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Killing Joke

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 22 avril 2013

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Il peut vivre sans téléphone, sans ordinateur, sans eau courante et même sans argent dans une île au large de la Nouvelle-Calédonie. Il est capable de disparaître soudainement de son hôtel, en pleine tournée, pour aller se ressourcer et finir son livre dans le Sahara marocain. Il a étudié la musique et les chants religieux dans des écoles et des églises anglaises. Il a fréquenté les universités de Leipzig et celles du Caire pour apprendre les musiques arabes. Il n’est ni anglais, ni Indien (dont sa mère est originaire), ni apatride pour autant ; Jaz Coleman est un érudit citoyen du monde qui endosse la citoyenneté de chaque pays qui l’accueille et qui n’a jamais perdu de vue ce pour quoi il a voulu, un jour de 1978 avec le batteur Paul Ferguson, créer son groupe, Killing Joke : changer le monde ! Pas moins.

Pionniers du post-punk qui, plus tard, influencera grandement le rock indus et le métal, Killing Joke et leurs sonorités lourdes ou stridentes portées par le jeu de scène et le maquillage psychotiques de Jaz, bénéficient immédiatement d’un engouement au moins égal à celui réservé à leurs contemporains d’alors : The Damned, The Sex Pistols ou Joy Division. Ecrivain, compositeur de symphonies classiques et scientifique autodidacte, Jaz Coleman porte tous les problèmes de notre monde sur ses épaules avec une joie du désespoir qui alimente ses rires inquiétants, dignes du Joker de Batman et ses passions en forme de digressions sans limites sur l’écologie, la politique ou les sciences parallèles. Le monde va mal, mais tant que Killing Joke sera là pour le rappeler et le hurler sur scène dans ses chansons, tous les espoirs sont permis.

Beaucoup de gens sont inquiétés pour toi l’été dernier (ndlr : Jaz avait subitement quitté la tournée du groupe et disparu quatre semaines), comment vas-tu aujourd’hui ?

Super bien ! Regarde moi, je suis svelte, je fais du sport, je cours 15 kilomètres, je fais de la boxe… je crois ne pas avoir été en si bonne forme depuis des années. Le truc, c’est que je n’ai pas de téléphone portable, ni même d’ordinateur ; la communication est donc très compliquée avec moi ! Parfois, je sors de la grille connue et les gens s’inquiètent pour moi… C’était marrant en fait : J’étais en train de marcher dans le désert et je vois ce hippie qui s’approche de moi et qui me dit : « Hé mec, tout le monde te cherche en Europe ! » (rires).

De nos jours, seuls comptent la célébrité, la gloire et X Factor ! À notre époque, les groupes représentaient l’opposé exact de tout cela.

Killing Joke sont de retour à Paris pour la sortie d’une collection de singles. En 1979, Killing Joke déclarait son manifeste : « Définir la beauté exclusive de l’ère atomique en termes de style, de son et de format ». Quel serait le manifeste de Killing Joke aujourd’hui ?

Comme pour le mouvement punk, et ensuite post-punk, c’était une période d’anti-héros. De nos jours, seuls comptent la célébrité, la gloire et X Factor ! À notre époque, les groupes représentaient l’opposé exact de tout cela. Il était alors possible d’avoir beaucoup de talent, musicalement parlant, sans devenir une rock star pour autant. Autant te dire que je n’aime pas du tout les velléités de starification de certains groupes aujourd’hui. Tous ces jeunes musiciens qui pensent que la célébrité est cool… Non, elle ne l’est pas ! Notre manifeste aujourd’hui pourrait être : « Pour être pris au sérieux, ne vous prenez pas au sérieux ».

La sortie de votre nouvelle compilation, The Singles Collection 1979-2012, peut sembler curieuse aux fans de la première heure étant donné tes positions sur le marketing, les majors…

Je t’arrête tout de suite. C’était une idée de la maison de disque. Ils ne m’ont rien demandé ! Ils ne m’ont même pas questionné sur les chansons à intégrer dans ce coffret (rires). La réponse est donc, oui. C’est exactement ce que tu penses. L’ironie de tout cela, c’est que nous ne sommes vraiment pas un groupe de singles. Pendant les cinq premières années de Killing Joke, la maison de disque devait choisir après coup un titre de l’album pour en faire un single. Nous, on s’en foutait. Ensuite, ils ont commencé à nous mettre la pression pour qu’on écrive des singles qui pourraient faire des hits. Mais, ce genre de pression ne fonctionne pas avec Killing Joke. Si un titre marche à la radio, c’est par accident.

