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The Wave Pictures

Interview publiée par Xavier Turlot le 23 décembre 2013

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A l’occasion de la sortie de leur double-album City Forgiveness, œuvre monumentale où le trio sombre un peu plus dans les méandres obscurs du blues, nous nous sommes entretenus avec les membres de The Wave Pictures, qui ouvraient le mardi 10 décembre dernier le festival Winter Camp à la Maroquinerie. Ils nous ont parlé de leur passé, de leur futur et de football...

Vous allez ouvrir le Winter Camp festival ce soir à Paris. Comment ressentez-vous le public français ?

David Tattersall : Eh bien ça varie beaucoup d'une ville à l'autre. On a reçu un excellent accueil à Paris, à Bordeaux, ou encore à Lyon. Parfois le public est plus difficile, spécialement dans les petites villes. Les gens sont plus froids en Allemagne et en Espagne. Il n'y a qu'en Angleterre qu'on n'a aucun problème, quelle que soit la taille de la ville. D'ailleurs on a joué à Dijon hier soir, et ça n'a pas été très facile...

Vous avez senti une différence avec le public américain ?

David Tattersall : Pour notre tournée aux Etats-Unis c'était très différent puisqu'on faisait la première partie de Darren Hayman. Les gens ne nous connaissaient pas mais étaient curieux parce qu'ils savaient qu'on était ses amis. Et c'est très agréable de jouer face à des gens exigeants qui attendent de voir le concert avant de se faire une opinion de vous.

Vous venez de sortir votre septième album, City Forgiveness. Vous avez une productivité imposante. Est-ce qu'il vous arrive d'arrêter de composer ?

David Tattersall : Oui ça peut m'arriver ! En ce moment cela fait plusieurs mois que je n'ai rien composé par exemple. Mais oui, dans l'absolu je compose énormément ; je fais parfois des breaks mais ils ne sont jamais très longs. J'alterne entre phases de composition intensives et phases où je n'écris rien, et cela dure depuis que je suis adolescent, depuis que j'ai quatorze ans je dirais.

L'aspect d'une chanson est directement lié au moment durant lequel tu la composes, et sans doute que si tu n'avais jamais écrit telle chanson à tel moment, tu ne l'aurais jamais écrite du tout.

J'ai appris que tu avais écris une cinquantaine de morceaux en une seule semaine après la tournée américaine, pendant tes nuits d'insomnie à cause du décalage horaire. Penses-tu que cette manière de composer ait influencé la couleur des chansons ?

David Tattersall : Oui, probablement, mais je n'ai jamais su à quoi cela allait mener. Toutes les chansons sont venues très rapidement car je n'étais pas dans mon état normal, toujours fébrile. L'aspect d'une chanson est directement lié au moment durant lequel tu la composes, et sans doute que si tu n'avais jamais écrit telle chanson à tel moment, tu ne l'aurais jamais écrite du tout. Donc oui les chansons du dernier album sont le reflet immédiat des conditions dans lesquelles je les ai écrites, et si je ne les avais pas composées à ce moment précis, elles n'auraient probablement jamais existé.

Les doubles albums sont plutôt rares par les temps qui courent. Est-ce que vous avez appréhendé ça comme un passage obligé et une épreuve particulière ?

David Tattersall : CA aurait pu, mais ça n'a pas été le cas. On a passé plus de temps en post-production sur Long Black Cars que sur City Forgiveness. On a vraiment pris beaucoup de plaisir à travailler dessus et à aucun moment il n'y a eu de quelconque difficulté.
Franic Rozycki : Ça nous a pris environ une semaine en tout. On buvait beaucoup en studio, du coup on était très relaxés.
David Tattersall : Oui on était plutôt saouls, surtout vers la fin, et ça a affecté notre mémoire d'ailleurs. En fait c'est l'album qui a été le plus facile à réaliser de toute notre carrière, je ne saurais pas dire pourquoi.

Le côté blues est encore plus prégnant que dans les albums précédents, et les chansons sont souvent plus lentes. Ecoutez-vous beaucoup de blues ?

Franic Rozycki : Oui, on en écoute énormément. C'est fou à quel point les gens nous demandent ça. Beaucoup de personnes nous en veulent d'ailleurs, car on en fait de plus en plus. Mais c'est ce qu'on aime par-dessus tout, on ne va pas trahir nos envies.

Des influences particulières ?

