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Lanterns On The Lake

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 18 mars 2014

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Lanterns On The Lake, groupe atmosphérique de Newcastle est enfin revenu en France en ce début d’année 2014. Après une tournée annulée en 2012, il aura donc fallu attendre la sortie de leur nouveau disque pour les revoir sur scène. A l’occasion de leur passage, nous avons rencontré Paul Gregory, guitariste et compositeur du groupe. Retour sur un bien joli moment.

Vous avez pris pas mal de temps pour sortir votre premier album. Le groupe s'est formé en 2007 mais celui-ci n'a seulement vu le jour qu'en 2011. Pour ce second opus, Until The Colours Run, vous n'avez pas pris autant de temps. Êtes-vous entrés en studio dès votre retour de tournée?

Non. En fait, nous sommes rentrés chez nous une fois la tournée terminée, et nous n'avons plus rien fait pendant quelques temps. Nous ne savions même pas si nous allions continuer à faire de la musique. C'était très bizarre. A un moment nous voulions repartir donner des concerts mais en définitive ça n'est jamais arrivé. Nous n'avons écrit aucune chanson pendant un long moment sans qu'il y ait une réelle explication. Nous avions sorti et écrit pas mal de chansons pour des EPs précédant la sortie de notre premier disque, Gracious Tide, Take Me Home, mais là rien. Peut-être étions-nous un peu fatigués moralement. Et puis un jour, quelqu'un a lancé presque à la cantonade : « Nous devrions refaire un nouveau disque ». Et c'est ainsi que tout a redémarré.

Entre ces deux albums, vous avez sorti la chanson Below It sur la compilation 15 Years of Bella Union Records. Celle-ci ne figure pas sur Until The Colours Run. Était-ce cependant un avant-goût de ce qui nous attendait pour ce second disque ou juste une vieille chanson que vous aviez déjà enregistrée ?

Below It est une reprise de Peter Broderick. Bella Union nous ont demandé d'enregistrer une reprise de cet artiste en vue de la sortie de cette compilation. Nous avons choisi ce morceau parce que nous l'aimons bien. Nous voulions que notre interprétation soit différente de l'original. Toutefois cette chanson a eu beaucoup d'importance pour la suite. Ce fut la première chanson que nous enregistrés nous-même. Nous avons considéré que nous avions suffisamment d'expérience en ce sens pour nous lancer dans cette aventure. Aussi, au-delà de réaliser cette reprise, ce fut une épreuve très intéressante pour nous.

Il est assez difficile de savoir comment musicalement nous nous situons.

Until The Colours Run est un disque plus atmosphérique que votre précédent essai. C'est un album beaucoup moins intime. Je vous avais vu jouer en live à la Boule Noire lors du Festival des Inrockuptibles en 2011 et je trouve que ce disque reflète assez bien l'atmosphère de vos concerts...

Je suis totalement d'accord avec ce que tu racontes. C'était d'ailleurs le but recherché. Le premier album nous correspond toujours sur disque mais lorsque nous jouons sur scène ses chansons, c'est comme si nous n'étions plus du tout le même groupe. Il est assez difficile de savoir comment musicalement nous nous situons. Je pense qu'il faut sortir plusieurs disques pour pouvoir apporter une réponse à cela. Aussi, nous voulions sortir un disque qui s'approche davantage de notre univers musical actuel sur scène. De ce fait, l'album a été entièrement enregistré live. Il n'y a pas vraiment de production, ni de travail sur le son. Le disque est le reflet direct de sessions live. Nous sonnions vraiment comme ça au moment où nous avons enregistré l'album. Je ne sais pas si nous serions capables de le reproduire à l'identique maintenant (rires). C'était un vrai challenge, sans producteur, sans ingénieur du son.

Êtes-vous satisfaits du résultat obtenu ?

