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Lightspeed Champion

Interview publiée par Anne-Line le 16 février 2010

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Lightspeed Champion n'en fait qu'à sa tête. Dans ce climat de marasme social et économique, il sort son nouvel album intitulé Life Is Sweet! Nice To Meet You. Comme un pied de nez à cette crise qui frappe tout aussi durement le milieu de la musique, le songwriter élargit ses horizons avec cet album aux sonorités variées et opulentes. Sound Of Violence est allé rencontrer le songwriter hyperactif pour tenter de découvrir ce que cache cet optimisme béat.

Ton nouvel album sort deux ans après ton premier, pourtant tu es quelqu'un d'assez prolifique...

Oui, en fait j'ai enregistré six albums cette année ! Cet album-là, je l'ai enregistré au mois de mars. J'ai fait d'autres choses entre-temps. L'enregistrement à proprement parler n'a duré que neuf jours. Si ça n'avait tenu qu'à moi, on n'en aurait mis que huit... (rires). J'ai fait beaucoup de collaborations l'année dernière, et entre le moment où on enregistre quelque chose et le moment où ça sort, il y a toujours un certain laps de temps, c'est assez bizarre... J'ai fait un album en tant que Blood Orange, qui va bientôt sortir pour de vrai, d'ailleurs la semaine prochaine je vais travailler sur des morceaux. J'ai aussi écrit un album pour deux violoncelles et un piano. Pendant un moment, j'ai gardé la maison d'un ami parti en vacances, et j'ai enregistré un album avec les instruments qu'il y avait là-bas...

Ton fonctionnement semble très spontané !

Tout est très spontané, où que je sois, je peux faire un album ! J'adore tellement la musique que je ne la prends pas trop au sérieux, alors je peux m'amuser avec. Faire de la musique, ça se passe comme ça (claque des doigts) ! Ce n'est pas fait pour changer sa vie, ce n'est pas pour être le dernier truc à la mode... C'est juste pour s'amuser. Il faut se laisser aller ! Je ne vois pas les albums de Lightspeed Champion comme des albums à jouer en live. Quand je les écris, je n'envisage jamais le moment où je vais devoir les jouer. Ma maison de disques insiste pour que je fasse des tournées, mais au départ le projet Lightspeed Champion n'était pas censé aller aussi loin.

En écoutant cet album, on sent bien qu'il y a eu plus de budget que pour le précédent pourtant...

C'est amusent que tu dises ça, parce que j'y pensais en le faisant (rires). Tout le monde veut essayer de se donner un air cool avec un son sale. Moi je voulais un album très beau. Avant d'arriver en studio, je me suis préparé très consciencieusement. Par exemple, pour le clip de Marlene, j'avais un budget presque nul à ma disposition mais on est arrivé à faire quelque chose de bien. Récemment j'ai joué un concert en tant que Blood Orange, et avant moi il y avait ce groupe qui voulait se donner des airs lo-fi alors qu'il utilisait tout un matériel très sophistiqué ! Le chanteur ajoutait beaucoup d'effets sur sa voix, c'était n'importe quoi... Et moi je devais passer après ça, juste avec mon ordinateur portable et des pistes enregistrées sur Garageband ! Ce qui compte, ce n'est pas ce que tu as, c'est ce que tu en fais.

Le titre de l'album est très positif, très optimiste. Est-ce sincère ou ironique ?

Oui, c'est très sincère! Quand on est content de ce que l'on fait, on a plus de temps à consacrer aux autres, à partager avec eux. C'est ce que j'essaye de faire, de donner de mon temps aux autres.

À quel point était-tu impliqué dans le processus de production de l'album ?

J'ai tout fait moi-même ! (Il réfléchit) Je ne sais pas si je peux en parler... En fait j'ai co-produit l'album. Ce qui s'est passé, c'est que le producteur qui a travaillé dessus ne veut pas partager les crédits. J'ai fait remixer l'album par quelqu'un, parce que j'ai tendance à travailler très vite et à passer à autre chose très rapidement. Le problème c'est que ce mec a beaucoup trop trituré mes morceaux, il changeait carrément des notes ! Je n'en revenais pas ! Alors j'ai dû tout recommencer moi-même depuis le départ. Et quand l'album est sorti, on m'a annoncé que ce mec ne voulait pas partager le statut de producteur avec moi sur la pochette... Il a insisté pour être cité comme seul producteur. C'est vraiment dingue. Ceux qui ont vu ce qui s'est passé sont étonnés parce qu'ils savent à quel point j'ai pété un câble à cause de lui. Mais moi tout ce qui m'importe, c'est ma musique. Tout le reste, je m'en fiche. Tout le monde me dit que je devrais me battre pour mes droits, mais moi je ne veux pas me disputer avec les gens. Je déteste tout ce côté-là du métier. Je veux juste qu'on me laisse tranquille ! Ce n'est pas grave si je perds de l'argent. C'est drôle, c'est la dernière interview de la journée, et au fur et à mesure des entretiens je deviens de moins en moins tendre avec ce type. Ce matin, ça allait encore, quand on me posait des questions sur lui, je répondais gentiment. Mais là, je suis arrivé au point où je dis la vérité.

