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TOY

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 17 janvier 2014

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Il y a un an, nous laissions TOY à leur destin (plutôt bien tracé) et à leurs tournées en promotion d'un premier album éponyme. Aujourd'hui, c'est dans un tout autre temple de l’entertainment parisien que nous retrouvons le club des cinq de Brighton : la maxi salle du Palais Omnisport de Paris Bercy. La veille, le deuxième opus du groupe, Join The Dots sortait chez tous les bons disquaires, entérinant l'idée que nous défendions lors de l'écoute de l'album TOY, premier du nom : ces cinq-là marqueront de leur rock psyché et spatial la scène musicale internationale.

Juste avant de monter sur la très grande scène, en ouverture de Placebo, Maxim « Panda » Barron – Panda étant le surnom dont il a hérité depuis une nouvelle non coupe de cheveux qui, il est vrai, le rapproche d'un Ozzy Osbourne version peroxydée – sera notre hôte. La loge principale étant occupée et enfumée par le reste du groupe et la loge annexe par l'interview de Marjorie Hache de OÜIFM, nous voilà reclus dans un petit vestiaire carrelé, sans fenêtres et avec une minuterie électrique capricieuse. Face à face sur deux chaises dans le vide sidéral qui amplifie l'écho de ce vestiaire nu, nous serons plusieurs fois plongés dans le noir, provoquant de multiples fous-rires et des questions-réponses en aveugle qui inaugureront d'une nouvelle forme d'interview...

C'est un plaisir de vous revoir en France et notamment dans cet immense temple de la musique qu'est Bercy. La dernière fois que je vous ai rencontrés, vous jouiez à la Flèche d'Or et nous étions en mai 2012. Beaucoup de bonnes choses sont arrivés au groupe depuis cette date et vous avez tout de même trouvé le temps d'écrire un second album dans la foulée du premier...

C'est vrai que nous n'avons pas chômé depuis cette date ! Notre deuxième disque vient tout juste de sortir en Angleterre et en France et nous n'avons eu que très peu de repos depuis notre dernière rencontre. Nous avons joué dans beaucoup de grands festivals comme Glastonbury en Angleterre et puis nous avons pas mal bossé pour sortir ce deuxième opus qui s'intitule Join The Dots. Nous l'avons enregistré avec notre ami Dan Carey qui était déjà là pour notre premier disque. L'écriture de ce deuxième album nous a mobilisés la moitié de l'année 2012/2013. Mais, étant tous très proches dans le groupe, il n'a pas été très difficile de trouver du temps entre nous pour écrire un disque que nous voulions sortir rapidement après le premier. C'est vrai que nous nous sommes mis un peu sous pression parfois pour tenir ce vœux mais, entre nous, la pression est souvent positive. Elle nous ouvre souvent les portes de l'inspiration. Et il faut dire que nous sommes vraiment contents du résultat avec Join The Dots.

On dit souvent qu'un deuxième album est le plus difficile à faire car le public attend au tournant, notamment quand le succès est au rendez-vous du premier...

C'est vrai, mais, justement nous n'avons donné aucune chance aux gens d'être en position d'attente pour Join The Dots (rires) ! C'est nous qui attendons les autres généralement (rires). Même au niveau de la date de sortie – fin décembre n'est jamais une bonne période pour sortir un album – nous avons pris le risque de surprendre car cela nous semblait être le bon timing. Et nous sommes même quasiment prêts à plancher sur le troisième opus si tu veux tout savoir...

Il y a un sentiment de puzzle, symbolisé par nos titres qu'il faut relier point par point pour avoir une vue d'ensemble.

Quel sens y a-t-il dans le titre de ce deuxième album, Join The Dots ?

Il y a beaucoup de messages que nous avons voulu faire passer au travers de ce disque ; que ce soit musicalement ou lyriquement parlant. Il y a un sentiment de puzzle, symbolisé par nos titres qu'il faut relier point par point pour avoir une vue d'ensemble : reliez tous les points musicaux pour vous faire votre propre idée de notre travail.

Joint The Dots a été enregistré avec la même équipe que votre premier disque, Heavenly Records pour le label et Dan Carey aux manettes...

Absolument. Dan, notre producteur est un très bon ami et il possède un super studio chez lui. Avec lui, nous pouvons travailler rapidement tout en restant de bonne humeur, ce qui est très rare, je pense. Pour nous il était peu probable de faire notre deuxième disque sans Dan Carey. Idem pour Heavenly Records, ils nous ont toujours soutenus et aidés à faire les choses comme nous l'entendions, jusqu'au choix de l'artwork... Et, finalement c'est exactement ce que tu demandes à un label, n'est-ce pas ?

Avez-vous avez appliqué les mêmes recettes pour l'enregistrement de Join The Dots ?