Love Like Blood fut un accident ?

C’était un accident. Ce titre a pris deux minutes à écrire.

Avez-vous usé des nouvelles technologies, dont tu n’es pas l’ardent défenseur, pour remasteriser les titres de la compilation ? Est-ce que ces nouvelles technologies peuvent changer le processus d’écriture d’un groupe comme Killing Joke ?

Là, il faut que tu te rapproches de Geordie, c’est lui le spécialiste et le passionné de nouvelles technologies. La musique n’est plus ni HiFi ni analogique de nos jours, mais Killing Joke est un groupe analogique par essence ! Personnellement, je ne pense pas que les nouvelles technologies aient rendu nos vies meilleures ; et je ne parle pas seulement de musique, bien évidemment… Je me souviens de Youth en 1979 revenant de chez John Lydon et me racontant, tout excité sa découverte d’un des premiers walkmans, que John avait acquis : C’est incroyable cette toute petite boite qui possède la qualité d’une chaîne HiFi et dans laquelle tu peux lire toutes tes cassettes ! Si tu me parles de technologies musicales, je ne trouve pas qu’on ait mieux aujourd’hui qu’il y a 35 ans. Et si tu me parles de ce que la technologie a fait pour nos sociétés, je regarde les gens marcher dans la rue et se parler à eux-mêmes au travers de leurs iPhones ou iPads et ce que nous avons là, c’est une société fragmentée avec un champ de vision réduit par leurs outils technologiques. La technologie devrait être réglementée pour s’assurer, en amont, qu’elle est bénéfique à la société. Quand je vois et que je lis les articles concernant le grand collisionneur de Hadrons du CERN et les milliards qu’il a coûté et qu’il va coûter en exploitation avec ces putains de scientifiques qui tentent de recréer un mini trou noir sur terre... je préférerais cent fois que cet argent soit alloué à la production alimentaire pour nos populations ! Dans un an, la moitié des enfants d’Angleterre sera au-dessous du seuil de pauvreté. Et nous, nous gaspillons l’argent à construire des sous-marins nucléaires ou des accélérateurs de particules ? Cela me met hors de moi. Mon frère est un des plus grands scientifiques anglais et pourtant, quand je lui fais part de ce dont je viens de te parler, il convient et soutient même mon point de vue ! (rires)

Enregistrer avec Killing Joke, c’est toujours un traumatisme ! Tout est basé sur le conflit.

Tu entretiens des relations très fortes avec les autres membres du groupe. Est-ce que vos réunions sont toujours aussi... conflictuelles ?

Enregistrer avec Killing Joke, c’est toujours un traumatisme ! Tout est basé sur le conflit, mais nous sommes toujours d’accord pour ne pas être d’accord ! Et à la fin, nous trouvons toujours un terrain d’entente.

Un nouvel album serait-il en cours de préparation ?

Il sera prêt cette année. Nous allons partir en Argentine pour l’enregistrer, mais je n’ai aucune idée de sa date de sortie.

En 2010, vous aviez joué dans cette salle du Bataclan et tu as choisi de ne pas jouer Love Like Blood, le titre que tout ton auditoire attendait et réclamait en rappel. Pourquoi ?

Ah oui ? Ils l’ont réclamé ? Je le note sur la setlist de ce soir. C’est vrai que je ne suis pas toujours d’humeur à chanter ce titre. Il fut un temps où nous ne jouions ce titre uniquement en cas de décès de quelqu’un… Mais je te promets de le jouer ce soir !

Killing Joke vient de donner un concert à guichet fermé en Angleterre. Comment expliques-tu cet engouement pour ces musiques punk et post-punk qui, par essence, sont nées pour ne pas durer ?