Oui, vraiment. Lorsque nous l'avons enregistré, ce disque était très difficile à réaliser. Lorsqu'il fut terminé, nous étions très fiers d'avoir su produire un tel résultat, d'autant plus que nous n'étions pas convaincus d'en être capables. A l'écoute du master final de l'album, nous avons réalisé que nous sommes allés exactement dans la direction dans laquelle nous désirions aller.

Avant de découvrir votre nouvel album, je m'attendais à un disque bien plus électronique, notamment par rapport à votre disque de remixes du Record Store Day en 2012...

Il y a beaucoup d'influences électroniques sur Gracious Tide, Take Me Home. Lorsque ce projet de remixes pour le Record Store Day a été initié, nous n'avions aucune idée du type de titres que l'on trouverait sur le disque. Nous avons été assez surpris par le résultat d'ailleurs. En ce qui concerne Until The Colours Run, il n'a jamais été question d'abandonner le côté électronique. Je me souviens que lors des sessions d'enregistrements, je n'avais pas touché d'instruments électroniques depuis des lustres. En définitive on retrouve des mouvements de batterie électronique sur le disque, et la plupart des sonorités électroniques de celui-ci se trouvent dans le fond sonore. Il y a aussi toute une série de boucles musicales avec violons et guitares mais elles ne donnent pas du tout l'impression qu'elles ont été réalisées par ordinateur. Peut-être que pour le prochain album, nous retournerons vers cet esprit plus électronique présent sur notre premier disque. Cela peut paraitre un peu surprenant de par l'orientation musicale que nous avons pris ces derniers temps, mais je suis convaincu que ce sera le cas.

Il y a eu toute cette collection d'EPs faits main avant la sortie de votre premier premier album. C'est une idée que vous n'avez pas souhaité renouveler ?

En fait, ces EPs correspondent aux débuts du groupe. Nous avons pris énormément de plaisir à les sortir car pour nous ils constituent avant tout une expérimentation sur la direction musicale que nous voulions suivre. Lorsque nous procédions de la sorte, nous n'avions pas du tout l'idée de sortir un album. Nous étions concentrés sur les EPs et sur le fait de trouver notre direction musicale. Maintenant nous sommes dans l'optique de sortir des albums, ce qui en soit est très différent. Mais en définitive, on ne sait jamais. Pourquoi ne pas sortir une nouvelle collection d'EPs un jour. L'avenir nous le dira. Pour réaliser ces EPs faits main, ça nous a pris un temps fou. Le fait qu'il y ait un cachet de cire sur chaque enveloppe a considérablement allongé le délai nécessaire à la réalisation de ces disques. C'était l'idée de Hazel de les sortir comme cela. Elle s'occupe la plupart du temps des artworks de nos disques. Ce fut le cas pour les deux albums. Pour les EPs, je me souviens de m'être retrouvé à 3h du matin en train de poser ces sceaux sur les pochettes. C'était un truc de fou, mais on a adoré le faire.

Sur le premier album, il n'y avait pas que Hazel qui chantait. Il y avait également Adam Sykes. Celui-ci ne fait plus partie du groupe ?

Adam n'aimait pas partir en tournée. Il a pris la décision de quitter le groupe après quelques semaines loin de chez lui. C'est une personne qu'on aime beaucoup mais avec qui il était devenu compliqué de travailler. D'autant qu'à notre niveau, tourner est primordial pour se faire connaitre. C'est vraiment triste, mais Adam est beaucoup plus heureux maintenant.

Lorsque nous avons composé Another Tale From Another English Town, il y avait beaucoup de discussions politiques à propos de ce qui se passait dans le nord-est de l'Angleterre.

A quelle ville faites-vous référence dans Another Tale From Another English Town?

