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Young Legionnaire

Interview publiée par Fab le 4 août 2011

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Alors que le retour de Bloc Party semble de plus en plus proche, Gordon Moakes consacre les derniers mois de son temps libre à son side-project Young Legionnaire dont le premier album a récemment vu le jour. Rencontre avec ce bassiste émérite à l'occasion du récent concert parisien de sa formation...

Tu t'étais fait très discret depuis le début de la pause de Bloc Party mais tu es de retour avec un side-project, Young Legionnaire. Peux-tu nous en dire plus sur sa création ?

Les prémices de ce projet datent d'il y a quelques années. J'ai rencontré Paul Mullen de Yourcodenameis:milo durant la tournée de promotion du second album de Bloc Party. J'appréciais déjà leur musique depuis longtemps mais le fait d'avoir pu partager du temps sur la route à ses cotés a fait germer l'idée d'une possible collaboration... un jour ou l'autre. Au fil du temps j'ai mis de coté des idées de chansons qui ne pourraient pas coller avec l'univers de Bloc Party, mais Paul était toujours très occupé quand je le contactais et le projet était donc en attente. Lorsque nous avons commencé à avoir du temps libre tous les deux, nous nous sommes enfin mis au travail.

Vois-tu Young Legionnaire comme un moyen de vous occuper durant vos périodes creuses ou comme un véritable groupe sur le long terme ?

Il est difficile de savoir ce qu'il adviendra, mais nous avons signé un contrat pour deux albums avec notre maison de disques... alors je pense que nous enregistrerons au moins deux albums (rires) ! J'ai toujours du mal à me projeter dans le futur d'un point de vue artistique. Nous venons de sortir un premier album qui correspond à nos aspirations actuelles mais je suis incapable de dire ce qu'il adviendra pour le suivant par exemple. Je vais sans doute devoir me consacrer à Bloc Party durant l'année à venir alors je ne pense pas que Young Legionnaire sera de nouveau actif avant environ deux ans.

Avec Paul à la guitare et au chant, vous aviez initialement recruté William Bowerman pour officier à la batterie. Pourquoi l'avoir par la suite remplacé ?

William était beaucoup trop occupé par ses autres activités, notamment aux cotés de LA ROUX. Nous avions alors la possibilité d'attendre qu'il soit à nouveau disponible pour donner des concerts... ou trouver quelqu'un d'autre. Son remplaçant, Dean, est originaire de Newcastle comme Paul. Ils étaient amis depuis plusieurs années et Paul me l'a donc présenté. Il nous avait proposé de remplacer William temporairement mais nous cherchions un musicien à temps complet et c'est pour cela qu'il est resté avec nous.

Vous avez tous fait partie de groupes plus ou moins populaires ces dernières années, cela rend-il l'existence de Young Legionnaire plus simple ou au contraire plus compliquée pour vous ?

Quand tu as connu le succès et que tu choisis de partir dans une direction très différente avec un nouveau groupe, les gens ont beaucoup d'idées préconçues et s'attendent à certaines choses de ta part. On pourrait croire que cela simplifie les choses mais ce n'est pas le cas, il est aussi difficile de percer car tu repars en quelque sorte de zéro. Initialement je pensais que les anciens fans de Bloc Party ou Yourcodenameis:milo viendraient d'eux-mêmes vers nous mais nous avons vraiment dû construire à nouveau et repartir sur de nouvelles bases. Tu te dois de proposer un album de qualité et de progresser en live si tu veux que le public s'intéresse à toi. Même si la presse s'intéresse plus à toi que si tu étais un nouveau venu, il faut trouver le temps de faire ses preuves. C'est aussi pour cela que nous enregistrerons un jour un second album avec Young Legionnaire, pour montrer jusqu'où nous sommes capables d'aller tous les trois.

Le temps vous manque pour mener à bien ce projet ?

Je sais que je devrais bientôt me consacrer à nouveau à Bloc Party. J'aurais aimé donner beaucoup plus de concerts avec Young Legionnaire mais nous n'en avons pas encore eu la possibilité et je ne pense pas que cela changera prochainement. Avec les prochaines échéances, une tournée de quatre semaines par exemple sera difficile à mettre en place.

La musique que propose Young Legionnaire est très différente de celle de Bloc Party, beaucoup plus dure et lourde. Savais-tu dès le départ que tu suivrais une telle orientation ?

Si j'avais bien une certitude pour Young Legionnaire, c'était celle-ci ! Je suis même encore étonné aujourd'hui en réécoutant nos chansons que les mélodies soient si présentes ! Je voulais que ce premier album soit punk et heavy, je ne pensais pas que nos influences plus pop et indé ressortiraient autant. Le hardcore et le math-rock étaient nos principales bases de travail. Sans renier mon passé de musicien au sein de Bloc Party, j'ai réellement pu faire ce que je voulais depuis longtemps sur ce disque.

Le terme post-hardcore est souvent utilisé pour décrire votre musique. Cela te semble juste ?

Je pense que oui... Je ne vois pas quelle expression pourrait être plus adaptée pour résumer simplement ce qu'est notre musique. Elle n'est pas suffisamment lourde pour être qualifiée de metal, notamment de par l'importance des mélodies sur de nombreuses chansons. J'ai grandi en écoutant beaucoup de groupes de hardcore qui ont aujourd'hui disparu, cela me semble donc juste de parler de post-hardcore pour Young Legionnaire, même si l'aspect indie de notre musique fait que nous pouvons toucher des personnes ne s'intéressant pas uniquement à ce genre.

