
Ed : Notre problématique était de trouver la meilleure manière de changer notre musique. Plus que le son, j'entends par là notre attitude et la manière dont les chansons sont écrites. Pour obtenir un résultat différent, changer en profondeur était une nécessité.

Vos nombreux singles avaient quelque sorte fait votre succès jusqu'à maintenant, mais vous semblez avoir changé la structure même des chansons pour cet album...

Chris : Pour être honnête, nous n'avons pas porté d'attention particulière aux structures des chansons. Je pense que cette évolution a été initiée en partie par nous mais aussi par Flood qui a produit le disque. L'idée était de suivre le groove plutôt que les chansons en elles-mêmes, ne pas poser de barrières en quelque sorte. Si nous avions l'intuition qu'il était judicieux de rajouter une boucle supplémentaire après avoir écoute une première démo, nous le faisions sans nous poser de questions. Il fallait imposer nos choix plutôt que les subir.

De quelle manière Flood a-t-il marqué ce disque de son empreinte ?

Ed : Le ton de l'album était déjà bien défini avant même que la question du choix du producteur ne se pose. Dès les premières démos de chansons composées par Tom, il était évident que l'album serait très différent des deux précédents. Lorsque nous nous sommes retrouvés en studio, nos visions du disque à tous les quatre étaient sensiblement identiques et le choix de Flood était une évidence en raison de ses précédentes collaborations. Je ne dirais donc pas qu'il a influencé notre son mais il nous a donné les armes pour mener cette mission à bien.

Auriez-vous pu travailler avec une autre personne ?

Ed : Flood était l'un de nos premiers choix. Nous avons discuté avec deux autres producteurs avant de prendre une décision définitive, des personnes bien moins connues que lui, plutôt des musiciens.
Chris : J'aurais aimé que nous soyons plus aventureux sur ce point et que nous prenions le risque de collaborer avec une autre personne. Les nouvelles chansons étaient très sombres et je n'étais pas convaincu de l'intérêt de payer une personne pour nous pousser dans cette direction alors que nous pouvions y parvenir seuls. Je pense malgré tout que le choix de Flood a été le bon, mais je suis curieux de savoir quel aurait pu être le résultat avec quelqu'un d'autre pour produire ce disque.
Ed : Le point fort de notre collaboration avec Flood a été la compréhension mutuelle avec l'ensemble du groupe. Il a très rapidement compris nos choix et a fait le nécessaire pour nous aider en ce sens.

Comment expliquez vous la tournure électronique très sombre prise par la plupart de ces nouvelles chansons ? La comparaison avec Depeche Mode ne serait pas insensée par instant...

Chris : Et pourtant ce n'est pas un groupe que nous écoutons ! Je pense plutôt à des groupes comme Cabaret Voltaire, Gary Numan et surtout les Talking Heads, il faut donc plutôt chercher du côtés des années 70s que 80s. En mettant entre les mains d'un groupe comme le notre de nouveaux instruments, le résultat ne me parait pas si étonnant à y réfléchir...

Comment avez-vous vécu le fait de remplacer la guitare par un clavier ou la batterie par une boîte à rythme ?

Ed : La boîte à rythmes est présente sur certaines chansons mais malgré l'utilisation de sons plus synthétiques nous avons souhaité que l'aspect humain prédomine. Les synthétiseurs, sampleurs ou séquenceurs que nous avons utilisé se basaient sur des sons que nous produisions nous-mêmes. Nous conservions le contrôle durant tout le processus mais nous avons suivi une nouvelle approche et je considère cela comme une expérience très positive en tant que musicien.

Vous habitez tous désormais aux quatre coins de la planète (ndlr : Tom à Londres, Ed à Birmingham, Chris et Russ à New York), de quelle manière cette nouvelle organisation a-t-elle impacté l'écriture du disque ?

Chris : J'ai beaucoup de mal à jauger à quel point ce changement dans nos modes de vie a pu influencer ce disque car il n'est pas quantifiable physiquement... mais il est évident qu'il a joué un rôle. Russ et moi avons souhaité un important changement dans nos vies et je pense que nous ne sommes plus les mêmes désormais. Vivre à New York peut être très enrichissant, c'est une ville qui te pousse plus à réfléchir selon moi, à comprendre qui tu es. Lorsque par la suite tu veux écrire des chansons sur ce qu'est ta vie, ton point de vue est totalement différent. Pour être honnête, je n'ai sans doute jamais aussi pu écrit que depuis que je vis à New York car les distractions sont trop nombreuses (rires) !

Quand avez-vous senti qu'il était nécessaire de vous retrouver en studio pour enregistrer ce disque ?

Chris : Les premières démos ont été écrites par Tom alors que nous étions encore en tournée et dès lors que nous sommes rentrés chez nous tout s'est accéléré. La vie en tournée est particulière, et dès lors que tu peux enfin t'arrêter de voyager tu n'as qu'une seule envie : retrouver ton « mojo » et écrire à nouveau des chansons... ce pour quoi tu es devenu musicien. Cela nous a donc amené très rapidement à nous rassembler pour enregistrer le disque.

Vous avez enregistré dix-huit chansons au total... mais seulement neuf ont été sélectionnées pour l'album. Comment l'expliquez-vous ?

Chris : C'est inhabituel, mais le résultat est plutôt bon non (rires) ? De toutes les combinaisons que nous avons testé, celle-ci était de très loin la meilleure en tant qu'album. Ce n'est certainement pas un problème de qualité car six ou sept des chansons que nous avons laissé de côté auraient mérité de sortir autrement que sous forme de bsides. Pour obtenir un « flow » parfait pour ce disque il a fallu faire ce sacrifice, dans le cas contraire cela aurait été un caprice de notre part.