Hormis le fait que nous avions plus de temps cette fois ci, nous avons enregistré Join The Dots dans le même studio, avec les mêmes personnes et dans le même état d'esprit que pour notre premier album. Sauf que là où nous avions eu dix jours pour TOY, nous avons eu trois semaines pour faire Join The Dots, ce qui est éminemment plus confortable. Nous avons surtout consacré ce temps au mix de l'album et avons pu rajouter plus de calques, de couches atmosphériques que sur le premier disque. Il y a sûrement plus de densité dans ce deuxième album. TOY était plus « live » en terme de rendu final.

Le premier titre de l'album se nomme Conductor. Dès la première écoute, on a envie de tracer un parallèle entre le récent titre Reflektor d'Arcade Fire et le plus ancien titre Confusion de New Order...

Belle analogie ! Nous avons laissé parler nos envies d'expérimentations sur ce titre qui, selon moi, est un très bon titre à écouter quand tu es seul au volant, par exemple.

Il y a sûrement plus de rythmes et de tempos électro-disco dans Join The Dots que dans Toy...

Oui, le premier disque était plus direct, plus live. Join The Dots est plus construit et plus hétéroclite entre ses titres. En fait, nous nous sommes rendus compte que nous pouvions être « mécaniques » dans nos riffs et nos longs titres sans pour autant être rapides, comme pour Left Myself Behind par exemple. Conductor en est un bon exemple.

Je crois que tu avais d'ailleurs déclaré : « Je ne peux envisager de jouer autrement que mécaniquement et à grande vitesse »…

C'est vrai, j'ai dit ça, mais je ne le pense plus aujourd'hui (rires).

En Angleterre, le NME vient de donner 8/10 à votre nouvel album, ce qui est une sacrée note dans un sacré magazine ! Est-ce que tu lis le NME ?

Pas vraiment, non (rires). Peu de membres du groupe lisent les articles sur TOY. Nos mères le font par contre (rires). Et puis, elles nous racontent... Bien sûr, nous étions ravis de savoir que le NME nous avait donné une telle note. Nous avons tellement confiance en cet album que lire ou entendre les bonnes réactions de la presse autour de lui nous a mis dans un état assez euphorique pour la suite.

Tu as également déclaré : « Avec TOY, je veux pouvoir emmener ma chambre dans les stades ». Qu'entendais tu par-là ?

Nous défendons le DIY et les disques faits à la maison. Et pouvoir jouer les titres pensés et enregistrer dans une chambre dans des salles comme aujourd'hui ou plus grande encore, c'est une véritable gageure pour nous.

Le mot « psychédélique » ne veut plus rien dire et le krautrock est un style bien passé aujourd'hui.

Vous avez rapidement eu droit à votre page Wikipédia et sur celle-ci on peut lire différents qualificatifs pour votre style de rock : krautrock, rock psychédélique, shoegaze... mais que penses-tu du terme de « Chrome Pop » ?

J'aime bien ! On a également eu droit à un terme que j'aime beaucoup pour notre musique : dream punk. Le mot « psychédélique » ne veut plus rien dire et le krautrock est un style bien passé aujourd'hui. Donc, oui, j'aime beaucoup ce terme. Je pense que je vais proposer chrome pop aux autres membres (rires).

L'un d'entre vous a déclaré : « Quand le groupe entier a son cœur, son âme et son esprit voués à sa musique, cela s'entend » ». Cela veut-il dire, comme dans un groupe comme Arcade Fire, par exemple, qu'il n'y a pas vraiment de leader chez TOY ?

Effectivement, je ne pense pas qu'il y ait de chef ou de leader dans notre groupe. Comme je te le disais, nous sommes tous très proches les uns des autres et depuis longtemps. Nos prises de décisions sont très démocratiques ; même quand cela peut paraître difficile. Et si nos esprits, nos cœurs et nos âmes sont voués à notre musique, ils le sont également à notre amitié.

Est-il facile de créer et travailler sans vrai leader dans un groupe ?

Oui. Autant qu'avec un vrai leader ! Il suffit que l'un d'entre nous arrive avec un titre ou une idée de titre, et il prendra automatiquement le lead pour ce titre, s'il est accepté. Et puis, le lendemain, un autre d'entre nous prendra le lead le temps d'un autre titre. En fait, il y a cinq vrais leader dans TOY (rires) !

Où êtes-vous allés chercher vos nouvelles influences pour Join The Dots ?

Nous avons fait graviter nos oreilles et nos têtes du côté de l'early electro. Des musiques assez spatiales de l'époque des synthétiseurs Moog et autres expérimentations comme celles de Can. Nous écoutons tellement de choses différentes... Nous avons un iPod commun qui contient plus de quinze mille titres maintenant ! Quand nous prenons le Van, il est sur aléatoire et nous explorons ses titres au fur et à mesure des routes parcourues.

La première fois que nous nous sommes entretenus, tu m'as dit : « J'espère que les gens aimeront notre musique ». Un an plus tard, je pense que tu as ta réponse (rires) ! Sais-tu dans quel pays Toy est le plus vendu et le plus écouté en 2013 ?