Peux-tu nous en dire plus sur tes influences ?

Pour l'album de Young Legionnaire, je pense avoir été influencé notamment par Future Of The Left ou Biffy Clyro mais aussi des artistes plus radicaux dans le son comme Converge, Botch, Sonic Youth et Part Chimp. Pas seulement des artistes agressifs mais aussi des choses plus classiques et mélodiques.

Vous avez sorti votre premier album, Crisis Works, il y a quelques semaines maintenant...

Je m'imaginais initialement écrire un album directement dirigé vers l'extérieur mais il s'avère qu'au final les paroles sont beaucoup plus abstraites et personnelles que prévu. Le titre, Crisis Works, correspond à une certaine vision de la société actuelle, notamment par rapport à la globalisation de nombreuses choses. Je me suis au final inspiré du livre The Shock Doctrine de Naomi Klein, notamment par rapport à l'idéologie qu'il véhicule sur le fait que l'économie profite tôt ou tard de grands désastres ou de crises.

Sans pour autant être un disque politique, Crisis Works est donc un moyen d'exprimer ton point de vue ?

D'une certaine manière oui. On pourrait comparer cela au fait de lever un drapeau pour avertir quelqu'un d'un danger ou à une prise de position face à certains événements. C'est une manière d'exprimer une certaine idéologie sur le monde et ce qui nous entoure...

L'album a été produit par Rich Jackson, comment l'avez-vous rencontré ?

Paul avait déjà travaillé avec lui pour un ou deux albums de Yourcodenameis:milo et j'avais adoré son travail avec Future Of The Left. Je le considère comme l'un des meilleurs producteurs britanniques actuels, ne serait-ce que pour ce disque, et je rêvais donc d'obtenir son accord pour nous aider.

L'album est sorti chez Wichita Recordings, le label de Bloc Party. C'était une solution de facilité pour vous ?

C'est un peu idiot, mais un jour, après être rentré chez moi suite à un concert, je me suis assis dans le salon et j'ai écouté quelques démos. C'est à cet instant que j'ai commencé à espérer que Wichita s'intéresseraient à nous et accepteraient de sortir nos disques comme ils l'ont fait jusqu'à maintenant pour Bloc Party. Je n'ai même pas entrepris de démarcher d'autres maisons de disques pour leur soumettre nos chansons, même si je sais que certaines d'entre elles étaient plus ou moins intéressées par notre musique. Il était évident pour moi que la meilleure solution était de privilégier la relation personnelle et artistique que j'ai établie avec Wichita depuis des années. Je n'avais qu'une seule idée à cet instant : jouer ces nouvelles chansons aux quelques personnes gérant le label et leur demander de croire en nous comme elles l'avaient fait pour Bloc Party. Ma seule ambition était de continuer à collaborer avec eux... et ils ont accepté !

Vous avez assuré les premières parties de Death From Above 1979, Pulled Apart By Horses et Future Of The Left durant l'année écoulée, qu'avez-vous tiré de ces expériences ?

J'ai compris que la scène rock actuelle était bel et bien en vie ! Aussi bizarre que cela puisse paraître, tous ces concerts constituaient plus ou moins nos premières expériences live en tant que Young Legionnaire. Les dates aux côtés de Pulled Apart By Horses étaient fantastiques, nous étions dans notre élément et leur public nous accueillait à bras ouvert chaque soir. Ils sont jeunes et débordants d'énergie mais ce sont vraiment de bonnes personnes, attentionnées et prévenantes. Ils ont presque réussi à me faire me sentir vieux (rires) !

Vivre ce genre de choses ne vous pousse-t-il pas justement à vouloir partir plus souvent en tournée ?

C'est exactement cela qui m'a manqué jusqu'à maintenant : pouvoir partir en tournée plus souvent et surtout plus longtemps que nous ne l'avons fait jusque là. Pour les groupes débutants, la vie est devenue beaucoup plus compliquée désormais qu'elle ne l'était lorsque Bloc Party a commencé à donner des concerts. Avant, il suffisait de sortir un ou deux singles pour trouver le financement afin de partir en tournée au Royaume-Uni. Maintenant, il arrive même qu'un album ne suffise pas et qu'il faille attendre des mois avant que cela puisse se faire. En vieillissant, j'ai pris du recul par rapport à tout cela, je suis plus philosophe. Durant l'année écoulée j'ai pu passer beaucoup de temps chez moi avec mes deux enfants, mais maintenant j'aimerais vraiment pouvoir partir à nouveau en tournée. C'est sur scène qu'un groupe peut progresser et devenir meilleur, c'est ce qui nous manque !

Comment comptes-tu organiser ton temps prochainement ? Les rumeurs autour du retour de Bloc Party se font de plus en plus pressantes...

Je ne pense pas que nous pourrons consacrer beaucoup de temps à Bloc Party avant l'hiver prochain. Mon premier objectif est d'enregistrer un nouvel EP de Young Legionnaire en septembre ou octobre à la demande de notre label, pour lequel nous avons écrit cinq ou six nouvelles chansons. Après cela, j'ai bon espoir de pouvoir donner quelques concerts au Royaume-Uni et peut-être en Europe. Ensuite, il sera sans doute temps de penser à Bloc Party, mais c'est une toute autre histoire...