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Michael Kiwanuka

Interview publiée par Claire le 15 janvier 2013

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C'est en fin d'année que nous avons eu l'occasion de rencontrer Michael Kiwanuka lors de son passage à Paris pour un show intimiste à la Bellevilloise. Celui qui aura fait de 2012 son année éponyme nous a reçu autour d'un café pour discuter influences, nouveaux titres et second album.

Cette année aura été celle de ta révélation, celle où tu as été élu Sound Of 2012 par la BBC. Comment te sens-tu maintenant que nous approchons de 2013 ?

Ce fut une année très cool. Je suis content d'en voir la fin quand même car j'ai passé un temps incroyable sur les routes et ça va me faire du bien de rentrer un peu à la maison. En même temps, j'attends avec impatience 2013 pour pouvoir sortir de nouvelles chansons.

Tu as en effet beaucoup tourné, tu es devenu la coqueluche des plateaux télés anglais. Qu'as-tu appris de cette expérience ?

Je dirais que la principale chose que je retiendrais, c'est apprécier au maximum chaque instant. Car lorsque tu es pris dans ce tourbillon, tu finis par te focaliser sur la façon dont tu te montres, la façon dont tu joues tes titres et au passage, tu peux oublier de t'éclater. Donc oui, continuer à jouer comme quand je n'étais pas connu.

Est-ce que tu penses cependant que tous ces concerts ont apporté quelque chose de nouveau à ton son ?

Les titres ont évolué, se sont développés; en grande partie parce que le groupe avec lequel je joue est fabuleux et donne vraiment vie à mes titres. Les chansons ont grandi. Un peu comme moi en fait.

La dernière fois que tu as joué à Paris, c'était il y a quelques mois, juste à côté, à la Maroquinerie. Ton show sera-t-il différent cette fois-ci ?

Pas vraiment. Nous avons bien forgé la setlist à force de concerts et je pense que l'on a atteint un point où nous sommes plutôt satisfaits de l'ordre des titres. Mais je vais jouer quelques nouvelles chansons, voir comment le public parisien réagit. Le live reste toujours le meilleur test.

Justement, quelle couleur musicale ont ces nouvelles chansons ? Sachant que tu as récemment déclaré être un grand fan d'Hendrix, est-ce que tu te diriges vers un son plus électrique ?

Je reste toujours dans une veine très soul, très folk. J'aimerais beaucoup m'approcher de ce que Hendrix faisait mais dès que j'écris un titre, je me retrouve inexorablement attiré par le côté acoustique. Et c'est difficile de modifier une chanson par la suite et la rendre plus rock. Hendrix avait été influencé par le blues, moi par la soul.

Est-ce qu'il devient difficile pour toi de parler de cet album avec lequel tu tournes ? Tu le joues depuis une année et demi, n'as-tu pas envie de passer au second ?

Bien sûr, c'est pour cela d'ailleurs que je commence à mettre l'accent sur les nouveaux titres mais je t'avoue que j'ai passé tellement de temps avec le groupe à jouer cet album que hormis les trois titres que je jouerai ce soir, je n'en ai pas d'autres pour un second album. Enfin, pas encore (rires).

As-tu commencé à écrire ce futur album lorsque tu tournais ?

C'était obligé. J'ai eu un tel emploi du temps que lorsque je rentrais chez moi, je ne pouvais décemment pas m'enfermer pour écrire. Et puis, ce n'est pas plus difficile d'écrire sur la route que d'être enfermé en studio ou dans ta maison. Le truc dont j'ai vraiment besoin pour écrire de bonnes chansons, c'est de temps. Et là, c'est vrai que ce n'est pas ce dont je dispose le plus. En échange, j'ai joué dans des tas d'endroits dont je n'aurais jamais osé rêvé. Ça compense bien.

Tu as aussi collaboré avec Dan Auerbach des Black Keys. Qui a eu l'idée de cette collaboration ?

C'est venu de Dan. Il avait un titre en tête et m'avait entendu à la radio. J'ai donc reçu un coup de fil un jour, et il me demandait si j'étais disponible pour bosser avec lui. Tout le monde peut se douter que je n'ai pas hésiter. (rires) On a donc enregistré très rapidement et le résultat nous a tout de suite plu. Je vais être honnête, si on s'était rendus compte que le résultat ne serait que moyen, personne n'aurait entendu parler de notre rencontre. Il fallait vraiment que l'on soit satisfait tous les deux du côté musical, le côté hype n'avait vraiment aucune importance.

Est-ce que cela t'as donné envie de collaborer avec d'autres artistes ?