Il n'y a pas une ville spécifique à laquelle nous nous referons dans cette chanson. Certes, la chanson est influencée par Newcastle, la ville dont nous provenons, mais pas seulement. Lorsque nous l'avons composée, il y avait beaucoup de discussions politiques à propos de ce qui se passait dans le nord-est de l'Angleterre. Une bonne partie de nos amis ont perdu leur emploi. Et nous avons eu ce sentiment que ce qui était survenu dans le passé, à plusieurs occasions, était en train de se reproduire de nouveau, notamment par le fait que politiquement parlant ce sont les mêmes personne qui se trouvent au pouvoir. Et finalement, même si c'est tout sauf drôle, on a l'impression de revivre la même mauvaise blague. C'est le vrai fond de cette chanson.

Comment composez-vous vos morceaux ? Confrontez-vous vos idées et si oui est-ce facile de travailler de la sorte ?

Oui et non (rires). Ça s'est passé assez différemment à chaque fois. Le premier album a été composé d'une manière assez étrange. Un membre du groupe proposait une idée et nous enregistrions de suite ce qu'il proposait. Les autres membres du groupe venaient ensuite ajouter d'autres éléments sur cette idée et la chanson était prête. C'était assez intéressant de travailler de la sorte, un peu à l'aveugle, comme si on ajoutait notre propre touche à une peinture tout en ne voyant pas ce qui avait été déjà été peint initialement. Cependant pour ce nouveau disque nous désirions que les chansons soient déjà écrites au moment de l'enregistrement. Nous avons ainsi eu la possibilité de les jouer live et non juste de composer à travers des idées. Hazel a proposé beaucoup de morceaux tout comme moi. Nous avons commencé à travailler sur ces compositions à compter du jour de l'an et cela jusqu'au mois de septembre où nous avons enfin enregistré le disque. Tout s'est très bien passé et en un mois tout était prêt. Ce qui a constitué une réelle surprise car nous ne nous attendions pas à trouver un équilibre aussi facilement entre ce que Hazel et moi-même proposions. C'est vrai que ça ne se passe pas toujours de la sorte, mais là ça a superbement fonctionné. Il y a quelques morceaux qui n'ont pas été retouchés par rapport à la démo. Green And Gold, par exemple, c'est Hazel qui a tout fait de A à Z. Lors de son écoute, on s'est dit : « Waouh, il n'y a rien à ajouter » et on l'a gardée telle quelle. Ce fut très différent pour The Buffalo Days qui nous a pris beaucoup de temps. On ne se bat pas, on ne se dispute pas pour composer. On a même plutôt tendance à juste s'observer. Nous sommes des gens très civilisés (rires).

Tu as contribué à l'album de Snowbird. Comment cela s'est-il passé ?

Simon Raymonde avait l'idée de sortir au départ un disque acoustique avec Stephanie Dosen. Et puis il a décidé d'ajouter de la batterie sur un morceau et m'a demandé si j'étais d'accord pour en jouer. Ce que j'ai bien entendu accepté. Il était très satisfait du résultat et m'a finalement demandé si je voulais aussi jouer de la guitare sur l'album. Et ça c'est fait très naturellement. Simon m'a prévenu une fois l'album terminé. On trouve une belle collection d'invités dessus, notamment Ed O'Brien et Philip Selway de Radiohead.

Pour Noël, vous avez offert le téléchargement de versions acoustiques de Elodie et de Until The Colours Run. Avez-vous enregistrés d'autres chansons de l'album, ou peut-être même l'album dans son intégralité de la sorte ?

C'est une bonne idée ! Nous n'avons pas enregistré tout l'album de cette manière, juste quelques morceaux par-ci, par-là, juste pour voir comment les chansons rendent interprétées ainsi.

Vous aimez jouer vos chansons de cette manière ?

Oui, beaucoup. C'est un exercice vraiment très intéressant. Lors de la tournée, nous avons joué à Cologne, dans un tout petit bar. Lorsque nous avons commencé à répéter pour le soundcheck, la batterie était si lourde qu'il nous a fallu donner notre concert sans l'utiliser. Ce fut un bon moment et je pense que le public présent a apprécié notre performance.

Vous ne comptez pas sortir ces versions pour le prochain Record Store Day ?

Ce n'est pas prévu, mais ce serait bien en effet !