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Porcelain Raft

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 25 mars 2012

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Mauro Remiddi, romain de naissance, a promené son projet Porcelain Raft pendant plusieurs années à Londres avant de s’exiler à New York où il a composé son premier album Strange Weekend. De passage en France, en première partie de M83, Sound Of Violence l’a rencontré une heure avant la tenue de son concert parisien à la Cigale.

Quand as-tu commencé à faire de la musique ?

Lorsque j’avais quinze ou seize ans, je possédais un enregistreur de cassettes portable ainsi qu’un piano. De ce fait, je réalisais mes propres concerts à la maison. Ça ressemblait un peu à « Bienvenue au Mauro Remiddi show ! », comme une sorte d’émission de radio. A certains moments je faisais des improvisations au piano, à d’autres j’imitais des chanteurs que j’entendais à la radio, à d’autres moments je jouais juste des disques. Je faisais vraiment comme si je passais en direct à la radio.

Tu as fait ça pendant longtemps ?

Je pense que j’ai procédé ainsi pendant deux ou trois ans. J’ai continué à faire ça avec le temps mais au lieu que ce soit une émission de radio, j’ai travaillé mes propres chansons. Tout simplement parce que je ne trouvais pas les chansons que j’aime à la radio (rires).

Avant de sortir ce premier album, tu as pondu pas mal de singles et EPs sur différents formats : 45 tours, maxi vinyle, cassette... C’était important pour toi de sortir tes chansons de cette manière ?

A ce moment là, je voulais sortir des chansons qui s’apparentaient à de petites nouvelles. Elles ne nécessitaient pas un long format, comme celui d’un album. Aussi, elles sont apparues sur divers supports mais en définitive le support en lui-même n’était pas important. Si ç'avait été un album, ça aurait été très différent. Un album, c’est un véritable ensemble qui nécessite une cohérence. Pour les morceaux sortis précédemment, je voulais simplement qu’ils s’apparentent à de petites histoires. Mais ensuite j’ai voulu composer une longue histoire et l’album est sorti.

Pour cet album tu as trouvé un label, avec une distribution « normale » (rires). Comment as-tu réussi à être signé par Secretly Canadian ?

Ils ont écouté ma musique sur Internet et m’ont contacté. D’autres labels m’ont également approché. Mais je m’entendais vraiment bien avec Secretly Canadian et j’aime beaucoup leur approche de la musique, leur manière de travailler, de ce fait j’ai signé chez eux.

D’où vient le titre de cet album ?

J’étais en studio à l’époque. J’en avais un peu ras le bol de ces titres d’albums qui forment constamment un portrait du disque. Comme par exemple : Never Ending Days. Je tenais vraiment à ce que soit l’opposé pour mon disque. L’intégralité de cet album est un instantané. C’est juste moi et l’instant que j’ai vécu. Il concerne donc une période de ma vie. Je voulais cela et je devais faire attention de bien le respecter. En fait, Strange Weekend c’est tout simplement ce qui m’est arrivé au cours de ces deux jours de mon existence. C’est ce concept qui se cache derrière le titre de mon album.

Tu es assez prolifique dans l’écriture de chansons. As-tu sélectionné pour ton album certains morceaux que tu avais déjà composés par le passé ?

Non, vraiment pas. Le disque est comme je te viens de te le dire un polaroïd et son histoire est liée à ce qui m’est arrivée au cours de ce week-end, comme l’annonce le titre. J’ai des chansons inédites écrites il y a un an de cela, mais l’objet n’était pas de les utiliser pour ce disque. Je tenais à exprimer ce que je vivais à cet instant précis. Peut-être certaines chansons peuvent paraître moins bonnes que d’autres, mais, à mon sens, ce n’est pas important. Ce qui compte pour moi, c’est l’unité qu’ils forment.

Comment décrirais tu ta musique ?

Je dirais que c’est le moment où tu te réveilles. En fait, tu es déjà réveillé mais tu ne l’es pas encore complétement. Tu ouvres à peine les yeux. La musique de ce disque, c’est un peu comme si tu trouvais dans cette phase. Cet instant où tu te trouves entre la fin du sommeil et le début de ton réveil. Ce moment où parfois tu ne sais même pas où tu te trouves. Cette fraction de seconde où tu te dis : « Mais où suis-je ? ». C’est comme ça que je décrirais ma musique sur cet album.

Je trouve qu’il existe une certaine atmosphère omniprésente sur ce disque. Il y a pas mal de mélancolie, mais à l’écoute de ces morceaux, il y a une envie de tomber amoureux aussi. Non ?

Lorsque j’ai écrit ces chansons dans le sous-sol de mon appartement, j’étais follement amoureux d’une personne qui est devenue ma femme quelques semaines plus tard. Je ne sais pas si ç'a influencé mon écriture, mais mon cerveau et mon cœur peuvent avoir eu inconsciemment un rôle sur mon disque (Rires).

Tu as souvent réalisé de petits films et vidéos pour accompagner ta musique. Si tu n’avais pas été musicien, aurais tu essayé de réaliser des films pour le cinéma ?

Il n’y a rien qui m’empêchera de réaliser un film. Je suis actuellement concentré sur ma musique, mais je sais pertinemment que je ferai un film dans ma vie. Je ne peux pas dire que je le réaliserai demain. Cependant, j’ai la conviction que je le ferai dans les cinq ans à venir. Tu peux me croire !

Il y a cette chanson, Talk To Me, qui figure sur l'EP qui a précédé ton album. Je trouve cette chanson très sombre et oppressante. On ne ressort pas indemne de son écoute. Peux-tu nous dire ce qui se cache derrière celle-ci ?

Ça me touche que tu me dises ça. L’ambiance dans ce morceau correspond très bien à ce que j’ai pu ressentir vis-à-vis de quelqu’un au moment où je l’ai écrite. Cette chanson parle d’une fille que j’aimais beaucoup. Elle est entrée dans une forme de dépression et n’avait plus du tout la possibilité de se connecter au monde réel. J’ai essayé d’entrer en communication avec elle. Je lui demandais de me parler, mais malheureusement elle restait sans répondre.

Daniel Blumberg (ndlr : chanteur de Yuck) et toi êtes d’excellents amis. N'avez-vous jamais pensé à collaborer sur disque ensemble ?

C’est assez bizarre car nous ne parlons jamais de ça ensemble. Ça va arriver, c’est certain, mais il n’y a pas d’urgence. Ce n’est pas comme si on devait impérativement enregistrer quelque chose sur l’instant au risque de ne pas pouvoir le faire une fois prochaine. Nous nous voyons régulièrement, aussi un peu de patience, ça finira bien par arriver (rires).

Il y a un an, tu donnais, avec Yuck d’ailleurs, un concert au Point Ephémère. Peux-tu nous dire, avant de monter sur scène, ce qui a changé pour toi depuis ?

J’ai recruté un batteur pour reproduire sur scène les morceaux de l’album. Ce qui est assez nouveau pour moi. Mais pour cette tournée en France, je ne pouvais pas l’emmener avec moi. De ce fait, ce sera de nouveau un concert solo ce soir. J’aime toujours jouer en solo. Ça reste pour moi très conceptuel. Ce qui a fondamentalement changé, c’est qu’auparavant j’essayais de prendre mon envol. Maintenant, j’essaye plutôt de me projeter véritablement dans mes émotions.