Killing Joke est né dans l’after-punk. Le punk était déjà mourrant à cette époque… Le punk était un mouvement né d’un produit manufacturé, dans son ensemble. Ce que Killing Joke a fait, c’est apporter du mysticisme dans l’équation du punk. La raison pour laquelle Killing Joke a toujours ses fans et même en gagne de nouveaux avec les années, c’est parce que nous restons proches de la rue ; de ses citoyens, de sa culture, de son histoire… Cela implique des choix, notamment économiques. Nous n’avons jamais roulé sur l’or malgré les années et les nombreux disques. Cela nous a permis de garder les pieds sur terre. Ces dix dernières années, il m’est arrivé d’avoir faim ; je n’ai pas vraiment d’adresse fixe… Tu vois ce sac de voyage derrière ? Parfois, à la fin d’une tournée, je me demande dans quel pays je vais aller vivre pour les trois mois à venir. Puis, je plie bagage et reprends la route. Ce sens de la liberté est primordial pour moi.

Quand on réécoute les paroles de tes titres ou de tes discours à tes débuts, cela doit te sembler assez inattendu d’être encore sur scène après 34 ans de carrière. Tu imaginais tout cela à l’époque ?

Si tu m’avais dit à 18 ans que je serais toujours en tournée avec les mêmes gars à 53 ans, je t’aurais cru ! Parce que nous sommes vraiment de très bons amis, malgré nos différences. Les gens sous-estiment notre amitié, je crois…

Et quand tu regardes en arrière, as-tu des regrets ?

Absolument. J’ai des regrets dans ma vie personnelle. Par exemple, ma première femme : Si j’avais pu savoir qui elle était vraiment, j’aurais mis un terme plus rapidement à notre relation. C’était une femme sublime, mais une vraie sorcière également (rires) !

Je pensais plus à des regrets de carrière, mais c’est intéressant… (rires) Tu es l’une des rock stars les plus engagées dans le monde de la musique…

Ne m’appelle jamais Rock Star ! Appelle-moi Jaz ! Ou vieux Punk ! (rires)

Il n’y a plus assez de rébellion, plus assez de démonstration de force, plus assez de vitriol dans cette société !

Ce que tu dis ou chantes, tu le fais et le vis, et même au-delà. Penses-tu que le rock et les chanteurs de rock devraient être plus engagés comme ils l’étaient dans les années 70 ?

Totalement. Pense à cela : Quand nous avons démarré, tout le monde avait son groupe de rock. Toi-même, tu aurais sûrement été dans un groupe de rock. Nous avons joué à Trafalgar Square devant 200 000 personnes pour un concert de soutien aux antinucléaires. Cela ne pourrait plus arriver de nos jours. Tout le monde se fout de savoir s’ils vont construire huit nouvelles centrales nucléaires – ce qu’ils vont faire en Angleterre ! Il n’y a plus assez de rébellion, plus assez de démonstration de force, plus assez de vitriol dans cette société ! Cela me rend amer de savoir que les gens ont peur de s’exprimer sur les sujets d’avenir, de nos jours. Par exemple, sur le sujet du 11 septembre 2001, j’ai personnellement de gros doutes sur le déroulement des évènements. Sans vouloir rentrer dans une polémique, je me pose de nombreuses questions, ainsi que beaucoup d’autres personnes comme des pilotes d’avion, des architectes et même des politiques… Et ces doutes que je nourris me posent parfois des problèmes avec mes interlocuteurs. On m’a averti, voire menacé parfois, notamment quand je soulève ces questions aux Etats-Unis. Mon père, tombé sur les champs de bataille pour défendre nos libertés, aurait honte de moi si je ne me battais pas pour cette liberté de parole. Et s’il y a une vérité indéfectible, c’est que le 11 septembre 2001 a permis aux autorités de sévèrement restreindre nos libertés civiques, notamment en Amérique. Et puis, il y a d’autres problèmes dont il faut parler comme l’endettement des citoyens qui vivent toute leur vie à crédit et sont muselés par cela. L’alimentation qui est passée aux mains de groupes planétaires et qui offrent de la nourriture de plus en plus toxique pour le corps humain ; pourvu qu’ils fassent toujours plus de bénéfices. Nous sommes en train de devenir des zombies, tu te rends compte ?

Sur la troisième piste de votre nouvelle compilation il y a un titre nommé Our Last Goodbye. Sur celui-ci figure un discours d’ouverture et de fermeture à propos de la peine de mort aux Etats-Unis et de son immoralité. Ce titre vous a-t-il valu des problèmes lors de vos concerts là-bas ?

