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Bombay Bicycle Club

Interview publiée par Xavier Ridel le 3 février 2014

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Lancés très jeunes dans une jungle musicale toujours plus semée d’animaux nuisibles à l’Homme, les Bombay Bicycle Club ont maintenant bien grandi et ont réussi à se frayer un passage au travers des népenthès agressives. Quatre albums, des tournées et des éloges venues des quatre coins de la planète, voilà à quoi ressemble désormais la vie des quatre londoniens. Par l’odeur de bière alléchés, nous retrouvons dans un bar Jack Steadman (chant/guitare) et Ed Nash (basse/choeurs) à l’occasion de la sortie de leur nouvel album, So Long, See You Tomorrow.

Bombay Bicycle Club a été fondé en 2005 et vous avez désormais sorti quatre albums. Pourquoi avoir commencé à jouer de la musique ?

Jack : Pour commencer, il me semble amusant de préciser que nous avons tous les deux commencé à jouer l'opposé de notre instrument actuel. À douze ans, je savais que je voulais devenir musicien. Mais j'ai décidé de jouer de la basse parce que beaucoup de mes amis jouaient de la guitare et que je voulais vraiment faire partie d'un groupe. C'est alors que je me suis dit : un bassiste est plus rare qu'un guitariste. Achète toi une basse et tu trouveras un groupe. C'est ce que j'ai fait. À cette époque, et je le dis avec un soupçon de honte, Flea (ndlr : bassiste des Red Hot Chili Peppers) était mon idole. Ed : Oui, et moi j'ai commencé avec la guitare. J'étais un adorateur des Guns'n Roses. Mais je ne suis plus un très grand fan désormais (rires).

On dit que votre nom vient d'un fast food. Est-ce une légende urbaine ou est-ce véridique ?

Ed : C'est malheureusement véridique. Avant notre premier concert, on flippait. Nous n'avions pas de nom et jouions une heure plus tard. C'est alors qu'on a vu ce restaurant pakistanais : le Bombay Bicycle Club.
Jack : Je crois qu'à l'époque on ne s'est pas rendu compte de l'impact qu'aurait cette décision. Mais bon, ce qui est fait est fait, et cela ne nous a pas porté préjudice plus que ça.

Quelles ont donc été vos influences ?

Ed : Elles ont en fait beaucoup évolué. Quand nous avons commencé Bombay Bicycle Club, nous adorions le rock des années 90s, le shoegaze, Pavement, ce genre de choses...
Jack : Oui, et par exemple, notre second album, Flaws, était très largement influencé par la scène folk anglaise et américaine.

Cela fait si longtemps qu'on travaille ensemble qu'un climat de confiance totale s'est installé entre nous.

Quelle est votre manière de composer et a t-elle changé avec le temps ?

Jack : Elle n'a pas évolué. J'ai les idées en tête, mais les arrangements peuvent s'avérer ne pas être bons. Quand on écrit une chanson, on perd toute objectivité, on n'est plus en mesure de pouvoir critiquer cette dernière. On travaille dessus des jours durant, on en perd notre sommeil et on se trouve ainsi dans l'impossibilité de voir ses défauts. C'est pourquoi j'enregistre une démo et l'envoie aux gars, qui ne l'ont jamais écoutée avant. Ainsi, leur opinion est très intéressante et totalement honnête. Parfois ils me disent « Ok, c'est brillant, c'est parfait », parfois ils me disent simplement de jeter la chanson à la poubelle (sourire). Ça marche vraiment bien. Dans certains groupes, il n'y a personne pour dire que quelque chose est mauvais, que tel ou tel instrument n'est pas à sa place. Tout ce qu'ils font leur parait parfait. En outre, cela fait si longtemps qu'on travaille ensemble qu'un climat de confiance totale s'est installé entre nous.

Et vous sortez ainsi pratiquement un album par an. Est-ce difficile de garder ce rythme ?