Il y a des morceaux sur cet album qui touchent réellement au domaine de la musique classique...

Oui. Je compose beaucoup de musique classique. J'ai commencé à écrire pour le violoncelle. J'avais comme projet cette année d'entrer dans une école de musique, pour étudier la composition. Mais j'ai encore le temps, peut-être l'année prochaine...

C'est très sérieux tout ça finalement...

Je me dis que ça pourrait me servir à trouver un vrai boulot un jour (rires) ! Je me considère très chanceux de pouvoir à peu près en vivre maintenant, mais j'ai encore beaucoup à apprendre. Dans le deuxième couplet du morceau There's Nothing Underwater, il y a une partie de hautbois. Ce n'est pas moi qui la joue, mais c'est moi qui l'ai composée. Je ne suis pas familier avec tous les instruments, alors quand j'écris des mélodies, il m'arrive d'écrire des choses pratiquement impossibles à jouer ! Les musiciens qui travaillent avec moi me remettent les pieds sur terre. C'est ce genre de situation que j'aimerais éviter, et c'est pourquoi j'ai envie d'apprendre la musique sérieusement. J'aimerais ne plus avoir à me cantonner au piano pour écrire.

Tu as fait de vrais progrès au niveau du chant sur cet album. As-tu vraiment travaillé ta voix ?

Et bien merci ! En réalité j'avais détraqué ma voix et j'ai dû me faire opérer. C'était horrible. Je ne pouvais même plus parler, ça a duré deux mois. Et le jour de l'opération est tombé le jour de mon anniversaire, le 3 décembre. J'ai ensuite dû aller chez le phoniatre. Ça m'a rappelé des mauvais souvenirs de mon enfance, quand je m'y rendais pour mon problème de bégaiement. Le fait de voir cette orthophoniste m'a beaucoup appris au cours de l'année dernière sur le chant. Je chante la plus grande partie de l'album avec ma voix de tête, et je ne m'en servais jamais avant. J'aimerais m'en servir plus souvent dans le futur, devenir un maître de la voix de tête comme Marvin Gaye (rires) ! Avant, pour atteindre une note, je ne faisais que crier plus fort, et sans le savoir c'est ça qui a endommagé ma voix. Donc oui, je travaille beaucoup plus sur ma voix maintenant. Aussi, ça m'a beaucoup décomplexé. Avant je détestais m'entendre chanter. Maintenant ça va. Je ne me voyait pas comme un chanteur, plutôt comme un artiste qui essaye de transmettre ses idées... après si quelqu'un d'autre chantait à ma place, ce n'était pas plus mal !

Tu commences à te considérer comme un chanteur maintenant alors ?

J'ai vécu beaucoup d'expériences cette année qui m'ont fait évoluer dans un certain sens. Par exemple, j'ai travaillé sur l'album de Solange Knowles (ndlr : la soeur de Beyoncé). De travailler avec quelqu'un comme ça, c'était fantastique, parce que c'est une vraie chanteuse, et je savais que si j'entendais quelque chose dans ma tête, elle n'aurait aucun problème pour le reproduire immédiatement. Ça m'a beaucoup fait réfléchir. J'aimerais expérimenter différentes manières de chanter. Gainsbourg, par exemple...

Tu es fan de Gainsbourg ?

J'adore 69 Année Érotique, Sous Le Soleil Exactement... J'aime beaucoup sa manière de chanter, très profonde et très veloutée. J'ai été influencé par beaucoup de musique française. Jean-Claude Vannier a une façon d'utiliser les sections de rythme... Oh mon dieu ! C'est un arrangeur tellement incroyable. Il arrive à faire des choses insensées tout en gardant un certain dépouillement. Je tente de m'approcher de quelque chose comme ça. Il m'inspire beaucoup. J'aime aussi beaucoup Lio (rires) ! Même si je crois qu'elle vient de Belgique...

Lio ? Quelles chansons connais-tu d'elle ?

J'ai tous ses albums ! J'adore Suite Sixteen, Sage Comme Une Image... Il se met à chanter :« Je suis sage comme une image ! Dadada... ». J'adore ses trois premiers albums.

Tu aimes aussi Banana Split ?

Ah oui ! (Il chante la mélodie du couplet en yaourt) Je ne connais pas les paroles, mais je sais qu'elles sont sensées être assez vulgaires ! Comme She Bop de Cyndi Lauper qui parle de masturbation... Quand cette chanson est sortie en single juste après Girls Just Wanna Have Fun, tout le monde fredonnait « She bop ooo-ooh » et personne ne se doutait (rires) !

Quels sont tes projets dans l'immédiat ?

Finir l'album de Blood Orange, il sortira l'année prochaine.