Oui, c'est vraiment un travail qui m'a beaucoup plu. Mais là encore, le temps me manque! Il y a des tas de groupes et d'artistes avec qui j'aimerais bosser - je ne citerai que Jack White pour l'instant - mais j'ai besoin de temps.

Paul Butler a produit ton album. Faisant lui-même partie d'un groupe (The Bees), a-t-il influencé ton son ou ta façon d'envisager cet album ?

Disons qu'il a vraiment joué un rôle de producteur. Il ne s'est pas contenté de dire qu'il n'aimait pas telle ou telle chose, ou qu'il voulait que je garde un son particulier. Il avait une idée bien affirmée de la façon dont il voulait travailler cet album et j'ai apprécié son côté meneur. En même temps, il m'a tout de suite dit qu'il lui semblait important que de mon côté, je n'hésite pas à le contredire ou à donner mon avis. Et finalement, on avait à peu près le même point de vue sur les titres, ce qui est franchement bien. Et tellement plus facile.

Tu as enregistré sur l'Ile de Wright. Était-ce important pour toi de t'isoler de tout le buzz londonien ?

Je suis quelqu'un qui arrive facilement à s'isoler, même dans l'agitation, donc je pense que si j'étais resté à Londres, ça ne m'aurait ni gêné, ni influencé.

Qu'est-ce qui t'inspires quand tu es sur la route pour écrire de nouvelles chansons ?

Des tonnes de choses. Voir d'autres groupes sur scène, notamment en festival, me donne des tas d'idées de titres, la musique qu'on partage dans le tour bus, les découvertes musicales des uns et des autres. La majorité du temps, c'est quand même cette impression très charnelle que tu peux avoir quand tu vas à un concert qui m'inspire le plus.

Quels groupes as-tu vu récemment qui ont pu te donner de nouvelles idées?

Sans aucun doute Jack White. Ce qu'il arrive à dégager avec ses deux groupes est juste totalement dément et ça te fait réfléchir en tant que songwriter. Et Alabama Shakes.

Tu as partagé plusieurs dates avec ce groupe très blues. Est-ce qu'on peut dire qu'il y a un retour du folk, du blues et de la soul à l'ancienne selon toi ?

C'est vrai que nous sommes arrivés à peu près en même temps sur la scène musicale. On représente à la fois un mouvement dans lequel je pourrai inclure aussi Jake Bugg ou Lianne La Havas mais on répond aussi à une demande du public qui en a un peu marre des groupes ultra-produits, des DJs, des artistes qui basent surtout leur marketing sur leur apparence plus que sur le fond. De ce point de vue là, je dirais que oui, il y a un vrai retour à des valeurs musicales et qu'il y a de vrais puristes dans nos fans.

On t'a rapidement comparé à Otis Redding et Marvin Gaye. As-tu ressenti cela comme un compliment ou comme un poids à porter?

Disons que c'est très flatteur... et très intimidant à la fois. En même temps, j'ai arrêté d'y penser assez rapidement car je peux comprendre le besoin de comparer un artiste avec un autre pour que les gens se fassent rapidement une idée du style.

Mais tu n'as pas un peu craint la réaction du public après ça ?

En fait, je préfère ne pas savoir les attentes du public à mon égard. Le fait de faire abstraction me permet de me concentrer sur la musique et non pas uniquement sur ce qu'on peut attendre de moi. C'est vraiment libérateur...

Tu appartiens à une génération qui découvre ses artistes via le net et qui se passe du format classique des albums. Est-ce que cela te pousse à investir plus sur le côté scénique?

Tout à fait. Les albums ne font recette que si on arrive à sortir du schéma classique où l'album est la chose principale mise en avant. Certes, il faut avoir un bon disque pour avoir du succès, mais si tu ne t'investis pas sur scène ou si tu n'arrives pas à faire vivre cet album en live - et sur la longueur - alors les gens t'oublient vite. Le live est une chose qui me tient à cœur car c'est vraiment là que tu as un retour du public, et c'est ça qui me motive à essayer de faire mieux pour le prochain album.

Justement, comment envisages-tu l'évolution de ton son sur les prochains albums ?

Je pense que la guitare va rester la clé et que les chansons vont tourner au maximum sur ce duo guitare-voix. Pour moi, évoluer ne veut pas dire changer mais vraiment m'améliorer dans mon style. Je pense que je vais publier quelques EPs l'année prochaine, tourner avec ces nouveaux titres et les anciens. Un album est quelque chose qui reste et je préfère d'abord me concentrer sur des singles avant d'envisager ne serait-ce qu'un retour en studio pour enregistrer douze titres. Il me semble plus judicieux dans l'état actuel des choses de me focaliser sur un travail titre après titre.