Jack : Et bien jusqu'ici cela a été assez simple, puisque rien n'a été planifié. Nous écrivons juste des chansons. C'est la façon et la vitesse auxquelles les choses avancent. Jamais le label ne nous a donné l'injonction de sortir un album par an.

Tout vient donc naturellement ?

Jack : Exactement. Nous ne voulons pas être forcés, que ce soit par un acteur extérieur au groupe ou par nous-mêmes. Si une bonne chanson est écrite, tant mieux, sinon, tant pis et attendons ! C'est bien plus excitant de procéder de cette manière là plutôt que de planifier l'écriture de l'album. Qui plus est, la majorité de nos chansons sont écrites en tournée, grâce à la découverte de nouvelles contrées, de nouveaux paysages. Et je fais beaucoup de musique sur ordinateur, je n'ai plus besoin d'avoir mes instruments à portée de main ou de me trouver au studio.

Vous avez l'air, évidemment, d'adorer jouer des chansons électrifiées, mais également des morceaux acoustiques, comme sur Flaws, dont nous parlions tout à l'heure. Avez-vous des préférences ?

Ed : Flaws n'était en fait pas supposé être un album au départ. Nous avions ces chansons. On s'est demandé s'il fallait les réarranger ou les laisser telles qu'elles étaient et avons finalement opté pour la seconde solution. Au final, c'est devenu un album. Néanmoins, je préfère personnellement jouer des morceaux électriques, surtout en concert.

L'album est en grande partie fait de boucles, et cela s'accorde à merveille avec ma conception des relations humaines, en particulier du couple.

Le nom de votre nouvel album est également le titre d'un roman de William Marxlowe. Pouvez-vous m'en dire plus ?

Jack : C'est exact. Même si nous nous sommes évidemment inspirés du titre de ce livre, le nom de l'album n'a en fait pas grand-chose à voir avec ce dernier. Il s'agit en fait surtout de l'idée de répétition. L'album est en grande partie fait de boucles, et cela s'accorde à merveille avec ma conception des relations humaines, en particulier du couple. Tu vois, quand on dit adieu à quelqu'un pour finalement revenir vers lui en lui disant « Tant pis, qu'importe ce que tu as fait, voyons nous demain ».

Cette idée est également représentée sur la pochette de l'album, qui est très inspirée du travail de Muybridge, n'est-ce pas ?

Jack : Tout à fait ! Ce qu'il s'est passé avec Muybridge, c'est qu'il y a quelques temps, j'ai lu un journal et vu une de ses oeuvres. Quelque chose en elle a immédiatement accroché mon oeil. En outre, je pense qu'en tant que groupe, nous avons toujours souhaité avoir une identité visuelle aussi forte que notre identité musicale. Quand nous avons fait cet album, j'ai repensé à cette image et ai vu le lien entre notre musique et le travail de Muybridge qui est, lui aussi, entièrement axé sur la répétition, les cycles et les boucles. Et c'est ce que nous avons également fait avec la musique. Nous voulions que tout ait un sens : la musique, l'artwork et les vidéos.

D'où le vidéo clip de Alright Now ?

Ed : C'est ça.

On peut relever beaucoup de nouvelles influences sur cet album. Je pense par exemple à la chanson Feel et ses rythmiques tribales. Êtes vous influencés par la musique orientale ?

Jack : Oui, mais je pense que j'étais déjà influencé par ce type de musique avant d'aller par exemple en Inde. Je ne me suis pas spirituellement trouvé en allant là-bas (rires). Je me suis intéressé à la musique Hindi en même temps qu'à la musique classique et qu'à la pop. Et il y a eu cet évènement appelé Africa Express organisé par Damon Albarn, voilà maintenant un an. Il y avait environ cinquante musiciens africains et cinquante musiciens occidentaux. Nous étions ensemble dans un train pendant une semaine et passions notre temps à jouer de la musique, ce qui a été très inspirant. C'est surtout, comme tu l'as remarqué, les rythmes de cette musique qui m'ont beaucoup inspiré.

