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The Go! Team

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 18 janvier 2011

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Le Motel, c’est cet endroit hype et branché du quartier de Charonne, perdu au fin fond de l’impasse Jousset, pratiquement en face du Pause café. Ouvert de 18h à 2h du matin, il prouve, certains soirs, que la fête et la musique ne sont pas mortes à Paris !

C’est là, mais à une heure très matinale pour un ce lieu, 15h, que je dois rencontrer Ian Parton et Ninja, respectivement guitariste/compositeur/producteur et chanteuse de la formation The Go! Team. Nous sommes en novembre et le ciel est lourd comme le bâti d’une mine de charbon perdue dans les corons du nord.

Malheureusement, le Motel ne fonctionne pas à cette heure-ci de la journée et même les barmens dorment encore ! C’est donc dans une salle vide, très froide et sans café pour se réchauffer, qu’attendent Ian et Ninja. Un Ian que l’on croirait sorti d’un match de football Manchester United – Leeds de 1975 (avec le même maillot et la même coupe de cheveux !) et une Ninja qui, question après question, laissera éclater son rire anti-conformiste et, disons-le, sa folie sous sous-jacente...

Sur votre nouvel album, Rolling Blackouts, votre son semble plus épuré et plus pop qu'auparavant. Etait-ce un choix conscient ?

Ian : J’aime bien le mot épuré, mais je ne sais pas si je l'utiliserais pour parler de l’album. Il est clair qu’il contient plus de nuances et de suspens dans certains titres, contrairement au précédent qui était plus chargé en termes d’effets et d’arrangements. Celui-ci est plus clair et dynamique et invite à un voyage tout au long de morceaux où les sentiments sont plus apparents. Dire qu’il est plus facile d’écoute est peut-être vrai également. Les mélodies sont peut-être mieux pensées et plus distinctes.

Vos deux premiers albums vous plaçaient au panthéon des arrangements et mélanges sonores les plus fous, apportant une puissance et une énergie très significatives. Ce disque, s'il paraît tout aussi recherché, est peut-être plus facile d'accès...

Ian : Oui. Mais j'espère que ne donnons pas l'impression d’être trop faciles d’accès non plus !

Justement ; sur scène, tous les critiques saluent vos performances et votre fougue, tant musicale que scénique. En revanche, les avis sont souvent moins positifs concernant vos enregistrements studios, notamment sur la complexité de vos arrangements et de vos mélanges sonores. Cet album tendrait à renverser cette tendance ? Diriez-vous que vous vous êtes professionnalisés, notamment au niveau production, au cours des années ?

Ninja : Professionnalisme ? Quel gros mot pour nous ! (rires). Nous sommes loin d’être des professionnels. Sur scène comme en studio, nous aimons être bordéliques et même avoir un son qui peut ne pas sonner correctement. C’est notre façon de jouer et d’être. Quant à savoir comment cet album sonnera sur scène, il vous faudra attendre pour voir ! L’énergie ne nous quitte pas, quoi qu’il arrive, et nous aimons par-dessus tout faire danser et transpirer le public. Mais cette fois, nous lui donnerons la chance de pouvoir respirer, un tout petit peu... puis, nous enchaînerons avec plus de puissance et le ferons remuer, jusqu’à l’apoplexie !

Cette fois-ci, personne ne pourra dire que votre musique s’exprime sur scène mais moins en studio...

Ian : Quoi que l’on fasse, il sera toujours difficile de visualiser par l’écoute d’un album la puissance d’un live ou les sauts que je fais à la guitare quand je joue ! Si les enregistrements de nos démos initiales, et surtout de notre premier album, sonnaient désordonnés, voire douteux, c’était un choix délibéré. Je me souviens avoir reçu des emails de gens pensant être tombés sur une mauvaise copie du CD parce que le son était dégueulasse sur leur Hi-Fi. Je me souviens aussi leur avoir répondu « Fuck off » (rires) !

Près de quatre années se seront écoulées depuis la sortie de Proof Of Youth lorsque Rolling Blackouts sera disponible, comment expliquez-vous une telle attente ?

Ian : Ça ne nous est pas apparu si long... durant toutes ces années nous n’avons pas arrêté de jouer de part le monde ; Singapour, Russie... Le processus d’écriture et de composition est long, et étant donné que je ne suis pas encore un génie de la musique, trouver les bons samples, les bonnes paroles et mélodies et les mélanger intelligemment, cela prend du temps. Cela ne m’a pas paru si long finalement.
Ninja : Ce n’était pas vraiment quatre années. Il s’est passé trois années depuis la sortie du dernier album et à peine deux si l’on considère le moment où l’on a commencé à penser à Rolling Blackouts. C’est, somme toute, une période très raisonnable. Nous ne voulons pas être omniprésents et mettre la pression sur notre public. Nous voulons lui laisser le temps de nous languir ! Alors ils nous réclament et nous on leur dit non ; et puis on leur dit oui ; et au final tout le monde se prend dans les bras et tout rentre dans l’ordre (rires) !