David Tattersall : Jimmy Reed, Lightnin' Hopkins, Steve James, Muddy Waters, John Lee Hooker, les Rolling Stones...
Franic Rozycki : Dr Feelgood aussi. La musique des années 50 et 60 en général.

On cherche plutôt à tirer le maximum de notre formation classique guitare-basse-batterie et changer notre façon de jouer sans toucher au line-up.

Vous avez un style très personnel et épuré, qui semble presque imperturbable. Avez-vous déjà voulu essayer quelque chose d'autre ?

David Tattersall : Je trouve qu'on fait des choses très variées. Par exemple dans notre dernier album les chansons sont plus lentes, il y a parfois des rythmes africains, des aspects plus country de temps en temps... Mais on n'a jamais voulu ajouter de nappes de violons, de boîtes à rythmes ou de synthétiseurs. On cherche plutôt à tirer le maximum de notre formation classique guitare-basse-batterie, et changer notre façon de jouer sans toucher au line-up.
Franic Rozycki : Sur cette tournée, on a appris à jouer du free jazz. Et on est très bons à ça.
David Tattersall : On s'essaye aussi au reggae et à la musique pop de république dominicaine. Ça nous servira pour notre prochain album.

Vous sentez-vous à contre-courant?

Franic Rozycki : Oui. On n'a jamais été attirés par la promotion, la télévision et ce genre de trucs...

J'ai cru comprendre que vous n'aimiez pas du tout tourner des clips ?

David Tattersall : Oui, je considère ça comme un mal nécessaire. On y est obligés de temps en en temps mais si on pouvait l'éviter on le ferait. On a vu un clip génial l'autre jour, de Snoop Dog, Doggystyle... Mais les bons vidéo clips sont tellement rares. C'est vraiment ennuyeux de se faire filmer en train de jouer, ça demande beaucoup de temps et de travail, on le fait uniquement pour aider notre label au niveau de la promotion. En aucun cas ce n'est aussi amusant que d'enregistrer un album.

Dès la première fois que je vous ai entendus, j'ai été impressionné par les solos de guitare. Presque plus personne ne joue comme ça, à faire des solos longs et épiques, surtout parmi les groupes indépendants actuels. Etes-vous nostalgiques ?

David Tattersall : Non je ne dirais pas ça, c'est juste une question de mode. Je trouve que le punk a fait beaucoup de bien et beaucoup de mal à la fois. Beaucoup de gens ne connaissent rien avant Joy Division, et certains pensent que tout a commencé avec Nirvana et Radiohead. C'est dommage d'ignorer toute une partie de l'histoire du rock. Quand on est arrivés à Londres au début, tout le monde m'a demandé d'arrêter ces solos. C'est vraiment devenu un problème, alors qu'on n'aurait jamais imaginé que cela puisse en être un.

Je pense que seule la musique triste a le pouvoir de réconforter.

Votre musique arbore souvent des sonorités tristes, ou disons au moins mélancoliques. Est-ce lié à l'essence du blues ?

David Tattersall : Oui, et je pense que seule la musique triste a le pouvoir de réconforter.

Quelle taille de salle vous convient le mieux ?

Franic Rozycki : Je dirais entre 100 et 200 personnes, comme ici. La Maroquinerie a une taille idéale. Au-dessus, on commence à perdre prise avec le public.

Quelles chansons incongrues se cachent dans vos baladeurs ?

David Tattersall : J'ai adoré le remix d'Ignition par R Kelly dernièrement.
Franic Rozycki : The Planets.
David Tattersall : L'album 2001 de Dr. Dre. Je n'aime pas le hip-hop mais cet album est génial.
Jonny Helm : J'écoute beaucoup de John Coltrane, si cela peut être considéré comme incongru...

Que feriez-vous aujourd'hui si vous n'étiez pas devenus musiciens professionnels ?

David Tattersall : Franic et moi, on serait devenus footballers professionnels. Je suis sérieux, on jouait vraiment à un très haut niveau. Mais on a choisi la musique, et c'est une grande perte pour le monde du football.
Franic Rozycki : C'est vrai, j'étais ailier gauche. « Le nouveau Stuart Pearce », c'est comme ça qu'on m'appelait.
David Tattersall : Et Jonny était un criminel quand il a rejoint le groupe. C'était un vandale et un voleur. Il aurait sombré dans la délinquance s'il ne nous avait pas rencontrés.