Oui. Ce n'est pas très original, mais je crois que c'est en Angleterre. Puis, suit l'Allemagne – ce qui est assez marrant car nous sommes vus comme un groupe krautrock là-bas, ce que nous ne sommes pas. Et en troisième, je pense que c'est la France. Mais il est vrai que nous avons beaucoup plus joué en Allemagne qu'en France jusque-là. Et j'aimerais que nous ayons plus de dates en France. Nous avons déjà eu pas mal de retours positifs pour notre nouvel album, mais je ne suis pas spécialement au fait des chiffres de vente. Tant que les pouces du public restent levés pendant nos concerts, ça nous va (rires).

Vous voilà à Bercy, avec dix-huit mille spectateurs et en première partie de Placebo... une vraie consécration ou simplement un concert de plus pour vous ?

Ce sont Placebo qui nous ont demandés pour les suivre dans leur tournée européenne et nous en sommes très fiers. Mais, je te rassure, comme pour la Flèche d'Or il y a un an et demi, nous nous déplaçons toujours par la route dans notre petit van quand nous venons d'Angleterre (rires). Hier soir, d'ailleurs, nous jouions à Londres dans une salle bien plus intimiste qu'ici. (Tout à coup, la lumière s'éteint et nous sommes plongés dans le noir complet). Comme je te disais – je ne te vois plus ! – cela nous fait vraiment plaisir de jouer en ouverture de Placebo dans une salle comme Bercy. Même si nous aimons les concerts intimistes, j'aime bien me retrouver dans des configurations difficiles où la majorité des gens est sans doute venue pour entendre et voir Placebo.

Passer d'une petite salle à une grande salle ne nous dérange pas du tout.

En dehors des festivals et de leur jauge parfois énorme, avez-vous déjà joué dans des salles aussi grandes ?

Oui, quand nous étions en première partie de The Vaccines en Angleterre il y quelques mois. Cela ne nous est pas arrivé très souvent, mais passer d'une petite salle à une grande salle ne nous dérange pas du tout. Il y a sans doute un côté plus impersonnel quand tu joues à Bercy, comparé la Flèche d'Or, mais le principal c'est que les gens transpirent tout autant !

Il y a deux mois, vous étiez programmés au Corona Capital Festival dans la ville de Mexico...

J'ai bu beaucoup trop de mescal là-bas d'ailleurs (rires) !

Vous étiez programmés avec des groupes comme Phoenix, The XX, Blondie... Alors, ça y est, vous vous déplacez avec votre propre Jet maintenant ?

(rires) Non ! Tu aurais dû voir notre Van là-bas, c'était comme une camionnette pour hobbits (rires) ! Plus sérieusement, aller au Mexique c'était une grande expérience pour nous. Nous en avons profité pour aller visiter les temples Maya situés juste à côté, un vieux rêve. Pendant le festival, nous avons vu un public que nous n'avions encore que rarement pu apprécier. Beaucoup de sud-américains qui sont des gens qui sortent moins que les européens, mais quand ils décident de se rendre à un festival ou un concert, tu peux être sûr que cela leur coûte bien plus en termes de temps, d'énergie et d'argent que chez nous. Du coup, ils sont beaucoup plus investis. De retour à l'hôtel, nous étions parfois face à une foule de fans qui nous attendaient ; c'était nouveau et étrange pour nous. Je ne pensais pas devoir expérimenter si tôt une TOY mania, au Mexique qui plus est (rires).

C'était donc votre première en Amérique du Sud ?

Oui. Nous nous en étions rapprochés en 2012, en jouant au SXSW et nous retournerons sur le continent américain début janvier 2014 pour une série de dates. Nous passerons par New York, Boston, St Francisco, Los Angeles, Portland, Seattle, Washington... les principales villes américaines en fait. Nous avons beaucoup de chance de pouvoir jouer dans autant de grandes et belles villes de par le monde.

2014 sera une autre grande année pour TOY et le nouvel album, Join The Dots...

Je l'espère. Après l'Amérique, nous reviendrons entamer une tournée européenne, puis nous finirons par l'Angleterre, tout en essayant d'écrire un troisième album pour la fin de l'année... une année très chargée donc, comme celle qui vient de passer finalement.

Est-ce, selon toi, la rançon du succès ? Qu'est-ce que le succès pour un groupe comme TOY ?

Faire de bons disques, voilà ce qui peut rendre TOY heureux ! Ce n'est pas une question d'échelle : jouer avec des jauges intimes ou géantes n'affecte pas notre plaisir en tant que groupe. Nous sommes déjà parfaitement heureux de ce qui nous arrive depuis deux ans ; tout ce qui vient en supplément est un bonus que nous accueillons avec joie, mais avec également beaucoup de sérénité. Le succès, c'est la possibilité de jouer devant un public heureux et de faire les disques auxquels on croit.

Aujourd'hui, quelles sont les forces et faiblesses de TOY ?

Au moment où je te parle, notre faiblesse repose sur la fatigue qui gagne, petit à petit, tous les membres du groupe ! Mais notre force réside, justement, dans la transcendance de soi et l'abnégation de la fatigue dont nous sommes capables, dès qu'il s'agit pour nous de monter sur scène ; ce que nous n'allons pas tarder à faire, d'ailleurs !