Je crois qu’il convient de rappeler deux choses. En 1978, quand Killing Joke démarre sa carrière, la guillotine tombe pour la dernière fois dans ce pays. Finalement, c’était il n’y pas si longtemps…et je crois qu’à cette époque, François Mitterrand voulait que la peine de mort perdure. Mais ses ministres et le Grand Orient voulaient déclarer hors la loi la peine capitale. Je pense que c’est une chose formidable que le peuple ait été si impliquée dans la glorieuse révolution Française de 1789 au même titre qu’il a été impliqué pour mettre un terme à la peine de mort dans ce pays. Tout ça pour te dire que j’ai un réel problème avec la peine de mort, dans quelque pays que ce soit ! L’autre jour, je lisais un rapport d’Amnesty International à propos d’un jeune garçon de treize ans qui était sur le point d’être pendu en Iran… Quand un état met en place une situation de meurtres légiférés, j’ai un sérieux problème avec ça ! Chine, Etats-Unis…voilà mon argument pour une Europe forte : Que jamais nous ne tombions dans ce piège de la vengeance aveugle et étatique. Mais, le problème, c’est que nous avons défini l’Europe sur des termes économiques et non culturels. Voilà la première grande erreur à mon avis. Et je ne parle pas en tant que politique, je parle là en tant que citoyen concerné !

Tu ne fais pas que chanter tes points de vue, tu les écrits dans des livres également. Où en est ton livre, Letters From Cythera ?

(montrant son manuscrit à ses cotés) Il est là, tu vois. La nuit dernière, j’ai encore fait une relecture. C’est une grosse étude de notre civilisation qui fait plus de cinq cent pages. Cela parle de philosophie, de sciences de la terre et de l’histoire de Killing Joke. Il sortira dans trois semaines maintenant (ndlr : Letters From Cythera est un livre mais également une symphonie écrits par Jaz Coleman).

Tu es un grand amateur de numérologie, de physique quantique ou encore de sciences dites parallèles ou occulte Tu es aussi un défenseur de l’interventionnisme concernant les origines de l’humanité…

Avant que l’on ne s’embarque dans des discussions de mecs bizarres et sur des terrains qui font peur à beaucoup de personnes, j’aimerais rappeler que c’est Francis Harry Compton Crick qui a découvert l’ADN en 1962. Juste avant de mourir, ses derniers mots ont été : « Dirigez vous sur le concept de panspermie ». Il a prouvé, tout au long de sa vie de chercheur reconnu et au sans aucun doute possible, que la vie dans l’univers vient de la panspermie (ndlr : théorie voulant que les comètes, porteuses d’acides aminées, ensemencent les planètes sur lesquelles elles s’écrasent). De manière accommodante, Darwin a botté en touche sur le fait qu’en très peu de temps au niveau géologique, l’être humain est passé d’un cerveau de 10 cm3 à 150 cm3 ! Un tel changement physiologique ne peut venir que d’une modification extra-terrestre de notre ADN – au sens qui ne vient pas de notre planète. Certains argumentent que le changement de notre alimentation serait à l’origine du fort développement de notre cerveau ; mais, à ce moment-là, les chimpanzés auraient dû suivre cette évolution puisqu’ils mangent également de la viande. Donc oui, je soutiens totalement la théorie de l’interventionnisme, au-delà de notre planète.

Pour remédier à nos problèmes de sociétés, et notamment, environnementaux, crois-tu en l’action des politiques et des partis écologiques ?

Oui, j’y crois. Mais cela doit passer par des actes supplémentaires que ceux des politiques qui se soucient d’écologie. Nous avons besoin d’un nouvel esprit collectif. Et par là, je ne parle pas de communisme, souvent ramené au Marxisme. Je parle d’un nouveau collectivisme. Les besoins du plus grand nombre devraient s’imposer aux besoins des minorités ; c’est pour cela que, si j’avais été Français en 2012, j’aurais voté pour Mélenchon ! Car, pour moi, l’écologie n’est pas politique, elle doit être un sens commun pour tous. Si nous continuons avec ces idées libérales de croissance à tout prix, nous aurons besoin d’une nouvelle planète à épuiser avant dix ans ! Tout ce qui n’est pas supportable pour notre environnement doit être stoppé, immédiatement. Il nous faut une régulation écologique de nos activités, d’urgence.

Quand on joue War Dance aujourd’hui, ce titre revêt malheureusement encore plus de sens qu’en 1980.