La dernière chanson de l'album, So Long, See You Tomorrow, dure six minutes et est presque psychédélique avec cette montée en puissance. Était-ce le but ?

Jack : C'était en fait un moment très particulier, cette chanson n'était pas censée être comme ça. Quand tu écris une chanson, tu ne te dis pas « je vais écrire une chanson psychédélique ». Ça doit venir naturellement. Et parfois, c'est une heureuse coïncidence. Pour ce titre, c'est arrivé en studio. L'ingénieur du son a accidentellement bougé des boucles de batterie. Quand on s'est tous assis pour l'écouter c'était une réelle surprise. On s'est tous écriés « Mec, qu'est-ce que ça fout là ? » avant de nous raviser et de la garder telle quelle. C'est un bon exemple, à mon avis, de ce qui peut arriver en studio. Pour en revenir à la chanson et sa sorte de progression, je n'y avais pas vraiment pensé avant mais je crois effectivement qu'on peut parler de titre psychédélique.

Une de mes chansons préférées de l'album est Eyes Off To You. Pourrais-tu expliquer l'histoire de cette chanson ?

Jack : Elle a été écrite à Londres, dans mon studio. Je n'arrivais pas à dormir et avais une vue magnifique sur la ville. C'est d'ailleurs une des seules chansons que je n'ai pas écrites sur la route. Bref, tu vois, il est 4h du matin, il n'y a personne autour de moi. Et là, je me mets à mon piano, je commence à jouer, et ç'a été un moment merveilleux. J'avais la nuit pour seule compagne, et la mélodie est sortie d'elle même. C'est une atmosphère géniale.

Chacun ne peut être tout le temps heureux ou malheureux. La vie serait réellement ennuyeuse sinon.

Il y a une alternance de chansons entrainantes et de chansons tristes sur cet opus. Diriez-vous que c'est une réflexion de votre personnalité ?

Jack : En fait, je pense que c'est la réflexion de la personnalité de chacun. Chacun ne peut être tout le temps heureux ou malheureux. La vie serait réellement ennuyeuse sinon. L'humeur est comme les montagnes russes, ça va ça vient...

Avez-vous hâte de partir en tournée ?

Ed : Oui, tu n'imagines même pas à quel point ! En fait, c'est tout ce qu'on attend depuis qu'on a écrit l'album.
Jack : Quand tu passes autant de temps en studio, tu as écrit les chansons, tu les as enregistrées, mais tout ce que tu attends, c'est de leur donner vie. Tu te sens tellement humain quand tu les joues en concert devant une foule et que cette même foule y réagit, danse et parfois se déchaine.

J'ai vu que tu avais produit l'album seul. Produiras-tu tous les albums futurs du groupe ?

Jack : Je ne sais pas. C'est important d'avoir quelqu'un à tes cotés, parce que nous ne pouvons pas être objectifs au sujet de nos chansons. Il faut que quelqu'un te dise quand ça déconne ou quand c'est bon. Mais c'était quand même une super expérience.

Penses-tu produire d'autres groupes à l'avenir ?

Jack : Oui, j'adorerais faire ça. Je pense que je pourrais vraiment apporter quelque chose de plus, en toute modestie bien sur (rires). Je crois que certaines personnes sont très intimidées par le studio. Des gens louent des salles très cher, et les groupes n'ont donc pas le temps de faire ce qu'ils souhaitent réellement. Certains producteurs poussent les groupes à finir au plus vite afin de payer le moins cher possible. Je serais à l'exact opposé de ceux-ci. Ce qui m'importerait avant tout, c'est le son, pas le coût. Je n'aurais pas besoin de microphones coûteux. Tout ce dont j'aurais besoin c'est un peu de matériel, un groupe motivé et quelques bières (rires).