Cet album comporte deux collaborations avec Satomi Matsuzaki (Deerhoof) sur Secretary Song et Bethany Consentino (Best Coast) sur Buy Nothing Day, comment ces rencontres se sont déroulées ?

Ian : C’était très cool. J’ai écrit certains titres et je me suis demandé « quelle voix irait bien sur ce titre ? ». Pour Secretary Song je me suis projeté à Tokyo dans un bureau où travaillent des centaines de personnes dont une secrétaire tapant à la machine et une mélodie un peu scolaire m’est venue... Pour le titre avec Bethany, je rêvassais à une ambiance de plage, de soleil et de route du Pacifique ouest et je voulais trouver une voix qui pouvait le mieux coller à cet atmosphère. Bethany n’était pas très connue quand je l’ai contactée pour ce titre. C’était à peu près à la même époque l’année dernière. Elle a apporté une chaleur et une influence sixities qui lui collent à la peau et à la voix...

Quels sont les autres artistes avec qui vous aimeriez collaborer ?

Ian : Il n'est pas facile de penser à ça maintenant, le temps d’une question... et ceux à qui je pense ne sont pas faciles à joindre ou à convaincre. Je préfère penser à ceux avec qui j’aurais aimé travailler et là, la réponse est toute trouvée, ce serait la chanteuse des Shangri-Las, un groupe des années soixante. Et aussi Moe Tucker, des Velvet Underground, si elle pouvait encore chanter !

Mais Moe Tucker est encore en vie !

Ian : Peut-être, mais elle est devenu une « fucking tea party’s voice » (rires) !

Êtes-vous d’accord avec cette définition de votre musique, que l’on doit à votre label : un collage fait maison de samples méticuleusement choisis et d’instruments trashy brillamment assemblés !?

Ninja : Un collage fait maison de samples méticuleusement choisis et d’instruments trashy brillamment assemblés (rires) ? Voilà une définition tout droit sortie du dictionnaire, un peu trop parfaite à mon goût ! Mais, maintenant, quand j’entendrais un autre groupe qui copie nos musiques et qu’ils me diront : Prouve le ! Je leur répondrais : Je pense que le titre que vous avez écrit est un collage fait maison de samples méticuleusement choisis et d’instruments trashy brillamment assemblés. Si je peux leur répondre ça, c’est qu’ils sont vraiment coupables d’avoir copié notre son (rire général) ! Je ne dirais pas ça de notre musique moi-même, ça sonne trop bien et nous n’aimons pas ce qui sonne trop bien... Mais c’est une très bonne phrase, on devrait tuer la personne qui l'a écrite !

Ninja, tout ce qui vous range dans des petites boîtes vous déplait... comment définir et comparer votre travail ou vos influences pour définir votre style ?

Ninja Oui, c’est vrai, les petites boîtes on les affranchit et on les envoie (rires) !

Vos influences démontrent une grande culture musicale venant, entre autres, des seventies avec le Motown et les Jacksons Five. Pourtant, vous êtes encore jeunes...

Ninja : Ah oui (rires) ?!
Ian : Nous avons juste l’air jeunes !

D'où vous vient cette culture ? De la discothèque de vos parents ?

Ian : A l’université, mon truc c’était plus les guitares saturées version Sonic Youth et les musiques électroniques. Mais dans le même temps, j’étais passionné par la face cachée des feuilletons comme Rue Sésame et toutes les ficelles des marionnettes ainsi que la musique qu’il y avait dans ces séries... même si elles étaient pourries ! Ces univers un peu barrés et antagonistes me donnaient l’impression d’être plus indie qu'indie ! Plus cool que cool ! Et puis, j’ai tenté de rassembler mes univers et d’aller en chercher de plus évidents à coller ensemble pour commencer à m’approprier un vrai style musical et dépasser les frontières de ce qui semble cool et ce qui est effectivement cool.

N'est-ce pas pourquoi les gens aiment votre musique, grâce à votre habileté à mixer avec talent autant d’univers différents ?

Ian : Merci, mais j’aimerais encore aller plus loin, même si c’est tout sauf facile. On peut facilement qualifier notre musique de Méta Jazz ou autre chose mais il est beaucoup plus facile de nous qualifier que de fabriquer cette musique.

Ian, tu produis tous les disques du groupe depuis sa création. N’as-tu jamais envisagé de laisser les commandes à une autre personne ?

Ian : Je ne m’occupe pas du mixage mais il est vrai que nous n’avons pas de producteur nous disant quoi faire ou comment arranger les choses. Mon frère travaille avec nous pur le mixage et nous gardons le contrôle sur notre vision des choses et comment y parvenir.

Cela ne prend-il pas trop de temps sur la musique justement ?

Ian : Non. Pour moi jouer, composer ou arranger nos titres est naturel et je ne dissocie pas ces étapes en un sens. Tant que je pourrais le faire, je le ferais.

Votre prochaine date en France, c’est pour le mois de mars ?

Ninja : On a un agenda bien rempli pour 2011. Beaucoup de radios européennes en début d’année, en janvier, et après on attaque une tournée au Royaume-Uni en février, puis dans le reste de l’Europe et la France en mars. Après ça, le reste du monde !