Avec tout ce que tu viens de dire, est-ce que la musique de Killing Joke n’est finalement pas plus d’actualité aujourd’hui qu’elle ne l’était à la fin des années 70 ou même pendant les années 80 ?

Bien sûr ! Prends l’époque de la guerre froide, c’était un moment d’une assez grande stabilité, finalement. Même si certains pays étaient en froid, le Kremlin pouvait décrocher son téléphone et appeler la Maison Blanche pour apaiser les tensions. Aujourd’hui, il n’y a aucune ligne, aucune communication possible entre Israël et l’Iran ! Et en Asie, la Corée est un véritable cauchemar ! La Chine ne veut pas de l’influence américaine sur le sud et laisse faire le nord. La seule solution serait que la Chine envahisse la Corée du Nord pour faire tomber leur dictateur. Ensuite, tu as le problème de Taiwan. Et puis, le problème entre l’Inde et le Pakistan. Le Pakistan n’a pas les moyens militaires d’attaquer l’Inde, donc ils recourront à l’arme nucléaire. L’Inde n’a pas les moyens d’attaquer la Chine, donc ils recourront à l’arme nucléaire. Au Sri Lanka, il existe une base de sous-marin chinoise qui contrôle le trafic de la baie du Bengale. Il existe actuellement tellement de points chauds dans le monde, qu’il en est devenu bien plus instable qu’à notre époque. Quand on joue War Dance aujourd’hui, ce titre revêt malheureusement encore plus de sens qu’en 1980.

À la fin des années 70, vous étiez proches ou concurrents de beaucoup de très bons groupes qui démarraient en Angleterre, lequel d’entre eux t’a le plus marqué ? As-tu gardé des relations avec certains membres de ces groupes ?

Oui, avec Peter Hook. J’aimais tous les groupes qui nous côtoyaient quand nous avons démarré. Paul Cook et Steve Jones des Sex Pistols étaient de tous nos concerts. Après chaque date, ils venaient nous voir pour nous donner leurs impressions et nous dire si nous avions été bons ou mauvais sur tel ou tel titre. Ils étaient vraiment bienveillants avec nous. Il existait une grande camaraderie entre groupes à l’époque. Joy Division nous rejoignaient en loge après les concerts et nous passions des soirées à raconter des conneries, tu ne verras pas cela très souvent de nos jours.

Quelle serait ta réaction si tu voyais ton prochain disque disponible gratuitement en téléchargement illégal avant même sa sortie ?

C’est la logique de notre époque… Par chance, nous avons toujours donné beaucoup de concerts, nous ne dépendons donc pas de nos ventes d’album. Cela ne me concerne pas beaucoup, en fait. Il y a eu des années où j’ai eu beaucoup d’argent et d’autres où je n’en ai quasiment pas eu. Ce n’est pas très grave… Tant que j’ai de quoi me procurer de la nourriture pour me nourrir, nous continuerons Killing Joke !

Ta fille aînée a le Français pour langue maternelle, tu as été fait Chevalier des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture lors de ton passage à Paris en 2010 et le public ici est toujours aussi nombreux lors de vos concerts. Quel rapport entretiens-tu avec la France ?

Ce qui est certain, c’est que j’adore la façon de vivre des Français. Vous accordez plus d’importance que n’importe qui aux plaisirs, aux loisirs, à l’alimentation, à la boisson, à la romance… et le tout dans une architecture magnifique. Tout ce que l’Angleterre ne sait pas faire (rires) ! Je n’ai pas vécu en Angleterre depuis au moins trente ans. Je suis un Européen convaincu et je ne me sens pas anglais. Ce qui me manque un peu en France aujourd’hui, ce sont les clubs rock que l’on pouvait voir dans les années 70/80. Ces clubs un peu sales aux murs noirs ou recouverts de tags, très primitifs, remplis de fumée de cigarettes et de liberté. Tout est devenu stérile et stéréotypé de nous jours.

Quelle est la question que je ne t’ai pas posée et que tu aimerais entendre ?

Qu’est-ce que je vais faire pour la France dans l’avenir ? J’aimerais rencontrer plein de gens qui m’aideraient à voyager de ville en ville pour aller former dix groupes de rock dans chaque cité et on appellerait cela « Big Trash Master Class » ! Rien à voir avec le fait de faire de l’argent, mais pour leur conseiller d’embrasser la vie d’un groupe de rock. C’est fantastique (rires) !