L'édition limitée de l'album proposera un second disque contenant cinq chansons supplémentaires. Que faut-il en attendre ?

Ed : Toutes ces chansons ont été enregistrées durant les sessions de l'album et certaines d'entre elles auraient pu être choisies, il ne faut donc pas s'attendre à un fossé entre les deux disques. L'esprit est le même et ces chansons sont bien meilleures que de simples bsides. Deux d'entre elles ont été réenregistrées une fois que l'album était achevé, juste pour notre propre plaisir. Nous étions plus libérés et nous pouvions tester nos idées les plus folles sans craintes.
Chris : Nous sommes d'ailleurs restés aux côtés du producteur pendant qu'il s'occupait du mixage de ces chansons afin de découvrir les rouages de ce processus. Avec ces bsides les possibilités étaient plus grandes, certaines avaient un son un peu étrange et d'autres ne semblaient pas avoir été enregistrées par Editors.

Pouvez-vous m'en dire plus sur ce qu'est devenu votre chanson No Sound But The Wind ?

Chris : Nous l'avons enregistrée... plusieurs fois. Elle dure environ 6 minutes et 30 secondes mais je ne pense pas que la version actuelle soit vraiment satisfaisante. Nous allons probablement la mettre de côté et un jour nous chercherons à l'améliorer. Rien ne nous presse...

Il y a quelques semaines de cela Tom a publié un communiqué relatif à l'image du groupe et notamment au fait qu'Editors est perçu comme un groupe sombre. Pouvez-vous m'en dire un peu plus ?

Chris : Oui... Tom a dit ça (rires) ! Pour moi il ne devrait pas y avoir de débat, Editors est un groupe dont la musique est sombre et agressive... Il est parfois fatigant de lire encore et encore les mêmes commentaires sur le groupe et le fait que notre musique soit sombre, à croire que nous ne sommes que cela et rien d'autre. En écoutant ce nouvel album, je pense que les gens comprendront que c'est sans doute notre création la plus sombre, oppressante et malsaine d'un point de vue musical. L'excitation qui a découlé du processus créatif à travers l'utilisation de nouveaux outils se ressent vraiment et j'espère que cela sera correctement perçu.

Le thème de Dieu semble commun à la plupart des chansons et Tom semble presque s'adresser à lui par instant. Diriez-vous que c'est le thème central du disque ?

Ed : Je ne dirais pas cela… Plus que la théorie liée à l'existence ou non de Dieu, les textes de cet album se rapportent plus au contrôle que des gens peuvent avoir sur leur propre vie. L'aspect religieux est donc évoqué tout comme celui du gouvernement ou des abus de pouvoir par exemple. Auparavant Tom écrivait beaucoup en réponse à des événements survenus dans sa propre vie, notamment sur An End Has A Start, mais désormais il joue le rôle d'un observateur jugeant ce qui l'entoure.

Le titre de l'album, In This Light And On This Evening, semble porteur d'espoir...

Ed : C'est un titre optimiste. Si le disque peut sembler agressif et difficile à appréhender au premier abord, les mélodies n'ont pas été oubliées et certaines chansons demeurent hypnotiques. Un bon disque doit être constitué de haut et de bas mais aussi d'états intermédiaires. L'ensemble que constituent donc ces neuf chansons contribue à cela. Chris : Les chansons sont sombres, nous l'avons déjà répété plusieurs fois, mais l'aspect optimiste n'est jamais oublié. Peu importe les conditions traversées, il faut toujours garder en tête l'idée que la lumière nous attend au bout du tunnel. Pour la première fois, nous sommes parvenus à définir cet aspect sombre plus grâce aux instruments qu'aux textes des chansons.

L'artwork semble particulièrement en adéquation avec l'esprit du disque. Par qui a-t-il été créé ?

Chris : C'est un tableau qui avait été commandé à une artiste dans les années 70s mais jamais utilisé. La seule retouche a été d'y ajouter la ligne démarquant le ciel sous la forme de vagues. Je pense que la pochette est à l'image de l'album, ce n'est pas une image en noir en blanc, j'y vois personnellement des flashes de différentes couleurs. Ces différentes couleurs représentent les différents sentiments émanant du disque. Cet artwork est de loin mon préféré parmi ceux de nos albums.
Ed : Nous voulions une image irréelle pour la pochette, contrairement à celles choisies pour nos deux premiers albums qui étaient des photographies. C'est une vraie oeuvre d'art pouvant être reliée à notre musique.
Chris : Ce visuel nous plait vraiment beaucoup, il sera aussi utilisé pour notre merchandising. Le fait qu'il ait survécu près de trente ans sans disparaître est un gage de qualité pour moi.

Vous n'êtes plus partis en tournée depuis longtemps, cela vous a-t-il manqué ?

Chris : Les deux derniers mois ont été très frustrants. L'album est achevé depuis un certain temps mais nous n'avons donné des concerts que sporadiquement en dévoilant trois ou quatre chansons. Il était impossible de créer de nouveaux automatismes avec ce rythme et c'est pour cette raison que j'ai très envie de pouvoir enchaîner les concerts. Pour retrouver un certain rythme en tant que groupe et penser plus à notre performance qu'à la bonne manière de jouer les nouvelles chansons.

Vous avez récemment donné deux concerts à Birmingham à l'occasion desquels la plupart de vos nouvelles chansons ont été présentées. Comment le public a-t-il réagi ?

Ed : De manière très positive ! Même si notre public s'est déplacé en masse, il n'est pas facile d'introduire autant de nouveaux titres à la fois et nous avions quelques appréhensions. Il y avait une certaine attente et je pense que nous avons rempli notre contrat. Entendre certaines personnes nous dire que les nouvelles chansons sont meilleures que les anciennes est une belle récompense. C'est ce que nous avions besoin d'entendre avant la sortie de l'album.